Une manifestation monstre à Quimper rassemble en ce moment plus de 30.000 personnes dans une ambiance tendue, avec diverses échauffourées. Des opérations coups de poing ont aussi visé les portiques de Saint-Allouestre, Landaul et Montauban de Bretagne. Le premier brûle, le second a vu ses capteurs mis hors service et le troisième est pris pour cible depuis 16h30 par les agriculteurs locaux qui procèdent à son démontage. La Bretagne historique compte entre onze et quinze portiques, dont cinq sont déjà détruits ou démontés.
Entre 20 et 30.000 manifestants à Quimper
Une marée de manifestants aux bonnets rouges (distribués par Armor Lux) ont envahi les rues de Quimper. Ils ne seraient que 10.000 selon la préfecture, mais 18 à 20.000 selon une source policière. Christian Troadec, maire divers-gauche de Carhaix et l’un des chefs de files de la contestation a déclaré « nous sommes au moins 30.000, ce jour fera date ».
Le mouvement Hollande Démission, dont le chef de file est David van Hemelryck, ce jeune orléanais qui a fait le tour des côtes de France cet été en ULM en tirant une banderole Hollande démission.fr a déployé à plusieurs reprises une banderole de 20 mètres de long libellée « Hollande démission ». David Van Hemelryck, que nous joignons vers 17h, est dans un endroit où il n’y a pas d’échauffourée. « Nous avons déployé la banderole sur la montagne [au-dessus de la place de la Résistance] et les gens ont repris spontanément le slogan Hollande Démission. Nous l’avons déployée sur la rivière. Sur la montagne. Devant les tracteurs. Et maintenant sur des balcons où les gens nous font monter spontanément. »
Contrairement à ce qu’avance la presse de gauche (Le Monde, le Nouvel Obs…) il n’y a pas beaucoup de manifestants issus du Printemps Français à Quimper, en revanche ils couvrent amplement et avec réactivité les événements sur Internet, ce qui explique peut-être pourquoi le pouvoir cherche à bloquer le web et les réseaux téléphoniques.Dès 16h25, le compte Twitter des Bonnets Rouges (1500 abonnés) a été suspendu, tandis que les communications mobiles et 3G sont activement brouillées et perturbées par la police qui cherche à limiter les transmissions sur les réseaux sociaux. Des policiers en civil seraient aussi infiltrés dans la manifestation.
Depuis 15h30, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre se poursuivent à l’angle de la rue Olivier-Morvan et de la place de la Résistance ; les manifestants jettent des cageots et des pots de chrysanthèmes – déposés au préalable devant la Préfecture en hommage aux emplois sacrifiés de l’agroalimentaire – sur les forces de l’ordre qui répliquent à coups de gaz lacrymogènes et avec deux lances à eau. Il y a un blessé à 16h45, deux autres entre 17h et 17h40; les trois ont été évacués vers les urgences. Des CRS seraient aussi bloqués par les manifestants sur les quais, rive gauche, où ils se sont retranchés pour protéger la préfecture et le conseil général. Certains des manifestants ont réussi à entrer dans la Préfecture vers 15h30 où « c’est le plus grand bordel », racontent certains d’entre eux. Les services de la Préfecture sont effectivement totalement débordés et injoignables. Dans les échauffourées sont impliqués des Bretons énervés, notamment des agriculteurs et des pêcheurs. Plusieurs fois les organisateurs lancent des appels au calme, limitant les troubles aux environs de la Préfecture.
Le cortège rassemblé place de la Résistance vient enfin de s’ébranler à 16h30, avec deux tracteurs mis en avant par les organisateurs, en accord avec les forces de l’ordre ; d’autres, une trentaine, sont entrés en ville bravant l’interdiction qui leur a été faite, et ont avancé jusqu’à la Préfecture. Pendant ce temps la contre-manifestation de la CGT, d’une partie de la FSU et du Front de Gauche à Carhaix – organisée avec le soutien du gouvernement qui espérait briser l’élan populaire vers Quimper – a fait un bide, avec à peine 300 personnes (2000 selon la CGT, 150 selon d’autres observateurs). A 17h45, la nuit commence à tomber et l’ordre de dispersion est donné. A 18h, le collectif Breizh o Reveulzin/ Révolte bretonne publie un communiqué dans lequel il « condamne la violence des groupuscules, des casseurs et des forces policières » et « salue ses sympathisants qui ont refusé les extrêmes et la violence« . Il remercie aussi les dizaines de milliers de manifestants pacifiques. Ce collectif, apolitique mais refusant les extrêmes politiques, a mené suite aux propos dans les médias parisiens (Le Figaro, Le Monde, BFMTV et Cie) une croisade afin d’exclure les quelques membres d’extrême-droite qui avaient investis ses pages Facebook. Il est l’un des organisateurs de la manifestation, avec la FNSEA et les organisations socio-professionnelles de l’agroalimentaire, de la paysannerie et de la pêche.
