Une voûte romaine peinte exceptionnelle à Langon

25 Déc

Une modeste chapelle près de l’imposante église de Langon, aux confins de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, abrite une voûte romaine peinte exceptionnelle. Parce que c’est la seule encore à sa place d’origine dans l’ensemble du monde occidental. Depuis près de 2000 ans, elle n’a pas bougé, malgré les guerres, les destructions et les invasions.  Cette voûte représente Vénus naissant de l’eau entourée de poissons et d’un Amour chevauchant un dauphin.

Vue de la chapelle Sainte-Agathe de Langon

Vue de la chapelle Sainte-Agathe de Langon

Le bâtiment est à l’origine un ancien édifice thermal romain lié à une riche villa. Abandonné à la fin du IVème siècle, il est transformé en église « ecclesia sancti veneris » dédiée à saint Vénier, traduction locale de Vénus.   C’est dans cette chapelle que le prêtre Agon, fils du machtiern (seigneur Breton) Anau, fit don à l’Abbaye de Redon de terres en Langon en 838. La partie centrale de la chapelle est reconstruite au XIe siècle, mais l’abside est épargnée ; le mur pignon date du XIIe. Au XIIe siècle, la peinture romaine est recouverte d’une figuration du Père Eternel, rafraîchie à son tour au XVIe par une nouvelle peinture. En 1594, la chapelle sert de temple protestant et n’est pas endommagée par les réformés. Au début du XVIIe, la chapelle est dédiée à Sainte-Agathe, patronne des nourrices. Elle traverse sans dommages la Révolution et les premières décennies du XIXe sans que personne ne se doute de la présence de la fresque romaine.

La voûte peinte romaine est redécouverte en 1839, et c’est à ce moment que l’on prend conscience qu’un trésor du patrimoine est renfermé dans cette petite chapelle bretonne quasiment deux fois millénaire. Prosper Mérimée compose lui-même la première liste des monuments à classer en 1840, et y inclut la petite chapelle de Langon. Elle est restaurée en 1904 par l’architecte des Monuments Historiques Pariset. Des fouilles y ont été menées en 1918 par J. Douillard. La peinture sera à nouveau restaurée en l’an 2010.

Détail de la fresque de Langon

Détail de la fresque de Langon

Alfred Ramé, procureur général à Rennes en 1866, fait cette description de la peinture « « Sur un fond glauque destiné à représenter la mer, s’agite dans l’élément liquide une foule de poissons de formes diverses. Les uns ont la tête obtuse et arrondie du rouget, les autres la forme allongée de l’anguille, un troisième a la protubérance nasale de l’espadon. Quelques-uns se font la guerre, les plus gros dévorant les plus petits. Ca et là se meuvent des corps globuleux analogues à nos oursins Le coloris de cette faune marine n’offre pas autant de variété que la forme. Le dos est uniformément dessiné en brun-rouge, le ventre est bleu et la ligne médiane du corps blanche. Au centre se dessine le contour d’un corps de femme entièrement nu et presque de grandeur naturelle. La portion inférieure du torse et le bras droit ont disparu. Le bras gauche relève les tresses d’une blonde chevelure. Tels sur la belle mosaïque de Constantine aujourd’hui déposée au Louvre s’avancent Neptune et Amphitrite. Ce que le peintre a voulu représenter ici c’est la Vénus anadyomène, dont la statuette en terre cuite se retrouve dans toutes les fouilles gallo-romaines, mais dont la représentation peinte n’existe nulle part en France. Elle est suffisamment caractérisée par l’amour qui vogue à ses côtés à cheval sur un gros dauphin. Si la tête de l’amour n’est plus visible aujourd’hui, ses ailes et son corps subsistent en partie. Pour discerner tous ces détails et peut-être d’autres encore, il est nécessaire de prolonger un peu l’examen car au premier coup d’oeil on ne voit presque rien. Cette peinture est appliquée sur un enduit fort épais composé d’une couche de chaux mélangée à du sable recouvert d’une mince lamelle de chaux contenant seulement quelques parcelles de briques ». La Vénus anadyomène, du grec ancien ἀναδυομένη « surgie vers le haut », est la représentation classique de la Vénus au moment où elle sort de l’eau.

De l’extérieur, ce monument se compose d’une absidiole voûtée, s’ouvrant par une arcade en briques, retombant sur des pieds-droits à assises formées alternativement de pierres et de briques ; cette petite abside, isolée dans l’origine, fait face à un rectangle de même largeur qu’elle, long de 5 mètres, et s’ouvrant de son côté. Cette disposition explique l’absence de toute fenêtre antique dans cet édifice, ajouré naturellement par l’interstice de 3 mètres qui sépare la nef rectangulaire de l’abside. Le rectangle n’offre de remarquable que sa construction en petit appareil romain, dont les assises sont séparées, à intervalles irréguliers, par des cordons de briques au nombre de cinq, comme on peut le voir sur d’autres constructions d’époque, telle la chapelle Saint-Etienne ou les remparts romains de Nantes. Lorsque le christianisme s’établit durablement en Bretagne, l’édifice devint une chapelle et l’abside et le rectangle en vis-à-vis furent réunis par des murailles. Voilà donc une petite chapelle de bourg qui abrite un trésor sans équivalent dans toute l’Europe occidentale.

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