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Municipales de Nantes : les malheurs de Sophie

15 Fév

carrambaLa candidate divers droite Sophie Van Goethem n’y arrive vraiment pas. Partie sans parti, elle ne dispose pas de l’appui d’une écurie politique. Mais elle aurait pu arriver à s’en créer une, ou tout au moins disposer – en six ans de mandat comme conseillère municipale – d’un fan club plus important. Sa réunion du 31 n’a guère réuni que ses familiers et ses voisins, une centaine de personnes, et la suite ne s’annonce pas mieux.

Sa liste n’est toujours pas complète. Pour la boucler, elle a tenté (sans succès) de débaucher des personnes inscrites sur la liste du Parti des Nantais (Pierre Gobet) ou sur celle encore en cours de gestation qui est réputée proche des idées du Printemps Français (les nantais pour la famille) ; elle persiste d’ailleurs à dire à qui veut l’entendre que cette dernière liste ne se fera pas et que certains de ses leaders ont rejoint la sienne. Pour semer le trouble, il n’y a pas mieux.

Elle a organisé un tractage à la gare. Quand ? Le 11 février à partir de 17h. Le genre méga-opération, avec battage par mail pour avoir du monde, points de distribution à la gare, véhicule de liaison (une 2CV jaune, pour l’anecdote), bref, des moyens et du monde pour faire entendre la « Chance pour Nantes », le slogan de la candidate. Curieusement, ce tractage n’a fait l’objet d’aucune exploitation médiatique, même pas sur le blog de campagne de la candidate. Et pour cause. Plusieurs listes avaient envoyé des « espions » ce jour là pour évaluer les retombées de l’action. Et il n’y avait guère que quatre malheureux tracteurs.

Pas assez pour espérer sortir Sophie Van Goethem de l’ornière. Pour l’heure, c’est surtout ce qu’un de ses proches nomme « la frustration personnelle » de ce professeur de droit qui mène sa campagne. Professeur qui n’hésite d’ailleurs pas à menacer de poursuite judiciaire tout média qui éclaire d’un jour un peu cru ses aventures électorales. Ou la malchance pour Nantes.

NDDL : poker menteur du Modem et de l’UDI sur l’aéroport

21 Jan

-Le dossier de l’aéroport, aux municipales de Nantes, c’est comme le sparadrap du capitaine Haddock : ça colle aux doigts et ça embarrasse. Surtout dans les partis divisés sur la question. Le Modem – dont une grande partie des militants sont opposés au projet de transfert à Notre-Dame des Landes – n’échappe pas à cette quadrature du cercle, façon nantaise.

Ainsi, en présentant sa liste « l’alternative pour Nantes », la liste Modem-UDI issue de leur désaveu  de la candidate de la droite filloniste Laurence Garnier, le Modem, plutôt opposé à l’aéroport, a du faire avec l’UDI qui est, elle, dans son ensemble favorable à un aéroport que ses candidats – notamment à Châteaubriant – soutiennent sans réserves.

De fait, le projet transports de la liste devrait ravir les opposants au transfert de l’aéroport. Inspiré par les propositions de l’association Nexus, opposée à l’aéroport, s’engage à mettre en oeuvre « la descente des avions sans palier » au-dessus de la ville « sur Nantes-Atlantique », mais aussi « la desserte de Nantes-Atlantique par le rail existant » et « l’étude et la réalisation d’une piste de confort est-ouest ». Il y a en effet des rails – rouillés et pleins d’herbes – qui passent devant l’aérogare et aboutissent dans les dépôts logistiques du D2A, la zone industrielle qui jouxte l’aéroport. C’est l’ancien tracé de la ligne de Nantes à Pornic, qui fut déviée pour contourner l’aéroport quand il fut agrandi après-guerre.

Seulement, il y a un mais. Ecrit petit sous les belles promesses. « Sous réserve de l’avenir du dossier de NDDL ». Autrement dit, précise un ténor de l’UDI du département qui souhaite rester anonyme : « ceux du Modem sont bien gentils avec leurs rêveries, mais pour nous, ce dossier est plié ». Comme pour la quasi-totalité de l’establishment politique nantais : s’ils ne se sont pas faits de mauvais gré au transfert de la plate-forme, ils l’appellent de leurs voeux et soutiennent ardemment une politique de grands projets socialistes qu’ils ne manquent pourtant jamais de brocarder devant leurs électeurs locaux et nationaux.

Nantes : attention aux faux bonnets Rouges !

5 Jan

bonnets-rouges-alarmeMise au point. Après quelques semaines de tâtonnements, les Bonnets Rouges bretons structurent enfin leur mouvement. Voici la liste des comités locaux  certifiés conformes à la charte « Vivre, décider et travailler » en Bretagne. Le but est d’empêcher toute récupération du mouvement et de mettre hors d’état de nuire celles qui ont déjà eu lieu.

Car il se trouve que les Bonnets Rouges bénéficient d’un capital sympathie important hors de nos frontières bretonnes. Les thèmes qu’ils abordent – lutte contre le matraquage fiscal, l’écotaxe, relocalisation des décisions, refus de l’avalanche normative – touchent un grand nombre de français et leur sensibilité méfiante envers le monde politique va dans le même sens que le ras-le-bol collectif que suscitent les gesticulations de politiciens de plus en plus déconnectés du monde réel. C’est pourquoi certains groupes ou individus souhaitent récupérer le mouvement des Bonnets Rouges ou tout au moins lancent des groupes locaux qui mettent ce bonnet afin de surfer sur le concept.

Ainsi, à Nantes, il y a deux groupes des Bonnets Rouges. L’un d’eux est sur la liste et il est officiel (groupe Facebook). L’autre s’est distingué par diverses actions dont la redécoration nocturne de la Préfecture. Ces derniers « bonnets rouges » sont en fait proches du Printemps Français. Catholiques et (contrairement à ce qui se dit) anti-lepénistes, étant donné que le FN nantais est très laïciste, ils ont rallié le mouvement Hollande Démission, dirigé depuis Paris et qui appelle quasi exclusivement à la démission de l’actuel président. Ils en constituent la cellule nantaise. Ce mouvement plutôt très français est aussi présent à Orléans, Fréjus, Aix et bientôt Tours.

Investiture de Laurence Garnier à Nantes : comment l’UMP 44 a arrangé son coup

23 Oct
L'UMP 44 depuis l'investiture de Laurence Garnier à Nantes

L’UMP 44 depuis l’investiture de Laurence Garnier à Nantes

Après nos articles récents qui dévoilaient l’inexistence du sondage sur lequel l’UMP s’appuie pour justifier le choix de Laurence Garnier (filloniste) pour mener sa liste dans la capitale bretonne, puis celui où nous exposions tout le flou autour de ce sondage et de ses résultats putatifs nous sommes en mesure d’expliquer comment l’UMP de Loire-Atlantique a arrangé son coup, évincé Marie-Anne Montchamp et pourquoi tente-t-elle de faire prendre aux nantais des vessies pour des lanternes. Suivez le guide.

 

L’UMP 44 tente de faire passer un sondage « maison » pour un sondage officiel

Nous persistons et signons. Il n’y a pas eu de sondage fait par un organisme de sondage officiel, ni par l’IFOP, ni Louis Harris ou d’autres comme on a pu l’entendre ; organismes de sondages qui sont liés à l’UMP nationale par des contrats permettant au parti de sonder régulièrement l’opinion sur diverses questions, tout au long de l’année, ou tester les chances de succès de leurs candidats.

En revanche, il y a eu un sondage « maison », mais sur une question qui n’avait strictement rien à voir avec les municipales. Celui-ci a porté, d’après nos sources confidentielles et très proches du dossier, sur moins de 700 personnes. La question n’avait rien à voir non plus avec les municipales et ne présentait pas de liste de candidats aux interrogés. Il leur était demandé : « quelle est la personnalité qui a le plus de notoriété de la droite et du centre à Nantes ? », la réponse étant laissée ouverte. Curieusement, la personne arrivée en tête… est le chef de file de l’UMP 44 François Pinte.

 

Un sondage commandé par François Pinte pour des raisons internes à la droite locale

Ce qui permet de se poser deux questions. Est-ce une coïncidence si ce sondage est mené alors que le leadership des fillonistes en général et de François Pinte est menacé au sein même de l’UMP44 ?  Bien des gens trouvent que le bilan de l’ex directeur de cabinet de François Fillon est faible, voire inexistant. Sous sa direction, l’UMP locale est en effet devenue un terrible panier de crabes et a perdu presque tous les postes et les circonscriptions qu’elle détenait dans le département. Ensuite, comment se fait-il que le nom de Laurence Garnier est sorti brutalement du chapeau ?

Le but de ce sondage – dont François Pinte garde secrets les résultats et pour cause – est à la fois d’évaluer – à son avantage – son poids par rapport à d’autres personnalités de la droite locale et à se faire valoir auprès des instances nationales. Seul le résultat compte : il serait le plus connu, donc le plus efficace. A condition que personne ne se demande comment le sondage a été fait. Pourtant, il y a de quoi.

 

 

Un sondage « maison » aussi indigeste que la bouillabaisse marseillaise du PS

Comme nous le disions plus haut, le sondage a porté sur moins de 700 personnes et a été réalisé, selon des sources concordantes, avec les moyens de l’UMP locale ; une méthode qui permet aussi de ne pas en impacter le coût sur les comptes de campagne de Laurence Garnier. Le choix du panel est déterminant dans un sondage. En l’occurrence, nombreuses ont été les personnes interrogées à Carquefou et à Saint-Sébastien sur Loire, deux communes qui ne font pas partie de Nantes et dont la population n’a donc aucun droit de regard sur les municipales du chef-lieu de la Loire-Atlantique. Cependant, ce sont deux communes dont les maires (Claude Guillet à Carquefou et Joël Guerriau à Saint-Sébastien) centristes se représentent et sont assez contestés localement. La finalité très éloignée des municipales nantaises de ce sondage apparaît nettement.

Autre chose : plus d’une vingtaine de proches et très proches, politiquement parlant, de Laurence Garnier, ont été sondés. Ce qui laisse planer un sérieux doute sur la neutralité et l’objectivité de ce sondage maison, très loin en tout cas des méthodes qui auraient été mises en oeuvre par des instituts officiels tels que l’IFOP. Il n’en reste pas moins que depuis une semaine, l’UMP de Loire-Atlantique essaie désespérément de faire prendre aux nantais des vessies pour des lanternes, y arrive de moins en moins, trébuche dans sa version et va jusqu’à ordonner à certains de mes confrères indépendants de ne pas faire leur travail de journaliste. Ce sont d’étranges méthodes pour tenter de gagner la ville – à moins que Laurence Garnier ne se présente que pour perdre ?

Investiture UMP à Nantes : le soupçon d’une totale magouille se renforce

18 Oct

nantes#OpMagouilles Nous disions ce matin que les conditions de l’investiture de Laurence Garnier comme tête de liste de droite et du centre à Nantes suscitent plus que des interrogations au sein de la droite tant nantaise qu’au niveau national. En toute logique, c’est en effet la sarkozyste-copéiste Marie-Anne Montchamp qui aurait du être désignée. Et ce d’autant plus que Laurence Garnier est filloniste et est soutenue par une vieille garde UMP et centriste  qui a perdu en près de dix ans toutes les positions clés de la droite en Loire-Atlantique et s’apprête à une nouvelle déroute en 2014.

Le choix de la commission d’investiture devait se faire non seulement autour de critères politiques, mais aussi officiellement via un sondage commandé auprès des nantais. Celui-ci visait à leur demander : « connaissez-vous Laurence Garnier, Julien Bainvel, Marie-Anne Montchamp, Joël Guerriau, sénateur maire UDI de Saint-Sébastien, François Pinte, Sophie Jozan (actuelle chef de file de l’opposition UMP), Hervé Grélard (chef de file nantais à l’UDI), Daniel Augereau (candidat en 1989) ? »

Seulement, voilà. Devant le trouble jeté par l’investiture de Laurence Garnier, certains ont demandé à l’UMP de communiquer les résultats du sondage. Ce que l’UMP refuse de faire. De source très confidentielle et proche de la direction nationale, ce refus s’explique simplement. De sondage, il n’y en a point eu. Quelle colossale magouille a-t-elle conduit à l’investiture de Laurence Garnier et jusqu’à quand l’UMP continuera-t-elle à prendre les Nantais (et le reste des Bretons) pour des idiots ? Nous vous tiendrons au courant dans nos colonnes.

 

La désignation de Laurence Garnier à Nantes sème le trouble à droite

18 Oct

lgarnier2#OpMagouilles. La décision de l’UMP de désigner Laurence Garnier plutôt que Marie-Anne Montchamp à Nantes, pour les municipales, est en train de faire des vagues y compris au niveau national de l’UMP. D’après nos informations, Marie-Anne-Montchamp, de tendance sarkozyste, avait reçu la veille de la décision l’engagement formel de Nicolas Sarkozy et de Jean-François Copé qu’elle serait désignée. Ce qui est logique, puisque Laurence Garnier est filloniste, comme ceux qui la soutiennent et que Fillon a déclaré la guerre à Sarkozy et Copé. Il y a eu donc une  totale magouille pour arriver à la désignation de cette dernière.