A partir de 18h15, les forces de l’ordre commencent à repousser la foule spectatrice en y lançant des grenades lacrimogènes. Les CRS et gendarmes mobiles chargent par la colline, et refoulent peu à peu le dernier carré de manifestants sur la place de la Résistance. Scandant « On est chez nous », les Bretons ne lâchent rien et repoussent fermement les CRS; chassés de la place, ils s’accrochent aux berges. Le site de la gazette catholique « Le Rouge et le Noir » tweete en direct des affrontements; plusieurs manifestants ont été interpellés vers 19h00. Les Bretons encore présents repoussent les CRS tout en étant accompagnés par des sonneurs.
La manifestation de Quimper était soutenue par de nombreux partis et mouvements, du NPA au FN en passant par le CNIP (centre national des indépendants), l’UMP (dont le député Marc le Fur, vent debout contre l’écotaxe encore en 2009-2010 lorsque la droite la mettait en chantier), le MBP (Mouvement Bretagne et Progrès) de Troadec, Divers Gauche, le Parti Breton (centre), etc. Le Printemps Français soutient lui aussi la mobilisation. Dans un communiqué, la nébuleuse citoyenne engagée explique pourquoi il y a eu de la casse : « [les Bretons] ne sont pas venus pour faire déraper cette manifestation, comme le suggèrent déjà de façon préventive, orientée et mensongère Marylise Lebranchu, Jean-Marc-Ayrault ou la DCRI. Les événements récents, dans toute la France, ont prouvé que les citoyens exaspérés avaient eux-mêmes, quels que soient leurs partis, leurs syndicats ou leurs opinions, décidé de donner une tournure transgressive voire violente à leurs justes revendications, en bloquant les routes, piégeant les usines, sabotant les équipements publics, etc. Une violence réelle qui répond à la violence symbolique d’un État diviseur, partisan et sourd aux revendications des Français. » Le Printemps Français appelle à « bâtir une nouvelle espérance » en sortant de l’économie spéculative, en rompant avec l’habitude d’un Etat rapace asservi aux banques et en s’appuyant sur les solidarités naturelles et familiales.
La Breizh enflamme la France
A Paris, devant l’Elysée, des manifestants qui bloquaient les parages en arborant des Bonnets Rouges ont été arrêtés vers 17h. La mobilisation prend de l’ampleur en France, activée par les milieux socio-professionnels et de nombreux militants de droite hyper-connectés sur les réseaux sociaux et le web, révoltés par le pouvoir. Une action de poids lourds a ainsi eu lieu à Lyon. Un sondage vient de paraître selon lequel à peine un tiers des français sont satisfaits par l’écotaxe. En revanche, le ras-le-bol devant la hausse des prélèvements en 2012 et 2013 ainsi que la vacance et l’incapacité du pouvoir rencontrent un large consensus social.
Encore une petite dizaine de portiques bretons intacts
Il reste encore quelques portiques bretons intacts. Et ce, notamment à Auray et Elven en Morbihan, peu avant la sortie Le Cours-Saint-Guyomard, Saint-Agathon et Lanrodec en Côtes d’Armor près de Coat an Doc’h, Prinquiau, entre Saint-Nazaire et Savenay sur la RN171 (Loire-Atlantique), Mondevert (Ille-et-Vilaine) sur la RN157. Vers 18h30, cinq camions de CRS ont pris position auprès du portique d’Elven : les autorités ont peur que les Bretons ne le prennent pour cible. Ce soir, la Bretagne est en colère, la Bretagne est debout. L’écotaxe ne passera pas.