Une partie de la droite n’est d’ailleurs pas dupe, et au moins deux listes dissidentes pourraient être présentées, dont une par Sophie van Goethem, un  professeur de droit de 56 ans, élue en 2008 sur la liste de droite, Enfin, Sophie Jozan, chef de file de l’opposition nantaise trahie et laminée par tout le monde (y compris son dernier protégé en titre, Julien Bainvel) ne souhaite qu’une chose : se venger de cette campagne de 2008 et des années suivantes où tous, sans exception, lui ont savonné la planche. Ambiance…

Joël Guerriau mis sur la sellette par Borloo

15 Oct

Joel_GuerriauConfidentiel. D’après nos sources, le sénateur-maire UDI de Saint-Sébastien sur Loire Joël Guerriau a été appellé ces derniers jours par Jean-Louis Borloo. Celui-ci lui a demandé d’arrêter d’interférer dans la campagne pour l’investiture d’un ou d’une candidate de la droite et du centre à Nantes.  Après avoir renoncé en effet à se présenter à Nantes, Joël Guerriau a néanmoins monopolisé le débat autour de sa personne pendant plusieurs semaines puis a soutenu la candidature de la filloniste Laurence Garnier (UMP), peu connue mais soutenue par de nombreux notables de la droite et du centre, qui ont en commun d’avoir notamment perdu toutes les positions clés que la droite détenait dans le département, et ce en à peine dix ans. Par ailleurs, Joël Guerriau soutiendrait aussi la candidature dissidente d’Hervé Grélard (UDI) et celle du jeune Maxime Lelièvre à Châteaubriant.

Jean-Louis Borloo a aussi demandé à Joël Guerriau de se concentrer sur sa commune, où il se représente aux municipales. A l’origine, c’était son premier adjoint qui devait se présenter, mais son manque de carrure politique n’a pas séduit les sébastiennais. Cependant, même dans un contexte de mécontentement général contre la politique de la gauche de gouvernement, Joël Guerriau lasse les sébastiennais et ses aventures nantaises (ira, ira pas) énervent. Or, s’il perd la commune, ce qui paraît de plus en plus possible, il ne sera pas réélu sénateur et cela marquera la fin de sa carrière politique.

NDDL : la folle rumeur d’une intervention imminente contre la ZAD

13 Sep

Ces dernières semaines, la toile bruit d’une rumeur d’intervention policière imminente contre la ZAD, d’ici le 12, et maintenant la semaine prochaine. Cette rumeur a même provoqué une fausse alerte et un montage de barricades frénétiques le 11 sur la ZAD. Qu’en est-il vraiment ? Que faut-il attendre du pouvoir ? D’où vient cette rumeur ? BreizhJournal fait le point pour vous éclairer.

 

 

Une vue de la ZAD près de la Noë Verte cet été

Une vue de la ZAD près de la Noë Verte cet été

Une intervention imminente ? Impossible pour Sandrine Bélier

Sandrine Bélier, euro-députée EELV du Grand Est, très investie dans la sauvegarde du grand hamster d’Alsace et l’empêchement du projet d’aéroport, trouve « farfelues » toutes les rumeurs sur une intervention imminente des forces de police sur la ZAD. Au moins jusqu’au 17. « C’est une bêtise que l’Etat ne peut pas faire, à moins de se faire taper sur les doigts tout de suite. Le 17, il y a l’audience devant la Commission des Pétitions du Parlement Européen, l’ACIPA sera là, de même que les représentants de l’Etat et de Vinci qui devront convaincre la Commission qu’il n’y a aucune contradiction entre le projet d’aéroport et le droit européen de l’environnement et de l’eau. Jusqu’au 17, aucune intervention policière contre la ZAD n’est possible, l’enjeu est trop important ». Et après le 17 ? « Ça dépendra de la décision de la Commission, et notamment si elle prend la décision d’envoyer sur place une mission parlementaire européenne, ou si elle prend position contre le début des travaux ».

 

Le pouvoir est tellement sûr de son dossier qu’il joue l’obstruction

En attendant, l’Etat clame à qui veut l’entendre que le projet de l’aéroport – et aussi du barreau routier 2×2 voies le desservant, déclaré d’utilité publique le 5 août 2013 – est dans les clous par rapport à la réglementation européenne. Ce qui n’est pourtant pas le cas : l’aéroport est illégal et a cinq ans de retard sur la réglementation européenne. En attendant, le pouvoir essaie de gagner du temps : un vote d’obstruction a uni socialistes et conservateurs pour empêcher l’envoi sur place d’une mission parlementaire, ce que déplorent les Verts, qui notent que si le dossier était si réglo que ça, les socialistes ne joueraient pas la montre ainsi. Cependant, pour Sandrine Bélier, ce n’est que partie remise : « il n’y a pas de refus, la décision n’a pas été prise. La prochaine échéance pour prendre cette décision, ce sera le 17 ».

 

Ayrault n’a rien compris, rien changé

Une hutte en terre banchée, à l'est de la ZAD

Une hutte en terre banchée, à l’est de la ZAD

Dans les colonnes de nos confrères de Presse-Océan début septembre, le sous-préfet chargé de la réalisation de l’aéroport déclarait péremptoirement que « nous ne sommes plus dans le dialogue, mais dans l’instruction » et que « le gouvernement est toujours dans la perspective de réaliser cet équipement ». Tellement que le comité scientifique qui a rendu son étude en avril remettant en cause le projet d’aéroport – en levant douze réserves importantes qui montrent que le projet, en l’état, ne respecte ni le droit français, ni le droit européen de l’environnement – va être remplacé par un nouveau groupement, et ce comité Théodule sera prié d’invalider le diagnostic de ses prédécesseurs. Maintenant qu’elle a été débarquée, l’ancienne ministre de l’Environnement Delphine Batho s’offre le plaisir d’une douce vengeance sur celui qui n’a jamais cessé d’être le maire de Nantes. Elle a en effet affirmé, interrogée par Reporterre, que « si l’on suit les conclusions de la commission scientifique, en l’état, le projet d’aéroport ne peut être conforme à la loi sur l’eau ». Et il se trouve que « on est obligés » de suivre les dites conclusions. Moralité : le gouvernement est dans l’impasse, quand bien même il réussit à circonscrire l’Europe, car les Bretons l’ont bien compris et ne le laisseront pas faire.

 

Pendant ce temps là chaque camp fourbit ses armes

 

Voici une zone humide : il n'a pas plu depuis trois semaines, c'est le mois d'août, et c'est le bourbier quand même. (ZAD, la Noë Verte)

Voici une zone humide : il n’a pas plu depuis trois semaines, c’est le mois d’août, et c’est le bourbier quand même. (ZAD, la Noë Verte)

Si le pouvoir décide d’intervenir sur la ZAD, il est obligé de le faire en période hivernale, avant la reproduction des batraciens protégés, tritons marbrés et autres salamandres au printemps. Ce qui laisse une courte période entre le 17 septembre et le mois de février, avec une autre contrainte : la trêve hivernale, fixée du 15 novembre 2013 au 1er mars 2014. Nombre d’occupants de la ZAD sont légaux (loyers, baux verbaux, baux agricoles, propriétaires non expropriés) et d’autres feront valoir au premier policier venu que leur cabane, caravane ou bout de ferme est leur résidence principale, obligeant à un procès en bonne et due forme pour les expulser, ou non. Ce qui a tout de suite une double conséquence : le périmètre des interventions possible est mité et les expulsions sont décalées dans le temps. Résultat, les opérations en perdent tout de suite une grande partie de leur efficacité.

En attendant, chaque camp se prépare. Des forages et des travaux préparatoires ont toujours lieu à l’est de la ZAD. Le 11 encore, le site Zad.nadir signale « Deux camions [de gendarmes mobiles] ont été vu stationnant au cimetière de Notre Dame, un autre circulant sur la route entre l’Epine et le Bois Rignoux. Merci à toutEs pour votre vigilance. Midi : les 2 camions sont maintenant positionnés devant la salle Jules Verne. Une camionnette blanche Biosnet a été vue sur la D281 ». Tandis que des cabanes continuent à pousser un peu partout, l’exploitant de la ferme du Moulin de Rohanne a quitté les lieux le 29 août 2013. Une escouade d’occupants s’est glissée juste derrière pour refaire la maison d’habitation et la rendre habitable dès que possible, ce qui en fait un nouveau lieu occupé. Ladite ferme a un atout intéressant : elle est située à proximité immédiate de l’un des carrefours stratégiques qui verrouillent la ZAD, le carrefour de la Saulce, au sud. Comme vigie pour guetter des pirates en bleus, l’on ne peut rêver mieux.

 

La propagande à destination des acteurs économiques et politiques continue

Une salle de bain à la pointe est de la ZAD. Derrière, un "pré humide" d'où sourd un ruisseau.

Une salle de bain à la pointe est de la ZAD. Derrière, un « pré humide » d’où sourd un ruisseau.

Pendant ce temps, malgré – voire à cause – de l’impasse évidente, la propagande pro-aéroportuaire continue. A la fin de l’été, une association présidée par le maire de Saint-Aignan de Grandlieu a estimé à 5000 les emplois qui pouvaient être créés en sud-Loire par le transfert de l’aéroport. L’estimation, purement gratuite, a de quoi faire rire si ce n’était pas si sérieux. Comment en effet pouvoir prétendre arriver à un tel chiffre quand aujourd’hui, les entreprises françaises croulent sous le poids conjugué de la crise, des normes et des impôts qui minent leur compétitivité, que l’écotaxe risque d’écrouler tout le reste et que conséquence logique, même à Nantes qui est pourtant une des villes les plus dynamiques de la France, des bureaux flambants neufs, peu chers et bien situés peinent à trouver preneurs depuis des mois ? Alors que Vierzonitude s’émeut des dizaines de vitrines vides qui trahissent le manque de dynamisme de Vierzon au centre de la France, des bourgades pourtant jeunes et vigoureuses comme Savenay ou La Chapelle sur Erdre ont-elles aussi des vitrines en bois et des locaux commerciaux ou d’artisans qui peinent à trouver preneur… et ce parfois depuis une décennie. Et l’on ne parle même pas de Paimboeuf ou Issé qui sont des vraies belles au bois dormant du département.

A Châteaubriant, l’ADIC (association des entrepreneurs du pays de Châteaubriant), bien briefée par tous ces fervents soutiens de l’aéroport de Notre-Dame des Landes que sont la CCI et Alain Mustière, président de l’ACIPRAN, vraie-fausse association citoyenne  pro-aéroport, s’apprête à implanter des panneaux « nos entreprises soutiennent l’aéroport du Grand Ouest » sur les terrains de ses membres. La même agit-prop est déployée en direction des entreprises du pays Nantais, dont certaines, abusées par des perspectives miroitantes, ont même déplacé jusqu’à leur siège pour être plus proches de l’ex-futur aéroport nantais. Mais aussi des entreprises du centre de la Loire-Atlantique, de Nort à Savenay.

Autre moyen de diffusion : les notables de l’opposition, principalement UMP et UDI (alliance centriste ou Nouveau Centre) qui gère plusieurs mairies et lorgne sur d’autres dans le secteur. A Blain par exemple, Jean-Michel Buf (UDI) est un fervent soutien de l’aéroport dont – comme bien d’autres notables de droite pendant des décennies – il espère monts et merveilles, notamment que l’équipement accélère l’installation d’habitants et d’entreprises à Blain, dont l’actuelle mairie est très opposée au transfert d’aéroport. Cette mairie de gauche arc-en-ciel (PS, PCF, Verts, Front de Gauche, citoyens non encartés) avait d’ailleurs été élue pour cela, dès le premier tour en 2008 et avait remplacé un maire UDF pâlot qui n’avait su préparer sa succession et attendait lui aussi beaucoup de l’aéroport. Les blinois n’ont pas été déçus : entre autres, les onze élus communistes de Blain ont envoyé une lettre à François Hollande et à leur fédération départementale – la seule de Bretagne et des contrées avoisinantes à soutenir encore mordicus le projet d’aéroport, toutes les autres ayant au moins demandé un moratoire sur les travaux – pour leur dire qu’ils sont contre l’aéroport, quelle que soit l’opinion de leur fédération. Jean-Michel Buf sera très probablement la tête de liste de l’opposition à Blain, et espère « une liste d’union pour virer le kolkhoze », autrement dit la liste de gauche plurielle, effectivement d’autant plus rouge que l’actuel maire socialiste, Daniel Leroux, pourrait ne pas rempiler. Liste d’union sans nul doute, mais pro-aéroport. Lorsque tout ce petit monde se réveillera et que les vapeurs de la propagande instillée par le pouvoir et ses relais économiques (CCI…) sans aucune considération pour les contraintes légales, naturelles et environnementales se seront dissipées, la gueule de bois sera terrible.

L’église de Gesté entamée par les démolisseurs

31 Août

l'égliseLe maire de Gesté espérait détruire le chœur de l’église en trois jours. Mais, pour un « monument en péril », elle résiste bien et les démolisseurs en auront pour une semaine de plus au moins. Par ailleurs, dimanche 25 août, des opposants à la démolition ont découvert dans les gravats une pierre d’autel et des objets sacerdotaux dans l’église. Cela fait pourtant des mois que le clergé (évêché d’Angers et curé de Beaupréau, favorables à la démolition) clame que l’église a été vidée de ses objets sacrés.

Les démolisseurs s’attaquent au chœur néogothique de l’église avec une griffe qui porte jusqu’à 40 mètres de hauteur. Une flèche placée sur le côté déploie un écran qui est censé éviter les projections de pierre ; malgré cela, des débris ont giclé assez loin sur la place de la mairie. La société OCCAMAT qui assure la démolition est donc obligée de ralentir encore la cadence et de démolir avec prudence sur les côtés sud et est du chœur, car l’église est entourée d’habitations qui sont situées à moins de dix mètres d’elle.

Le chantier a été arrêté toute la journée de vendredi. Il devrait reprendre au début de la semaine prochaine. Les démolisseurs s’apprêtent à démolir d’abord les parties hautes du chœur, puis ensuite le bas, avec une grue de plus faible portée, donc moins chère à transporter et à louer. La démolition revient à moins de 200.000 € pour la commune (193.500), parce que les pierres de l’église ne seront pas emmenées par la société, mais seront prises par les agriculteurs pour l’empierrement des chemins. La belle église de Gesté finira sa vie sous les roues des tracteurs.

Ce qui a surpris les démolisseurs comme les badauds, c’est la solidité de l’église. Noël Stassinet, du souvenir chouan de Bretagne, présent toute la dernière semaine de juillet sur place, se souvient notamment « quand la pelleteuse a soulevé tout d’un coup tout le toit du transept, et qu’elle l’a emmené, le mur en bout de transept a vacillé plusieurs fois, et s’est redressé. » C’est une construction élastique, qui tient les chocs. « De même, quand une des quatre ogives d’une croisée a été retirée par la pelle, la croisée a tenu. Ils ont enlevé un autre arc, la croisée tient toujours. Ils coupent pour la pause de midi, la croisée ne bouge pas ». Bref, ce n’est pas une maison en parpaings, c’est une église, construite à une époque où on savait le faire, et qui paraît quand même bien en état pour un monument que la mairie disait en péril. La même mairie disait qu’il y avait de la mérule (un champignon responsable de la destruction des bois) dans la charpente : aucune pièce infectée n’a été trouvée.

 

Des objets religieux trouvés dans les gravats et dans la sacristie

démolPlus scandaleux encore. Alors que ça fait des mois que le maire, Jean-Pierre Léger, et le curé de la paroisse, Pierre Pouplard, clament que l’église a été vidée de ses objets religieux et sacerdotaux, une découverte soudaine a remis en cause leurs paroles. Pourtant, nous avons relevé en juin que de nombreux objets avaient été sauvés de l’église (devant d’autel, plaques des monuments aux morts, statuaire, tables de communion, chemin de croix…) et entreposés dans les ateliers municipaux tandis que les aubes et autres vêtements sacerdotaux auraient été repris par la paroisse.

Et pourtant. Le dimanche 25 août, le souvenir chouan de Bretagne organisait un pique-nique pour rendre hommage à l’église qui allait être détruite. Ce pique-nique a réuni douze personnes, bien qu’il a été interdit par la gendarmerie de Beaupréau suivant l’avis du maire de Gesté. Les participants sont allés voir l’église et ont longuement discuté avec le vigile, catholique et excédé par le sacrilège en cours. Ils sont entrés sur le chantier, et parmi les gravats, les membres de l’association Mémoire Vivante du Patrimoine Gestois (MVPG, opposée à la destruction de l’église) qui les accompagnaient ont trouvé une pierre d’autel dans les gravats, encore revêtue du sceau de cire rouge de l’évêché. Dans la sacristie, il y avait aussi encore des aubes et des étoles dans les placards, ainsi que des manipules, une bourse et un plateau de communion. Ils ont sorti l’ensemble de ces objets. Le vigile a refusé que cela sorte du site, et a tout empilé dans un carton qu’il a porté dans la salle municipale toute proche. Lundi, ces objets ont été remis à la municipalité.

Celle-ci, plutôt que d’avouer – pour une fois – ses torts a fait comme d’habitude, c’est-à-dire qu’elle s’est enferrée dans le mensonge en profitant des colonnes complaisantes du Courrier de l’Ouest. Elle a notamment accusé l’association MVPG et les participants au pique-nique « d’effraction de la crypte », accusation étrange sinon grotesque puisqu’il n’y a rien à briser, la crypte comme tout le reste étant ouverte à tous les vents. A des élus de son canton, le maire a aussi dit que l’association MVPG aurait volé ces objets sacerdotaux antérieurement (par exemple en décembre quand l’église était ouverte à tous les vents pendant un mois) pour les remettre maintenant. Le 20 juin, lorsque nous étions rentrés dans l’église pour photographier ce qui allait être démoli, la sacristie n’était pas vide, loin de là, on trouvait sur les étagères des pots étiquetés « cendres 1992 », certains placards étaient remplis, d’autres vidés, des feuilles traînaient un peu partout et il semblait que l’église avait été abandonnée dans la précipitation, comme un lieu touché par une catastrophe naturelle. Tout cela montre que l’évêché d’Angers et la paroisse ont tous deux participé à un sacrilège : la destruction d’une église qui n’a pas été déconsacrée.

Les vraies raisons de l’exécution politique de Gilles Bourdouleix

24 Juil

bourdouleixPetite histoire d’été. Un maire, excédé par des Roms qui seraient venus s’installer sur un terrain de sa commune aurait regretté qu’Hitler n’en ait pas tué assez. Un journaliste capte la scène avec son portable et diffuse. Tous les médias reprennent l’histoire, sans s’interroger le moins du monde – ou presque – sur sa véracité et ce qui la sous-tend. Le scénario est bien ficelé, la cause est entendue,  tollé national, le maire est viré de son parti, puis on lui coupe la tête.

Parce que même s’il n’y a pas de sang, il s’agit bien d’une exécution publique. Médiatique. Politique. Judiciaire même. Une exécution qui surprend par sa rapidité. Et qui a ses raisons que nous tenterons d’éclaircir – ce que personne ne s’est visiblement donné la peine de faire avant nous. Pour le béotien, c’est vite vu : le maire a dérapé, c’est nauséabond, il doit être condamné, et le bon peuple ne verra rien. Seulement à qui profite le crime ?

On ne peut trouver la réponse qu’en se penchant sur le condamné. Bourdouleix, Gilles, maire de Cholet depuis 1995, député depuis 2002, président du CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans) depuis 2009. Ce n’est assurément pas n’importe qui que cet avocat et chargé de cours en droit – et surtout pas un homme à ignorer le sens des propos lâchés au vent, surtout quand l’on fait de la politique et qu’à force, l’on fait des jaloux ou des ennemis. L’exécution publique de Gilles Bourdouleix est sous-tendue par ces inimitiés et des desseins politiques plus ou moins cachés. C’est pourquoi – hors de la question de savoir si oui ou non il a tenu les propos qui lui sont reprochés – nous allons nous pencher sur le pourquoi du comment de cette exécution.

Le Courrier de l’Ouest brouillé avec Gilles Bourdouleix

En réalité, le Courrier de l’Ouest et Gilles Bourdouleix sont fâchés depuis belle lurette. Deux fois le Courrier de l’Ouest a attaqué le maire de Cholet pour diffamation, après que celui-ci ait contesté vivement les méthodes qu’il employait ou la véracité de l’information, deux fois le journal a été condamné aux dépens, dont la dernière fois il y a quelques semaines. De quoi rendre possible un règlement de comptes du journal ?

L’étrange déontologie du Courrier de l’Ouest

Par ailleurs le journal – dépendant du groupe Ouest-France – n’est guère un modèle des bonnes pratiques du métier. Sa partialité, enfin plutôt celle, largement tolérée par la rédaction, du journaliste couvrant la commune concernée, a été largement soulignée ces derniers temps au sujet de la destruction de l’église de Gesté. Les articles paraissant dans le quotidien étaient en effet toujours très largement favorables à la démolition de l’église, et à l’équipe municipale portant le projet. Pire encore, les communiqués ou les informations opposés à la démolition ont été systématiquement trafiqués – ainsi d’une position de la SPPEF envoyée le 21 juin, et publiée quelques jours plus tard vidée des trois quarts de son contenu, remplacés par de la glose du journaliste, à côté de la plaque pour l’essentiel. Qu’a fait la rédaction, alertée sur les excès de son collaborateur ? Rien, jusqu’à ce que la partialité dudit journaliste fut dénoncée jusqu’aux ondes de la Voix de la Russie, le journal gagnant dans l’affaire une honte internationale. Depuis, les articles sur l’affaire de la démolition sont écrits par un autre journaliste et sont un peu moins orientés.

Pourquoi un journal qui tolère la partialité des journalistes au sujet de la démolition de l’église de Gesté ne pourrait-il pas être partial pour le reste ? Un caractère que Gilles Bourdouleix n’a de cesse de dénoncer « les gens du Courrier ne m’aiment pas, car je ne leur fais pas de cadeaux. C’est un journal tout à fait partial, la voix de la gauche pour le Choletais », nous explique-t-il.

 

Le combat ancien d’un maire contre l’impunité des gens du voyage

Par ailleurs, le maire de Cholet combat depuis longtemps l’impunité judiciaire dont bénéficient les gens du voyage, tant Roms que gitans, véritables vaches sacrées de l’application de la loi républicaine. Pour expliquer un peu ce fait curieux à nos lecteurs qui seraient étrangers à la France et donc peu habitués aux bizarreries de notre beau pays, imaginons un instant qu’une famille de français « normaux » comme les affectionne notre « normal » président s’installe sans y avoir été invitée sur le terrain de foot communal, avec caravanes, proches et amis de ceux-ci, vole l’eau de la commune, se branche sur l’électricité des vestiaires, et en partant laisse un tombereau d’ordures dispersé un peu partout sur le terrain, avec des sacs plastiques accrochés dans tous les arbres alentour. Les foudres de la justice ne tarderaient pas à s’abattre sur ces français normaux, pour occupation illégale d’un bien public, dégradations, vols, pollution volontaire etc. En France, les gens du voyage font cela chaque année, des dizaines de fois, sans encourir aucune sanction, quand ils se rendent aux divers grands rassemblements évangéliques (en Camargue, à Trignac, à Nevoy etc.) ou seulement quand ils se déplacent.

Entrepreneur dans la motoculture et les espaces verts, Loïc Maurice, par ailleurs président du CNIP44, dit son ras-le-bol devant la « démission générale des pouvoirs publics » au sujet des gens du voyage. Sur quinze ans, ses quatre établissements ont connu plus de cent cambriolages divers, et les « impôts indirects que sont ces vols répétés qui aboutissent tous aux gens du voyage, d’après les forces de l’ordre » pèsent lourdement sur les charges, sans pourtant que « la justice fasse quelque chose ». Les maires sont aussi en première ligne, d’autant plus, précise Loïc Maurice, « qu’il ne faut pas tout mélanger : on n’est pas dans le cas d’un manque d’aires d’accueil, comme c’est le cas dans le sud-est. Ce sont des rassemblements évangéliques, et les mairies subissent ainsi l’assaut de 100, 150 ou 200, voire plus, véhicules, sans être prévenues » – alors que la législation impose aux missions évangéliques tziganes de déclarer leurs parcours et leurs rassemblements six mois auparavant à la Préfecture, afin qu’elle puisse prévenir les communes concernées – « et ces mairies, comme Guérande dernièrement ou Cholet se retrouvent complètement démunies, les rouages de l’Etat refusant d’appliquer l’ordre comme ils sont censés le faire, et comme ils le font quand il s’agit de n’importe qui d’autre que les gens du voyage. » Et il s’insurge « Aucune loi n’oblige une commune à supporter à sa seule charge et à celle de ces concitoyens un assaut massif de gens du voyage, qui se répète parfois une, voire deux fois par an ! »

De fait, les pouvoirs publics sont terrorisés et se sentent impuissants. Cette impuissance s’est une nouvelle fois traduite ces derniers jours à Cholet. Ainsi, le sous-préfet choletais Colin Miège a dit au maire Gilles Bourdouleix « moi aussi je n’aime pas les gens du voyage, mais laissez-les, ça va calmer les choses », afin de justifier son refus de faire intervenir la force publique pour les faire partir du terrain communal qu’ils occupaient indument. Un commissaire de police qui s’est déplacé a refusé d’envoyer des policiers avec l’huissier mandé par la commune pour relever les immatriculations des véhicules présents : l’huissier qui n’a pu mener à bien sa mission a tout de même constaté le refus du commissaire de faire son travail. Finalement, à force de fermeté, les gens du voyage à l’origine de l’affaire sont partis le 22 à midi.

 

La main de la Préfecture et de l’Etat

Les démêlés de Gilles Bourdouleix et des gens du voyage ne lui ont pas apporté que des amis à la Préfecture et à la sous-préfecture. D’autres raisons – notamment les atermoiements des intéressés autour de l’adhésion d’une commune à l’intercommunalité choletaise – ont provoqué un fort énervement du côté du maire de Cholet excédé, tant et si bien qu’il fait voter en mai 2013 une motion pour que le président de la République relève le préfet du Maine-et-Loire de ses fonctions. Dans la foulée, la commune s’est placée sous le contrôle direct du ministère de l’Intérieur, refusant qu’à l’avenir la préfecture exerce son contrôle de légalité sur ses décisions. Et même si la tension est depuis un peu retombée, elle restait palpable. Ce n’est donc en rien étonnant que le préfet a décidé dans la foulée d’achever l’exécution médiatique par un volet judiciaire, en saisissant  le procureur de la République pour apologie de crimes contre l’Humanité. Cette décision n’a pu être prise qu’avec l’accord exprimé de M. Valls, ministre de l’Intérieur. La vengeance de l’Etat n’est pas loin, et marche de concert avec le front des bien-pensants.

 

Comment l’UDI essaie d’abattre Gilles Bourdouleix et le CNIP

Il y a quelque chose de très surprenant dans « l’affaire » Bourdouleix – la rapidité avec laquelle les pontes de l’UDI ont appelé à son exclusion. Jean-Louis Borloo, soucieux de ne pas réagir à chaud, avait seulement fait un communiqué écrit pour condamner les propos et appeler  à analyser la situation, sans mentionner de possibilité d’exclusion. Mais Jean-Louis Lagarde et Yves Jégo ont appelé très vite à une exclusion de l’intéressé. Yves égo notamment ne mâchait pas ses mots sur Twitter hier : « Les propos rapportés par le #CourrierdelOuest sont ignobles et inacceptables. L’exclusion de l’UDI de leur auteur doit être immédiate. » La violence de cette réaction traduit là encore un violent règlement de comptes, façon OK Corral. D’un côté, Yves Jégo et ses proches, de l’autre le CNIP mené par Bourdouleix. La toile de fond : les élections au sein des fédérations départementales, puis les municipales. Arbitre théoriquement impartial mais en pratique manipulé : Jean-Louis Borloo.

Tous les jours, des échos et des articles écrits par tels ou d’autres journaux locaux mettent en cause plus ou moins gravement un élu local, sur fond de dérapage avéré ou non. Mais peu d’entre eux atteignent le niveau de l’emballement médiatique national, surtout le jour de la naissance du bébé de Kate Middleton, quand les médias ont fort à faire ailleurs. Le tollé national doit en effet beaucoup à la diffusion qui en a été faite par les amis de Yves Jégo, qui rêvent de se débarrasser du maire de Cholet et surtout de son parti, le CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans), qui fait partie depuis 2012 de l’ARES, l’alliance de formations centristes qui a donné naissance à l’UDI autour de Jean-Louis Borloo.

Celle-ci est formée à l’origine de sept composantes (Alliance centriste, CNIP, FED, gauche moderne, Nouveau Centre, PLD, Parti radical, Territoires en mouvement) dont deux – le parti radical et le CNIP – sont d’assez anciens partis politiques, alors que les autres sont essentiellement des mouvements politiques formés autour de quelques personnalités, Gauche Moderne autour du mulhousien Bockel, Alliance Centriste autour, notamment, de Jean Arthuis, etc. Il y a en outre des « adhérents directs », c’est-à-dire des gens qui ne sont qu’adhérents de l’UDI elle-même et non d’une de ses composantes en plus. Chacune des composantes essaie de ne pas se laisser liquider dans le flot des adhérents directs, et le Parti Radical, mené par Yves Jégo, profite amplement du fait que Borloo en soit originaire pour essayer de mettre la main sur l’ensemble des instances locales de l’UDI, et étendre sa sphère d’influence hors des départements où il est déjà implanté. Ce « grand dessein » est au coeur des luttes d’influence qui l’opposent notamment au CNIP.

Des élections dans les départements ont été organisées un peu partout : les militants de toutes les composantes devaient pouvoir élire un président, un bureau départemental (75 personnes, donc 89 noms, suppléants compris) et des représentants au conseil national (35 personnes, donc 43 noms, suppléants compris), en outre des « membres de droit » de ces instances qui sont habituellement les présidents locaux des composantes, les élus importants, maires et adjoints de grandes villes, députés, etc. Chaque militant devait pouvoir apporter sa voix. Pour éviter le bourrage des urnes et les vagues de candidats fantômes inscrits la veille des élections, seuls les adhérents à jour de cotisation avant fin février pouvaient voter aux élections organisées en mai ou juin. Dans bien des départements, il n’eut qu’une seule liste, dans d’autres, non. Et c’est souvent là où il y a eu deux listes – comme dans le Loiret – que l’on constate des irrégularités en cascade et des tricheries commises en masse par l’un ou l’autre camp. Mais nulle part les tensions n’ont été aussi fortes que dans les départements où le CNIP pouvait légitimement espérer prendre la direction des instances locales, ayant le plus d’adhérents locaux. Plusieurs sont concernés, notamment la Loire, l’Isère, l’Hérault, et surtout la Seine-et-Marne et les Pyrénées Orientales.

Dans les Pyrénées Orientales, le CNIP mené par l’ancien maire d’Oloron Hervé Lucbéreilh avait, avec ses 400 adhérents, tout à fait la possibilité de prendre la tête des instances départementales. Les chefs des autres partis – notamment Philippe Morel, le responsable du Parti Radical – n’ont eu aucune envie de faire une juste et brave campagne et ont préféré dénoncer unanimement  « l’entrisme » du CNIP et « l’OPA » qu’il exerçait – par le simple fait d’avoir la majorité des adhérents – sur l’UDI départementale. Résultat de cette cabale : suite à d’amicales pressions, les instances nationales de l’UDI ont exclu du parti les 400 adhérents du CNIP (et de l’UDI) en Pyrénées-Atlantiques. Suite à cette manœuvre soviétique l’élection a été verrouillée aux dépens du CNIP. La décision était justifiée officiellement par « l’incompatibilité entre l’UDI et une formation de droite qui le revendique ».

Seulement le CNIP – qui milite pour la revalorisation de la ruralité, la défense du monde rural, mais aussi pour un modèle sociétal plus conservateur – contre le mariage gay notamment et tout ce qui s’ensuit (PMA, GPA, adoption pour les homosexuels), a toujours été plus à droite que d’autres composantes de l’UDI, notamment l’Alliance centriste et le Parti Radical tentées par une co-gouvernance avec les socialistes. Ainsi, Yves Jégo, bras droit de Borloo, manœuvre avec entrain pour se rapprocher du PS, mettre Jean-Louis Borloo sur la touche – via l’affaire Tapie – et former un gouvernement « d’union nationale » le jour où Hollande voudra se séparer d’Ayrault et recentrer sa majorité pour lui donner un souffle nouveau. Pour arriver à ses fins, il faut deux choses à Yves Jégo : à tout prix garder le contrôle de son département et virer tous les gêneurs, d’où qu’ils soient.

Ainsi, le CNIP est passible d’un crime de lèse-Jégo. En Seine-et-Marne, Hugues Rondeau, le maire de Bussy Saint-Georges, a réuni 250 adhérents au sein du CNIP. De quoi pouvoir ravir la tête de la fédération à Yves Jégo. Celui-ci a alors fait en sorte que les 250 adhésions du CNIP à l’UDI soient suspendues – verrouillant ainsi la situation – et surtout n’a pas organisé d’élections, la fédération étant aux mains d’un bureau provisoire cadenassé par le clan Jégo. Cette situation peu démocratique a prospéré avec la grande discrétion des médias locaux, hormis un article très éclairant  du Parisien. L’UDI est censée « éviter le péril frontiste » et « rompre avec les magouilles de l’UMP et du PS qui font le terreau du vote FN», disaient les borlooistes à sa fondation. Curieusement, pour parvenir à ses objectifs, l’UDI est tout à fait dans la tradition des susdites magouilles, et donc participe à l’augmentation du vote frontiste.

Virer les gêneurs, cela veut dire aussi épurer les voix dissidentes dans d’autres départements. Dans la Loire (42), 13 membres du bureau départemental de l’UDI ont été exclus après l’élection pour avoir soutenu une candidature dissidente au poste de président départemental. Les exclus faisaient partie du Nouveau Centre et du CNIP. En Loire-Atlantique, c’est Loïc Maurice, le président du CNIP local, qui se retrouve sur la sellette, notamment pour avoir déclaré sa candidature pour Nantes puis pour avoir dénoncé inlassablement l’immobilisme de l’équipe Guerriau qui a mis la main sur l’ensemble – ou quasi – de l’UDI départementale pour le compte cette fois du Nouveau Centre et de l’Alliance centriste, tout en maintenant une chape de plomb sur la constitution de l’UDI locale qui a été dénoncée par BreizhJournal.

Gilles Bourdouleix était au courant de tout cela. Il avait comme projet de se donner le mois d’août pour réfléchir, puis de provoquer un bureau national de l’UDI en septembre pour crever l’abcès. Le tollé national a comme conséquence de lui retirer l’initiative et de le placer en très mauvaise posture pour demander des comptes. D’où l’empressement dont ont fait preuve certains pontes de l’UDI tant pour le condamner que pour demander l’éviction du CNIP dans son entier. La justification officielle est déjà prête : il s’agirait de « protèger l’UDI » et d’éviter « toute assimilation entre l’UDI et une posture de droite décomplexée », nous souffle un proche de l’équipe dirigeante du parti, soulagé de voir le CNIP s’écarter.

 

 « L’UDI est dirigée par une armée de couilles molles »

Gilles Bourdouleix s’apprête à « laisser passer l’orage » et à évacuer l’UDI. « Le CNIP a une existence propre, donc on se casse de l’UDI, qui est un échec ». Pourquoi ? « A cause de l’armée de couilles molles qui la dirige, les gens comme Jégo et Lagarde qui manipulent Borloo pour virer toute la droite du parti et devenir califes à leur tour. Les municipales sont préparées n’importe comment, ils se torpillent eux-mêmes ; à force de chercher un positionnement différent de l’UMP, l’UDI vire à gauche et risque d’exploser. Ils ne sont puissants que dans la magouille »
Des combinaisons qui peuvent avoir leur déclinaison locale car certains ennemis locaux de l’élu – notamment le mayennais Jean Arthuis qui fait tout pour être le patron de l’UDI du Maine jusqu’en Vendée et qui goûte peu la voix dissidente du choletais Bourdouleix – essaient actuellement de créer une liste dissidente de droite pour faire tomber l’élu. Celui-ci affiche sa sérénité. « Des listes dissidentes, il y en a déjà eu ». Sans succès.

Loïc Maurice, le président du CNIP 44 résume « Les magouilleurs, ces gens là ne savent diriger que dans l’ombre, sur le terrain, pour affronter les difficultés, il n’y a plus personne. La droite est en train de se saborder dans le 44 – et même en général – parce que tous ces magouilleurs ne sont préoccupés que par leurs combines et non à proposer des candidats et des programmes qui tiennent la route. Ils sont obnubilés par le microcosme ». Un microcosme que brocarde également le député-maire de Cholet « tout ce qui me tombe sur le râble, c’est la clique des bien-pensants politico-médiatico-journalistique, qui donne des leçons à tout le monde et qui est complètement déconnectée de la réalité du terrain. Elle seule m’importe. On me trouvera toujours à la défense de mes concitoyens. » Depuis le début de l’emballement médiatique autour du député-maire du Cholet, celui-ci a reçu des centaines de mails et messages de soutien de ses électeurs. Un soutien sans faille alors que la tempête politico-médiatique fait rage. Lorsqu’une information remplacera celle-ci comme un clou chasse l’autre, la tempête se calmera. Le soutien, lui, restera.

Mensonge d’Etat autour de l’église de Gesté

18 Juil
le choeur de l'église de Gesté

le choeur de l’église de Gesté

#OpMagouilles. Nous avons longuement couvert l’affaire ahurissante de démolition de l’église de Gesté, et le drame de ce petit village angevin dont la mairie casse l’église en s’appuyant pour l’essentiel sur des éléments matériels détournés ou contraires à la réalité. La SPPEF – Société de Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France –  avait écrit le 20 juin au préfet du Maine et Loire pour s’insurger contre le début des travaux de démolition. Une lettre à l’abîme avait-on cru.

Et puis non, divine surprise. Dans la réponse, datée du 27 juin, le préfet du Maine et Loire François Burdeyron écrit à la SPPEF « il ne s’agit pas d’une démolition d’église. Le clocher, la crypte et le chœur ne seront pas détruits, ce sont les parties les plus emblématiques de ce bâtiment et seront conservés. La nef dont la démolition a été engagée sera reconstruite mais sous un format plus petit ». Curieusement, sur place, la mairie s’en tenait toujours à son projet initial – c’est-à-dire conserver le clocher et la crypte mais raser le chœur – et rien ne semblait confirmer les dires du préfet. Donc, avant même de nous demander comment une nef plus petite pourrait s’accorder à la monumentalité du chœur néogothique, nous nous sommes dévoués et avons demandé à la Préfecture de préciser. Celle-ci nous a courageusement renvoyés à la sous-préfecture de Cholet, chargée d’aplanir le monumental gourage.

Colin Miège, le sous-préfet de Cholet, nous dit en effet « qu’il faut bien reconnaître qu’il y a une erreur dans cette lettre : le chœur en réalité sera détruit et la nef aussi. On reconstruit un nouvel édifice en gardant le clocher et la crypte ». Rien de nouveau sous le soleil, mais la façon dont a été écrite la lettre montre avec quelle désinvolture l’Etat – par le biais du Préfet du Maine-et-Loire traite la destruction de l’église catholique Saint-Pierre de Gesté. Le représentant de l’Etat dans le Maine et Loire se permet même d’entuber au passage la plus ancienne association de protection du patrimoine historique en France (la SPPEF a été fondée en 1901 et est agréée d’utilité publique sans discontinuer depuis 1968). Plus étonnant, la direction de cette association, ne s’est même pas rendu compte qu’elle s’est faite flouer et n’a pas pris la peine de vérifier l’étonnante nouvelle; c’est d’autant plus étonnant que la SPPEF suit le dossier depuis 2006. Cette désinvolture étatique et ce désengagement de la SPPEF sont symptomatiques de la déliquescence intérieure de la France, où tout le monde se fiche de tout et personne hormis les démolisseurs n’a plus aucun repère, ni moral ni sacré, ni même fondé sur le travail bien fait.

La nouvelle église doit ressembler à cela (esquisse). Le choeur sera bel et bien rasé.

La nouvelle église doit ressembler à cela (esquisse). Le choeur sera bel et bien rasé.

Il y a une seconde monumentale erreur dans cette lettre, visiblement rédigée à la va-vite, puisque le sous-préfet de Cholet avance que « le préfet n’avait visiblement pas les données du dossier, ou ses papiers ». C’est à croire que tout le monde est en congés ou en RTT à la préfecture du Maine-et-Loire, puisqu’il ne s’est trouvé personne pour sortir le dossier et essayer de fignoler un tant soit peu la lettre – officielle – d’un non moins officiel représentant de l’Etat. Sans sourciller, le préfet écrit « un expert mandaté par le tribunal a précisé que la nef est dangereuse et menace ruine. Cela a (…) eu pour conséquence d’obliger le maire à faire évacuer une habitation contigüe à l’église et à reloger la personne qui y habite ».  Cela est bel et bien… faux puisque l’expert a précisé que c’est le chœur néogothique qui menace ruine et l’habitant délogé habitait justement à cinq mètres du chœur, au sud-est de l’église. La nef, rénovée en partie dans les années 1980-1990 est en très bon état, pour ce qu’il en reste. Pour finir sur l’accumulation de mensonges sur l’état de l’église, l’expertise de l’APAVE en 2012 n’a pas conclu à un péril imminent sur l’église et seulement signalé, comme ce fut précisé au tribunal administratif de Nantes le 8 juillet dernier qu’il y avait un contrefort à cercler et deux corniches à réparer sur ledit chœur.

Mais cette fois, le sous-préfet de Cholet s’arc-boute : pour lui « le péril de l’ensemble de l’église n’est pas contesté ». Sauf par deux rapports d’expertise en 2012 et trois autres en 2006-2007. Du coup, il souhaite « que la polémique s’apaise » puisque « au vu de la situation financière de la commune, celle-ci ne pouvait faire autrement que de détruire l’église » et la sous-préfecture lui a « donné des garanties juridiques ». Par conséquent, « les travaux vont se poursuivre, et s’il y a quelque chose à y redire, c’est le juge administratif qui tranchera sur le fond [dans neuf mois au moins] mais trop tard pour l’église ». Rien d’étonnant dans cette calme invitation faite aux élus d’abattre leurs églises et fouler aux pieds les arrêts de cour administrative d’appel : puisqu’un préfet est capable de bâcler une lettre officielle et de la farcir d’erreurs monumentales, pourquoi s’étonner que dans une province particulièrement en crise d’un pays moralement et économiquement failli, un sous-préfet passe la justice par pertes et profits ?

Alors nous nous sommes enhardis et nous avons demandé s’il y aura-t-il une « doctrine Gesté » pour toutes les églises en péril ? A commencer par celle de Drain, face à Ancenis, côté Choletais, église sérieusement fissurée, mal assise sur un coteau instable et viticole ? Bien que le sous-préfet estime que « chaque église est un cas d’espèce » et que « de nombreux critères, tels que la valeur patrimoniale, l’âge, la possibilité de faire des travaux à un coût raisonnable, les capacités financières de la commune » entreront en jeu, force est de constater qu’un tri s’annonce en creux, avec la complicité sinon le soutien des autorités publiques, unies dans le mensonge d’Etat. Dans la France morte de demain, une église du XIXe construite en plusieurs fois, dans une commune pauvre – ou qui se dit telle pour ne pas avoir à réparer l’église – aura nettement moins de chance de survie qu’une église antérieure, ou encore une église du même âge dans une commune pas nécessairement plus riche, mais bretonne.

Un rapport du Sénat estimait en 2007 que 2.800 églises rurales pourraient être en péril dans les prochaines années. Les estimations croisées des associations de défense du patrimoine, de La France des Clochers, de Patrimoine en blog et de l’Observatoire du Patrimoine religieux convergent vers 250 à 300 monuments religieux, dont une bonne moitié d’églises, en péril de ruine ou de démolition. Seules six d’entre elles se trouvent dans les 1491 communes des cinq départements bretons, et aucune n’est menacée de démolition par sa mairie. Qu’est-ce qu’il y a de plus en Bretagne qu’il n’y a pas en Anjou ? Le sens du bien et du mal, tout simplement, peut être.

Gesté : le sort de l’église sera fixé le 12 juillet

8 Juil
Aujourd’hui, le tribunal administratif de Nantes examinait en son audience la demande de référé-suspension émise par l’association Mémoire Vivante du Patrimoine de Gesté (MVPG) contre la délibération du conseil municipal autorisant la démolition de l’église. En une petite heure, les parties ont été entendues; la maigre assistance était composée de deux journalistes – dont votre humble serviteur, du maire Jean-Pierre Léger accompagné de quatre affidés, et de plusieurs membres de MVPG.
L’argument du péril imminent ne tient pas
L'église est loin d'être aux deux tiers détruite

L’église est loin d’être aux deux tiers détruite

L’association fonde sa demande sur l’inéxécution de la délibération attaquée (du 6 mai 2013), l’urgence à statuer et le doute sérieux sur sa légalité, ainsi que le motif invoqué par la mairie pour détruire l’église, à savoir qu’elle est un péril pour les gestois. L’avocat de MVPG, Me Meschin, s’est attaché à démonter point par point les arguments de la mairie en faveur de la démolition. En n’examinant que les nouvelles pièces – le rapport de l’APAVE et celui de Me Schneider demandé par le tribunal administratif de Nantes, il montre que ce dernier rapport est très « succinct » et « s’appuie en très grande partie sur le rapport de l’APAVE« . Dans celui-ci, il y a quatre degrés d’urgence pour les défauts et fragilités rencontrées. Il précise que « au degré 4, le plus grave, il y a sept observations » parmi lesquelles « un angle droit dans les murs à rejointoyer, une fleur de lys en zinc, une ardoise qui manque, un contrefort à cercler et deux corniches pointées, dont une fissurée« . Or « ce sont sensiblement les mêmes observations que sur les rapports antérieurs » qui ont justifié que la cour administrative d’appel annule en 2011 le permis de démolir de la mairie, fustigeant une « erreur manifeste d’appréciation » de celle-ci quand elle s’est auto-délivrée le permis.

Il poursuit en signalant qu’une partie de la démolition seulement a été effectuée : dans le détail, seule la moitié de la hauteur du mur sud de la nef, le pignon ouest tout entier et la charpente de la nef ont été abattus lors des travaux de démolition qui se sont déroulés tout le 19 juin 2013 et le matin du 20 juin. Posant au passage la question de la pertinence de l’argument du péril imminent invoqué par la mairie : « pourquoi a-t-elle attendu sept mois après le rapport de M. Schneider et 9 mois après le rapport de l’APAVE s’il y avait péril imminent ? « . Encore un moyen de constater que la mairie n’a aucune justification de son côté – elle s’en passe d’ailleurs très bien – y compris quand elle avance que les fonds municipaux ne suffiraient à restaurer l’édifice, ce qui pourtant avait été entamé dans les années 1980 et 1990 puis « stoppé, non pas par volonté budgétaire, mais par la volonté de l’ancien maire« , M. Baron.
Cascade de contre-vérités dans la plaidoirie de l’avocate de la commune
Le filet posé en 2005 n'a jamais reçu de pierres, seulement des fientes et des nids de pigeons. Pas mal pour un édifice en "péril imminent".

Le filet posé en 2005 n’a jamais reçu de pierres, seulement des fientes et des nids de pigeons. Pas mal pour un édifice en « péril imminent ».

De son côté, l’avocate de la mairie a essayé d’empêcher tout parallèle avec la décision de la cour administrative d’appel qui avait invalidé en 2011 le permis de démolir que la municipalité s’était délivrée – et qui se révèle superflu du fait des subtilités locales du droit de l’urbanisme. Avec une pincée de mauvaise foi, elle affirme que « les désordres de l’édifice se sont considérablement agravés depuis 2009« , ce qui est faux, comme l’a précisé l’avocat de MVPG, puis continue en disant que les travaux de démolition sont « irréversibles« , citant un constat d’huissier du 25 juin 2013 qui dit que « deux tiers de l’église est détruit (…) et que tout le mur sud de l’église a été démoli« , ce qui est faux dans les deux cas; les photos du dossier, produites par l’avocat de MVPG, contredisent sévérement ce constat d’huissier pour le moins fantaisiste.

Imperturbable, elle poursuit en déclarant que « le périmètre de sécurité autour de l’église a été élargi, donc le centre-ville est paralysé » : c’est faux encore, puisqu’à la fin des travaux de démolition, la place entre l’église et l’école a été rendue à la circulation, les barrières étant mises à l’emplacement de l’ancien pignon de la nef, quant à la route, et à la place qui sert de parking le long du mur nord de l’église, elles n’ont jamais été interdites à la circulation. Enfin, déclenchant les rires discrets d’une partie de l’assistance – elle clame que « cette décision de démolition-reconstruction est le produit d’une analyse approfondie » de la situation par la mairie.
Le tribunal rendra sa décision en fin de semaine
Le sort de l’église – où des travaux de consolidation du clocher et de la crypte, gardés en état par la municipalité, continuent actuellement – reste en suspens.Le tribunal rendra son ordonnance de référé le vendredi 12 juillet. Une décision est aussi attendue dans les mois qui viennent sur le fond.
Pour en savoir plus sur l’affaire de Gesté : lire notre article de fond

Gesté : le drame d’un petit village français qui détruit son église

23 Juin

Gesté, petite bourgade de 2500 habitants, est à quatre kilomètres seulement de la Sanguèze, qui marque localement la limite entre le Choletais et la Bretagne. Un autre monde pourtant que ce village qui détruit actuellement son église, au bout de deux décennies d’abandon, de péripéties judiciaires et de non-dits. Comment en est-on arrivés à ce qu’un maire et son conseil envoient bouler la cour administrative d’appel qui leur avait interdit la démolition, ainsi que bon nombre de leurs habitants ? Nous avons passé trois jours sur place, pour tenter de comprendre ce qui se passe à Gesté, petit village disloqué autour de son église éventrée.

L’église à moitié détruite ? Loin de là

L'église le 19 juin au soir

L’église le 19 juin au soir

Comme nous l’écrivions le 18 juin où nous présentions la situation et l’historique des démêlés judiciaires  l’église – construite en deux fois au XIXe à la place de l’ancienne, détruite par les colonnes infernales le 5 février 1794 et relevée tant bien que mal en 1800 – a été abandonnée par la mairie à partir de 1995. Deux tranches de restauration sur les quatorze prévues avaient été faites dans les années 1980 – et bien faites : le clocher et les murs de la nef paraissaient comme neufs, et c’est pourtant par là que les pelleteuses ont attaqué, abattant le mur pignon de la nef et la première moitié du mur sud. L’église n’est même pas au quart détruite : cette démolition « finalement minime, a été engagée seulement pour mettre les gens devant le fait accompli, leur dire que les carottes sont cuites », commente à chaud un habitant.

La municipalité envisage de préserver le clocher et la crypte ; elle a remisé la statuaire et le Christ dans ses ateliers et garages municipaux. Pour le clocher, elle n’a guère le choix : l’église n’est toujours pas désaffectée, c’était la condition sine qua non pour emporter l’adhésion du curé et de l’évêché : la mairie doit reconstruire une église (pour 1.5 millions d’€ quand même). Dans l’église à cœur ouvert par la pelleteuse restent un autel, dans l’abside, et des vitraux, dont la municipalité espère en récupérer trois – la rosace, les armoiries dans l’une des chapelles privées et le vitrail religieux dans la chapelle privée du Plessis.

Le bout du monde

l'église suite aux travaux de démolition du 20 juin : le mur sud de la nef est à moitié rasé

l’église suite aux travaux de démolition du 20 juin : le mur sud de la nef est à moitié rasé

Plus que tout, Gesté qu’on prononce localement Getté est au bout du monde. Les cars de l’Anjou n’y passent pas, les habitants qui n’ont pas de voiture ou de permis ont coutume de marcher jusqu’à la Regrippière (6 km) pour prendre ceux de Loire-Atlantique. La métropole locale s’appelle Vallet : plusieurs aller-retour par jour jusqu’à Nantes, la voie rapide non loin, des emplois, des vignobles. Tournés vers Nantes et Cholet, les Gestois ne se sentent guère angevins et ignorent la capitale du Maine-et-Loire, ou quasi. La ville avait jadis quatre usines de chaussures – elles ont toute fermé, soit pour ramener leur activité ailleurs, sur Cholet et Beaupréau (prononcé Beaupreau), soit pour disparaître. L’une d’elles, au nord du village, accueille les ateliers municipaux. La seule chose qui tire Gesté, c’est la proximité de Nantes. A quarante minutes – et autant de kilomètres de la capitale bretonne, Gesté apparaît comme un lieu de vie intéressant pour de nombreux nantais ou ressortissants de la métropole, chassés par la hausse des prix. Dans le village même, des maisons sont abandonnées et des logements vides jusque sur la place centrale. L’un des bars – le Gestois – est fermé, ainsi que le commerce de confection, la poissonnerie et l’ancien grainetier-fleuriste. Il reste une supérette, deux boulangeries et un autre café. Gesté est un visage de la France d’aujourd’hui, où l’économie locale s’est quasiment effondrée, et qui vit à la traîne d’une grande métropole, alimentant localement les rancœurs entre les « nantais » et les « gestois », comprendre, de souche.

Un curé pour la démolition

La pelleteuse à l'oeuvre - 20 juin

La pelleteuse à l’oeuvre – 20 juin

Le curé desservant l’église de Gesté est Pierre Pouplard. Dès son arrivée à la cure en 2004 il demande une nouvelle église à la place de l’ancienne et convainc ses paroissiens. Un de leurs chefs de file ne peut être que tenté par un projet pareil : il a rasé son château (la Forêt) pour échapper aux charges fiscales et vit dans la ferme. Curieusement, l’esquisse de l’église que la mairie nous a mis à disposition est une copie de celle d’Avrillé – ou en 1983 une église néogothique fut abattue et remplacée par une nouvelle en forme d’ellipse. Avrillé où était en poste Pierre Pouplard avant d’être à Gesté. Joint par BreizhJournal, il a peur de la réprobation unanime qu’a causé – ailleurs qu’à Gesté tout au moins – le début de la démolition de l’église, et se retranche derrière le choix du maire. Il nous a dit : « ce choix est entièrement celui de la municipalité, j’ai même appris la destruction de l’église par voie de presse. Le conseil municipal et le maire ont fait ce qu’ils voulaient, nous n’avons qu’à suivre ».

Seulement, sa posture actuelle de suiviste s’accorde mal avec les faits. En réalité, le curé a organisé l’abandon de son église ancienne et convaincu son évêque qui l’a couvert, n’a jamais voulu remettre en cause sa décision et surtout a refusé de recevoir l’association Mémoire vivante du patrimoine gestois (MVPG) qui se bat seule contre la destruction de l’église. De fait, l’église n’étant pas désacralisée, le curé et l’évêque se sont rendus complice d’une terrible profanation, dont la dernière étape était la sortie du Christ accroché au-dessus du chœur au bout d’une nacelle, comme un vulgaire meuble encombrant. Les villageois n’ont pipé mot, mais ont été choqués cependant. Eric, rencontré le lendemain, estime que « hier, ils ont enlevé le Christ comme une vieille ferraille, c’était indécent, il y aurait du avoir une cérémonie, quelque chose, pour que ça soit propre, mais rien. A croire que le clergé nous a complètement abandonné ».

Le maire – artisan de la démolition – a réponse à tout sans convaincre

Statuaire et objets d'art mis à l'abri aux ateliers municipaux

Statuaire et objets d’art mis à l’abri aux ateliers municipaux

Nous avons rencontré Jean-Pierre Léger, le maire de Gesté, qui continue le travail de son prédécesseur, Michel Baron, maire de 1995 à 2008. Classé dans les divers droite – contrairement à ce que la presse a écrit, il n’est pas socialiste – il a un premier adjoint encarté au PS, Georges Romeau, qui apparaît dans toutes les municipalités depuis 1995 et se trouve pour le coup au cœur du projet de démolition de l’église. Le reste de la liste est de diverses influences, avec un point commun : « lorsqu’il faisait sa liste », explique Jean Woznica, de l’association MVPG, « il fallait être pour la démolition de l’église, sinon on ne rentrait pas ». L’association a constitué – à grand peine, personne ne voulant s’exposer – une liste dans ce village où l’on pouvait alors panacher, rayant des noms dans telle liste pour en prendre sur une autre, mais, poursuit-il, « les gens ont préféré voter pour des listes complètes, et donc pour la liste Léger ». Bien que passés non loin de l’élection, les habitants contre la démolition de l’église n’ont pas d’élu.

Le maire nous reçoit. Près de son cabinet trône l’horloge retirée du premier étage du clocher. Les yeux rivés sur une petite feuille A4 où sont consignés ses arguments pour les journalistes, il ne nous regarde jamais. Ses petits yeux toujours mi-clos sont tournés vers la feuille ou vers le sol. Grand démocrate, il parsème son discours de « vous écrirez ceci », « vous retiendrez cela », « je vous donne mes arguments, je ne veux pas entendre les autres », ou encore « à quoi bon écouter ceux qui sont contre la destruction, puisqu’il y a des habitants qui sont pour ». Il finira par lâcher un lapsus : « vous êtes un journaliste non opportun ». Sans doute parce ne croyant pas beaucoup à son sens de la démocratie, ou moins servile que les médias locaux (lire plus bas).

chemin de croix de l'église, aux ateliers municipaux (plâtre imitation bois)

chemin de croix de l’église, aux ateliers municipaux (plâtre imitation bois)

Il explique qu’en 2006 avec le maire précédent le conseil municipal a eu le choix entre quatre solutions : diminuer la hauteur de l’édifice, abattre le chœur, raser tout et reconstruire, et restaurer l’existant. Le conseil a voté pour la troisième solution. Rejetant toute vision du patrimoine, il estime qu’il faut « garder à l’esprit avant tout que c’est un lieu de culte » et demande à ce qu’on fasse « un tri » entre les nombreuses églises de ce Choletais marqué par la foi catholique et la densité des églises du XIXe : « il faut aider les maires à entretenir ce genre de bâtiments, mais il faut aussi sortir du cas par cas : aujourd’hui, c’est lourd à entretenir, alors il faut choisir entre celles que l’on garde, celles qu’on abandonne et celles qu’on rase. Mais c’est une décision politique, et l’évêché a sur ce point un train d’avance ».

Il estime que « la justice a perturbé l’action municipale » en interdisant la démolition de l’église avec un permis de démolir ; ces jugements tout comme l’avis de la DRAC et de l’Architecte des Bâtiments de France du Maine et Loire hostiles à la démolition sont pour lui « superflus ». La DRAC, le Conseil d’Etat et la Cour administrative d’appel de Nantes n’ont plus qu’à s’en aller jouer aux boules. Nous le questionnons alors sur son choix de ne pas faire de référendum municipal, et au contraire, de passer en force partout afin de prendre les habitants au dépourvu : il a mis un mois par exemple à délivrer à l’association MVPG la délibération municipale du 6 mai 2013 autorisant la démolition. Impossible d’avoir une délibération dans cette mairie sans faire une lettre recommandée. Impossible aussi de passer aux ateliers s’assurer de la conservation du mobilier retiré de l’église sans autorisation écrite du maire ou d’un des adjoints ; l’employé municipal qui nous reçoit terrorisé explique qu’il pourrait « être viré ou attaqué en justice par le maire » s’il nous laissait entrer. Un parfum de dictature aux champs.

Le maire a décidément réponse à tout : se disant « personnellement pas favorable aux référendums », il pense « que c’est facile pour une municipalité de se cacher derrière les résultats d’un référendum ». Comprenez que sa décision n’est pas antidémocratique, mais politiquement courageuse. Il manie allégrement le faux argument des gestois contre les autres : à la réprobation unanime hors des frontières de Gesté et du Choletais, il oppose les 800 signatures du collectif Cœur de Gesté, mené par les notables et favorable à la démolition de l’église, « des gestois qui votent à Gesté, qui paient leurs impôts. L’avis des autres ne nous intéresse pas. » L’avis des autres a déjà recueilli près de 1600 signatures sur le net en quelques jours, dans une pétition pour la sauvegarde de l’église.

Bataille de chiffres autour du clocher

le choeur de l'église

le choeur de l’église

Surtout, la municipalité s’arc-boute sur les chiffres : 3 millions d’€ pour restaurer, 1.7 pour démolir et reconstruire. Un chiffre tiré de deux estimatifs, celui de Gérard Jamain (Heritage) et un second, d’un architecte angevin. Le maire oublie d’expliquer comment le cabinet Héritage, d’ordinaire abonné aux estimatifs ciselés à l’euro près pour sauver les églises en mauvaise posture des communes pauvres, a pu sortir l’énorme chiffre de 3 millions d’euros. Jacques Chupin, de l’association MVPG révèle le dessous des cartes : « la mairie a demandé à Gérard Jamain de faire un estimatif avec le plus de travaux possible, de façon à gonfler le chiffre. Il est donc arrivé à trois millions avec une véritable remise à neuf de l’édifice, format luxe. En conseil, le maire a dit que trois millions, c’était beaucoup trop cher et a rejeté le projet. Héritage s’est donc fait gravement avoir, et le chiffre est devenu, brandi à tout va, un argument contre la restauration de l’église ». A Sévérac, 1500 habitants au nord de la Loire-Atlantique, le cabinet Heritage a sauvé l’église néogothique où il fallait redresser le clocher, injecter du béton sous les murs de la nef, refaire les voûtes, les enduits, reprendre une grande partie des ouvertures… pour 990.000 €. La démolition et la reconstruction d’une église plus petite auraient coûté 1.300.000 €. Aujourd’hui, l’église restaurée voilà quinze ans suite à un référendum local semble si neuve qu’elle aurait pu être construite hier. Il est donc fort possible que l’estimation de la mairie soit complètement à revoir, non qu’elle a été mal établie, mais, comme l’explique Gérard Jamain lui-même, les estimatifs comportent « nombre de travaux inutiles qui alourdissent la facture ». En gros, résume un habitant défavorable à la politique municipale, « on peut déjeuner pour 20 euros, on peut déjeuner pour quarante, dans les deux cas on déjeunera ». Un estimatif qui se limite au strict nécessaire donnera fatalement un chiffre nettement inférieur aux 3 millions d’€ avancés par la municipalité. Mais celle-ci, le clergé et la presse rebattent inlassablement et sans remettre en cause ce chiffre obtenu dans des conditions quelque peu troubles.

Des médias locaux complices

Vitrail armorié. L'église compte 3 chapelles privées, pour autant de châteaux. Les châtelains y accèdaient par des salles situées juste dessous, au niveau de la crypte

Vitrail armorié. L’église compte 3 chapelles privées, pour autant de châteaux. Les châtelains y accèdaient par des salles situées juste dessous, au niveau de la crypte

Si le maire est si cavalier avec les journalistes, c’est qu’il est mal habitué par la presse locale. Trois médias rayonnent sur Gesté. Si la télé des 3 provinces (TV3P) est plutôt critique vis-à-vis de la démolition, et a réalisé en janvier un reportage dans l’église ouverte à tous les vents depuis un mois, les deux autres sont favorables à l’arasement de l’église, et font sans se cacher le service après-vente de la mairie, justifiant ses décisions sans jamais faire preuve d’esprit critique qu’envers les opposants de toutes natures.

La télé de Cholet (TLC) ne s’est pas déplacée lors de la démolition, diffusant des images d’archive et les seuls propos du maire. Pluralisme garanti. Quant au Courrier de l’Ouest (CO), dépendant d’Ouest-France, il s’est déplacé à trois journalistes (!) le 20 juin, un chargé d’écrire et deux de photographier, tout ça pour traiter l’information numéro 1 du Choletais en page 12, format événement local, avec un article de 500 mots et une photo du Christ déposé par les nacelles, l’après-midi. Le même journal, par la voix du journaliste bellopratain Laurent Zarini, avait traité dans ses colonnes l’église « à l’architecture faussement ancienne et prétentieuse », justifiant à longueur d’articles la démolition et rappelant le soutien de l’Etat – le sous-préfet et le préfet couvrant la démolition bien qu’illégale, sans jamais rappeler que cette position est ô combien ahurissante. L’Etat a raison, voilà tout, estime le CO qui au passage rappelle cette presse française qui s’est mise toute seule dans le fond du puits en se mettant au service exclusif du pouvoir, y compris quand l’abus de pouvoir est au pouvoir. Cette presse française qui s’émeut pour 150 gazés en Syrie et qui est incapable de voir, au cœur de Paris, des centaines de jeunes pacifiques provoqués, gazés, tabassés et arbitrairement arrêtés par des forces de l’ordre devenues nervis à la solde du régime. Une presse dont l’esprit critique s’est perdu avec les subventions accordées – 1 milliard d’€ par an pour faire taire le quatrième pouvoir.

Un village gaulois profondément divisé

Le filet posé en 2005 n'a jamais reçu de pierres, seulement des fientes et des nids de pigeons. Pas mal pour un édifice en "péril imminent".

Le filet posé en 2005 n’a jamais reçu de pierres, seulement des fientes et des nids de pigeons. Pas mal pour un édifice en « péril imminent ».

Plus que tout, c’est la division qui refait surface dans ce village. L’église, c’est l’affaire Dreyfus du village, personne n’ose en parler. « Parfois, nous recevons un don ou une adhésion de quelqu’un, mais il nous dit, surtout, n’en parlez pas, sinon ma femme ou mon voisin me battront froid », explique Jean Woznica, de l’association MVPG. Eric renchérit « ce qui m’énerve, c’est que le village soit si divisé. Il y a plein de vieilles personnes pour lesquelles le mensonge c’est d’un autre temps, de l’occupation par exemple. Elles se plient devant les sachants, ou ceux qui paraissent comme tels. Il y a aussi ceux qu’on a convaincu qu’une majorité était pour la destruction de l’église, et qui se sont rangés à cette idée ». Le rôle de la presse n’est pas anodin dans cette supercherie.

Il poursuit « et plus c’est gros, mieux ça passe. C’est une question d’honneur, les gens ne reconnaîtront jamais un tel mensonge, puisqu’il est si énorme. Ce qui se passe, c’est que tout le monde se fait entuber. Ainsi, notre cantine, dont le permis est affiché, nous ne l’aurons pas. La capacité de financement de la commune n’est pas élastique, il y a déjà de l’endettement partout. » En 2012, lorsque la commune avait perdu devant le Conseil d’Etat, le projet d’agrandissement de la cantine – commune à l’école publique et à l’école libre, et tout à fait bondée – avait été ressorti des cartons : « en six jours la mairie avait convoqué tout le monde et sorti des esquisses d’un architecte à Angers, juste un truc de rêve. Pour 500.000 €. Mais maintenant qu’ils sont dans l’église, quoi qu’ils disent, ils ne peuvent pas faire la cantine ». Il achève : « tout a été fait dans notre dos. S’il y avait réellement un consensus de la population, il y aurait eu un référendum local et une cérémonie du clergé pour dire au revoir à l’église ancienne, préparer la suite. Je sais, ça paraît bête, mais ça aurait été bien mieux que ce qu’ils font là, le curé et la municipalité, c’est n’importe quoi. »

La Bretagne est si proche, mais c’est un autre monde. Gesté est un village français où tout le monde s’épie, et personne ne veut se mouiller. Il n’y a qu’une liste pour les municipales, il est difficile de trouver 21 noms sur 2500 habitants car personne ne veut se montrer, tout le monde craint les pressions, réelles ou putatives, qu’une révolte ouverte peut attirer. Cependant, le ras-le-bol est là, qu’il soit exprimé par les mères de famille à la sortie de l’école ou par le tenancier de ce commerce, qui lâche « que faire quand ceux qui n’ont pas le droit de faire quelque chose et à qui on dit de ne pas le faire le font quand même ?  Il y en a qui ont le bras plus long que d’autres, voilà ».  Gesté est peu digne du souvenir de la Vendée militaire : acceptation muette devant l’illégalité, l’inégalité, résignation devenue pour beaucoup le mode de vie, les gestois se sont faits les esclaves zelés de leur propre servitude, comme tant de français. Au risque, en perdant l’église, de ne plus avoir rien à eux : sur les coteaux, c’est la masse bicolore – blanc pour la partie néoclassique et gris pour la partie néogothique, qui signale à trois kilomètres à la ronde le village perché sur son coteau. Une fois tombée l’église, seul le château d’eau marquera le village dans le paysage.

L’église victime d’une mauvaise gestion communale

La nouvelle église doit ressembler à cela (esquisse)

La nouvelle église doit ressembler à cela (esquisse)

Le maire affirme sans cesse qu’en dehors de l’église, « il y a d’autres priorités » et que les communes n’ont plus les moyens d’entretenir ces bâtiments. Pourtant, c’est le premier adjoint Georges Romeau qui vend la mèche sans s’en rendre compte : « en 1990, l’on faisait l’extension de la mairie, en 1995, la salle commune de loisirs, en 2000 autre chose encore, puis il y a eu le projet de nouvelle église et maintenant la cantine ». Bref, à chaque fois une réalisation ou plusieurs ont pompé le budget relatif à l’église. En 1995, la mairie résilie le contrat annuel d’entretien – illégal en soi, puisque la loi de 1905 oblige les communes à maintenir les églises affectées au culte dont elles sont propriétaires – hors d’eau. De 1995 à 2007, la mairie a même mis délibérément en danger les usagers de l’église, puisqu’elle les laissait aller dans un édifice qu’elle n’entretenait plus. Une situation scandaleuse et complètement illégale qui n’émeut pas le maire actuel, qui nous confie : « depuis qu’il y a le projet d’une nouvelle église, pas question de mettre un centime dans l’ancienne, c’est une question de bonne gestion des finances communales ». Ou pas. La commune qui a du mal à boucler son budget peine même à éclairer le bourg la nuit, et le fleurissement s’est considérablement réduit cette année. L’argument du maire selon lequel la commune ne peut pas tout gérer est cependant facile à rejeter : comment font les communes de la Loire-Atlantique toute proche, qui ont une – voire plusieurs – églises, une population qui augmente sans cesse, donc des salles, des écoles à construire, des voiries à entretenir… elles ne rasent pas leurs églises, pourtant.

Le budget de la nouvelle église ? Il a été passé dans la cantine, la rénovation de la route de Beaupréau et des voiries d’un lotissement voisin. Jacques Chupin, de l’association MVPG, doute qu’une nouvelle église puisse être construite : elle devait l’être incessamment sous peu, ce sera d’après le maire dans le prochain mandat. Seulement, « avant que la commune puisse retrouver sa capacité financière, on sera en 2020 », et à partir de ce moment là, il n’y aura plus d’élections municipales, mais des maires délégués dans chaque commune, la communauté de communes de Beaupréau prenant sur elle toute l’administration. Il est peu probable qu’à son tour, elle dépense de l’argent pour une église alors que nombre des onze communes qui la composent ont plusieurs églises, à l’image du Fief-Sauvin (un clocher du XIXe, une chapelle de la même époque et deux églises de la fin du XXe siècle) ou de Beaupréau (deux grandes églises du XIXe).

Le faux argument du péril

gesté-9Le maire justifie son passage en force par le « péril imminent » que représente l’édifice. Ce péril, conforté par une expertise judiciaire, a été arrêté par le préfet qui depuis couvre le maire. Expertise judiciaire que Jacques Chupin, de l’association MVPG, qualifie de « scandaleuse« . Etant dans le bâtiment depuis de nombreuses années, il a du mal à comprendre « comment peut-on faire une expertise quand l’expert n’est pas allé dans les combles, ni sur les chéneaux, ni dans le clocher. Le document épais comme le pouce est bourré de  »on estime »,  »pas visité », « environ » et avec ça on justifie le péril???» En raison du péril, un habitant situé à 5 mètres du chœur a été expulsé de chez lui le 25 novembre 2012 et relogé par la commune face à l’église, au-dessus de l’ancien magasin de confection. Nous avons rencontré cet habitant, M. Planchenot, qui « n’arrive pas à comprendre pourquoi ce manque total de démocratie, alors que la commune se targue d’avoir le soutien des citoyens ». Pour ce qui est du péril, pour lui, l’argument ne tient pas : « la commune a commencé à détruire la nef, c’est à l’opposé de mon logement [situé au sud-est du chœur] et donc du péril supposé ». Moralité : il n’y a pas de péril. L’église, qui n’est pas entretenue depuis vingt ans, ne semble avoir aucune envie de tomber.

Gestois contre étrangers : encore un faux argument

Aux partisans de la mairie et aux conseillers municipaux, il ne reste que l’agressivité et les arguments de caniveau pour justifier de leurs actes. Agressivité contre nous, ou contre le journaliste de TV3P traité publiquement, le matin du 20 juin, de « fouille-merde » par quatre adjoints au maire qui se comportent comme des petits délinquants de cité. Mais aussi argument de caniveau, selon lequel « il faut payer ses impôts à Gesté pour avoir quelque chose à dire sur le sujet de l’église ». Ils pourraient peut-être le faire valoir à l’ABF d’Angers ou aux juges administratifs de Nantes qui apprécieraient le moyen à sa juste valeur. Selon cette vision des choses, peu importe la réprobation nationale – et même mondiale, la voix de la Russie s’étant fait écho des événements de Gesté – après le début de la démolition illégale et sacrilège de l’église. Confortés par leur mairie et leur presse asservie, quatre patelins du Maine-et-Loire traceraient leur bonhomme de chemin sans se soucier des autres. Mais ce n’est même pas vrai. L’association MVPG est pleine de gestois de souche, comme Jacques Chupin, « atterrés de voir notre patrimoine partir à vau l’eau ». La mairie peut jouer la division tant qu’elle veut : la menace de la disparition prochaine de l’église, l’idée de voir sa silhouette disparaître du ciel si familier, le passage en force d’une mairie qui, selon un habitant, « fonctionne en circuit fermé » font s’insurger de nombreux gestois. Il n’est pas encore trop tard pour sauver le monument.

Et maintenant ? Deux mois pour sauver l’église

Coup de ménage symbolique autour de l'autel - 21 juin

Coup de ménage symbolique autour de l’autel – 21 juin

D’après le maire, « à la rentrée de septembre, tout sera plat, le chœur et le reste de la nef seront rasés fin août ; le 20 septembre, tout sera enlevé, ce sera la fin du chantier ». L’entreprise Occamat a retiré son matériel et ses ouvriers pensent ne revenir qu’en septembre. Il reste de fait deux mois pour sauver l’église.

L’association MVPG a déposé un recours contre la délibération du 6 mai 2013 afin de suspendre les travaux. Le référé sera jugé le 8 juillet. De son côté la SPPEF – Société de protection des Paysages et de l’Esthétique Française – présente ces jours-ci sur place par son délégué de Loire-Atlantique, a écrit une lettre comminatoire au préfet du Maine-et-Loire et se prépare à poursuivre le préfet, le sous-préfet et le maire de Gesté pour destruction illégale, afin de les faire payer y compris sur leurs deniers personnels. La SPPEF a réussi ces dernières années à sauver quatre églises, dont celle du Dreuil-Hamel, dans l’Eure, ou celle de Lumbres dans le Pas-de-Calais.

Le Printemps Français s’est enfin constitué à Nantes dans la hâte, et appelle sur internet à une manifestation sur place le 6 juillet. Des démarches sont en cours aussi du côté ecclésiastique. Il appartient surtout aux gestois de se mobiliser afin d’empêcher leur maire d’abattre leur belle église. D’autres églises pourraient être menacées dans les environs : ainsi de Saint-Martin de Beaupréau, peu à peu abandonnée par sa paroisse (celle du curé Pouplard), de l’église de Drain près d’Ancenis et de celle de Sainte-Gemmes d’Andigné, que son instance de classement ne protège plus que pour six mois encore.

Avant de partir, votre dévoué serviteur s’est emparé d’un balai de paille, a passé les barrières et est allé faire un coup de ménage symbolique, autour de l’autel, dans les ex-confessionnaux, les trois chapelles privées et l’abside. En une bonne heure de travail, aucune pierre ne lui est tombée dessus, ce qui veut dire qu’il n’y a qu’une chose qui est en péril à Gesté : le discernement du maire qui se permet de fouler aux pieds et le droit, et les bonnes mœurs. Faire le ménage dans une église en ruines, quelle idée ? Celle, sans doute, de ne pas se laisser abattre : quand l’abus de pouvoir est au pouvoir, la révolte et la résistance sont légitimes. Près de 200 églises sont menacées de destruction en France. L’église de Gesté ne doit pas tomber : ni elle, ni les autres. Ce qui se joue aujourd’hui dans ce petit village du Choletais concerne toute la France, c’est la lutte pour que notre patrimoine d’hier trouve sa place dans la foi et la France de demain. Alors on ne lâche rien.

 

D’autres églises démolies récemment en Anjou : Avrillé (1982), démolition de l’églie néogothique Saint-Gilles pour reconstruire une église moderne; Le Fief Sauvin (1997) démolition de l’église néogothique – hors l’abside et ses vitraux – pour la remplacer par une église neuve; sSt Georges des Gardes (2006), église néogothique rasée et remplacée par une chapelle de 100 places, Valanjou (2008), seul le haut du clocher a été détruit, la mairie souhaite raser le reste, à l’exception de la base XIIIe-XVe du clocher, St Aubin du Pavoil près Segré début 2013 (déclarée en péril alors qu’elle n’y était manifestement pas, puis rasée dans l’indifférence début 2013; elle doit être remplacée par une église plus petite).

 

Mobilisation générale pour l’église de Gesté menacée de destruction imminente

18 Juin

#OpMagouilles. Jean-Pierre Léger, maire de Gesté, une petite commune angevine située à 6 km de la Bretagne, s’apprête à marcher sur les traces des colonnes infernales. En effet, son conseil municipal vient de voter la destruction de l’église Saint-Pierre aux Liens, au cœur du village, déjà incendiée par les colonnes infernales le 5 février 1794 ; trois cent chouans y ont été massacrés. Les travaux de démolition commencent et doivent durer du 17 juin au 30 septembre. En toute illégalité.

 

Une église sacrifiée au bon vouloir des maires

Geste_EgliseL’église se trouvait depuis plusieurs années au cœur d’une bataille judiciaire. Joël Sécher, président de l’association Mémoire vivante du patrimoine gestois (MVPG)  explique : « quand le précédent maire, Michel Baron, plutôt à droite, avait été élu, il a tout de suite annoncé qu’il allait être le bâtisseur de la nouvelle église. C’est-à-dire qu’il allait laisser cette église tomber en ruines, puis en construire une autre plus petite et plus moderne ». Il s’est attelé tout de suite à la tâche : « il a résilié le contrat d’entretien avec les couvreurs, si bien qu’il n’y a plus eu aucun entretien annuel de l’édifice ; quand j’y suis monté avec le trésorier de l’association en 2007 – l’église était encore ouverte alors – on a remis des ardoises en place ». L’association a attaqué le permis de démolir déposé en 2011 par le nouveau maire Jean-Pierre Léger (toujours plutôt de droite), qu’elle a réussi à faire annuler en février 2012 par la cour administrative d’appel de Nantes. La ville fait un recours devant le Conseil d’Etat, qui la déboute. La décision était claire et définitive : l’église est sauvée.

Mais non. En décembre 2012, elle est ouverte pendant un mois : le chemin de croix et les statues disparaissent, l’autel est cassé à coups de masses, sa dégradation s’accentue alors même que la cour administrative d’appel de Nantes avait relevé une « erreur manifeste d’appréciation » quant au permis de démolir et préconise un simple entretien de l’église. Le 6 mai 2013, le conseil municipal vote la démolition et l’appel d’offre. Il s’agit en l’occurrence d’un vandalisme municipal délibéré. Une entreprise est trouvée. Le 17 juin à huit heures du matin, des grillages sont installés autour de l’église, la place centrale du village est verrouillée. Jean Woznica, le trésorier de l’association MVPG explique, joint par BreizhJournal : « la ville a estimé qu’il n’y avait pas besoin de permis de démolir, au motif que l’église n’était pas classée. Une instance de classement avait été déposée, soutenue par l’architecte des bâtiments de France, mais le dossier avait été fort mal présenté. Résultat, le classement avait été refusé à une voix de majorité ». La place de l’église est entourée de grillages, et un vigile veille la nuit dans sa voiture. Deux nacelles et un tractopelle ont été amenés, les ouvertures de l’église occultées. L’école, située à vingt mètres de l’église, est encore ouverte pendant deux semaines : il est donc peu probable que le gros de la démolition commence d’ici là. Raison de plus pour s’activer. La destruction est estimée à 200.000 €. La reconstruction d’une église neuve plus moderne à 1 million 5.

L’église est d’un style très composite. Relevée en partie de ses ruines en 1800 après l’incendie de 1794 et les massacres perpétrés dans la commune – au cœur de la Vendée militaire – par les colonnes infernales, elle est reconstruite en deux fois. En 1844, la nef est rebâtie dans un style inspiré du néo-classicisme, sous la direction de l’architecte Ferdinand Lachèse. Les travaux durent dix ans et un clocher est ajouté, sommé d’une flèche en ardoises. De 1862 à 1864, l’architecte Alfred Tessier édifie un transept et un chevet dans le style néo-gothique, l’ensemble reposant sur une crypte. La nef devait aussi être rebâtie, mais l’argent a manqué, et l’édifice est resté en état. L’architecte des bâtiments de France de l’Anjou, défavorable à la destruction comme le conseiller général du canton, avait comparé son volume intérieur et son élévation à l’église de Dol de Bretagne, et est favorable à son classement.

 

Série noire d’églises détruites en Anjou

Dans les environs de Cholet, au cœur de ce terroir martyr que sont les Mauges, plusieurs églises ont déjà été détruites. Au Fief-Sauvin, il y avait deux églises : celle de Villeneuve – paroisse supprimée en 1809 et jointe au Fief Sauvin, et celle du bourg. Après qu’une tornade ait ravagé l’église de Villeneuve, seul son clocher a été conservé et un édifice récent a remplacé le lieu de culte ; au Fief-Sauvin même, l’église a été arasée et remplacée par une nouvelle  en 1997. A Valanjou, commune aux trois églises, le projet de démolir le clocher de l’église de Joue a fait polémique en 2007. A Saint-Georges des Gardes, malgré une polémique nationale, l’église construite en 1870 fut démolie en 2006  pour être remplacée par une chapelle en béton de 100 places : résultat : le bourg situé au point culminant de l’Anjou a disparu du paysage. A Saintes-Gemmes d’Andigné l’église est en train d’être sauvée par une instance de classement : en bon état général, elle était victime d’un acharnement municipal à son encontre. Enfin, pour clore la série noire, l’église segréenne de Saint-Aubin du Pavoil  a été détruite début 2013. Les généraux vendéens et chouans qui défendaient les Mauges et le Haut-Anjou insurgés contre l’hérésie républicaine s’en retourneraient dans leurs tombes.

 

Tous les rouages de la République favorables à la destruction

Jadis, le préfet d’Angers et le sous-préfet de Cholet étaient contre la destruction de l’église de Gesté. Ils ont été prestement remplacés par des mandarins plus souples et plus à gauche. Désormais, outre le maire qui milite pour la destruction, le sous-préfet et le préfet sont eux aussi déterminés à balayer la loi et le droit : le sous-préfet de Cholet a reçu le 4 février 2013 l’association MVPG et leur a tenu un discours comparable à celui du maire. Du député : rien à attendre, il est socialiste et se conforme à son parti qui est déterminé à enterrer l’Eglise, avec ou sans majuscule. Le conseiller général est contre la destruction, mais ne se manifeste pas trop. Le maire et le député étant sûrs de ne pas être réélus, ils estiment qu’après eux, c’est le déluge, et se croient donc permis de faire ce qui leur chante. Notamment de marcher sur les pas des colonnes infernales et de porter, 225 ans après, la vengeance de la République contre la foi et l’histoire des Mauges. L’association a déposé lundi 17 un référé. « Depuis, on attend », explique Joël Sécher. Lors des six mois de lutte acharnée pour Notre-Dame des Landes, la justice s’était mise au service des matraques : des référés administratifs avaient mis deux mois pour être examinés – alors que ce mode de juridiction est prévu pour des atteintes urgentes aux droits et libertés – et ont été rejetés après, sans recours possible. L’on se demande encore si, tant à Gesté qu’à Notre-Dame des Landes, on est encore dans un état de droit.

 

Le curé et l’évêque complices de la profanation

Et les autorités religieuses, que disent-elles ? Rien, justement. Comme tous les curés des églises des Mauges et d’Anjou qui ont été détruites précédemment, celui de Gesté ne jure que par le moderne. « Il est facile de savoir pourquoi », explique Joël Sécher : « le curé était jadis à Avrillé, où il y a une église moderne elliptique qui remplace d’ailleurs une église néo-gothique, depuis 1983. Il veut une église semblable ici ; l’évêque ne s’est jamais mouillé et a toujours suivi son avis ; et curieusement l’église projetée ressemble comme deux gouttes d’eau à celle d’Avrillé ». Résultat, les autorités religieuses se sont rendues coupables d’une profanation. L’église n’a jamais été officiellement désaffectée. « Le saint Sacrement est même resté abandonné longtemps dans le presbytère qui jouxte l’église, sur la photocopieuse », poursuit le président de l’association MVPG. « Puis des gens se sont insurgés et il a été ramené dans la salle municipale qui se trouve non loin ». Les messes sont dites là, ou dans une autre salle située à 2 km du bourg. Dans l’église abandonnée, l’autel a été cassé à la masse, les statues volées ou déménagées, le chemin de croix emmené on ne sait où. Les pigeons ont fait leurs nids là où les paroissiens priaient. « Et les bons catholiques n’ont rien dit », nous précise un Jean Woznica attristé. Ils ont préféré exclure de leur paroisse ceux qui militaient pour la sauvegarde de l’église – en bon état – et ont donc plus aimé s’abandonner à la facilité d’une Eglise certes moderne, mais sans âme, et même lâche, que restaurer le lieu de culte. Le comble de l’abject a été atteint par un certain Hamon, délégué du diocèse au patrimoine, venu expliquer à l’association que « l’affaire [la démolition de l’église] était maintenant trop engagée, c’était donc une question d’honneur et qu’on ne pouvait plus reculer », se souvient encore effaré le président de l’association MVPG Joël Sécher.

 

Pour sauver l’église, une seule solution : résister

Le Printemps Français, c'est la révolte contre l'abus de pouvoir au pouvoir.

Le Printemps Français, c’est la révolte contre l’abus de pouvoir au pouvoir.

Ces dernières années dans l’Anjou, trop d’églises ont été détruites à cause de l’orgueil des maires et de la coupable lâcheté du clergé local. Autant d’affronts à ces villageois ruinés par les colonnes infernales et la République et qui reconstruisaient cependant, suprême résistance, sur le lieu même de leur village passé, et leurs maisons, et leur église. Ces fiers vendéens, angevins et Bretons qui dardaient dans le ciel les fières flèches de leur foi ardente et brûlante. Jamais ils n’ont cru que des générations plus tard, des élus allaient leur marcher sur la gueule, et soutenus par la République héritière de ceux qui ont massacré leurs ancêtres, les faire mourir une seconde fois.

Lorsque le 16 octobre 2012 la République avait envoyé des milliers de gendarmes et de CRS passer sur le ventre du peuple Breton pour construire un aéroport – pourtant complètement illégal en droit français depuis quatre ans – à Notre-Dame des Landes, paysans et occupants s’étaient soulevés et contre toute attente, après six mois de combats et l’intervention de l’Europe, la République a du reculer. Lorsque à Fontainebleau, le 6 mars 2013, le maire UMP a décidé de détruire la halle, monument du XXe siècle, cinquante personnes se sont mises au-devant des pelleteuses et la destruction a été suspendue. Moralité : seule la création d’un rapport de forces peut sauver nos monuments lorsque l’Etat de droit n’est plus et que tous les rouages de l’Etat concourent à l’illégalité et à la destruction de notre Histoire, de nos racines, de notre fierté. Le 20 juin à huit heures, un rassemblement devant l’église est prévu. Face à l’Etat autiste et aux grands projets inutiles de ses élus, Gesté, Notre-Dame des Landes, même combat.

L’étrange omerta sur la constitution de l’UDI en Loire-Atlantique

7 Juin

LogoUDI-Q°#OpMagouilles. La convention constitutive de l’UDI en Loire-Atlantique a eu lieu le 25 mai  ; lors de cette réunion les adhérents des sept composantes du grand parti centriste, à savoir le Parti Radical, l’Alliance Centriste, le Centre national des indépendants et paysans (CNIP), le Parti Libéral démocrate, la gauche moderne, le Nouveau Centre et Territoires en Mouvement devaient élire leurs instances communes dirigeant l’UDI dans le département et les représentant au niveau national. Il n’y avait qu’une liste, celle de Joël Guerriau, qui a été élue. Cependant la nouvelle n’a pas été annoncée dans les médias, ni officiellement aux militants. Pourquoi cette omerta ? Nous menons l’enquête.

Le scrutin du 25 mai aurait du être un plébiscite pour Joël Guerriau, qui s’était bombardé coordinateur de l’UDI et avait mis la main sur la quasi-totalité du mouvement, dont presque toutes les composantes – sauf le CNIP – sont dirigées par des employés de sa mairie (Saint-Sébastien sur Loire) ou ses proches ; un site internet avait été lancé et les adhésions faites via ce site partagées entre le Nouveau Centre et l’Alliance Centriste, deux partis liés à M. Guerriau. L’UDI 44 allait donc devenir une PME familiale Guerriau. Cependant, depuis sa valse-hésitation pour Nantes (ira, ira pas) qui a fait perdre un mois à la droite pour se mobiliser pour la capitale bretonne, l’aura de l’élu sébastiennais a pali. Il se pourrait même que, miné par l’usure du pouvoir et sa réputation d’opportuniste politique, il perde sa mairie en 2014, ce qui compromettrait fortement sa réélection comme sénateur ; cette dernière reste son but n°1 : il a besoin d’un second mandat pour avoir une retraite confortable, du fait d’un parcours professionnel en pointillés.

Cette usure du pouvoir a été vue le 25 mai : l’élection s’est traduite par une faible mobilisation qui ne peut pas s’expliquer par le seul fait qu’il n’y ait qu’une liste en présence (1). A peine la moitié des militants UDI de Loire-Atlantique s’est exprimée, d’après les résultats définitifs qui circulent sous le manteau et que nous nous sommes procurés : sur 565 militants inscrits avant le 28 février et qui seuls pouvaient voter – ce qui évitait les vagues d’adhésions faites peu avant l’élection – 284 bulletins ont été enregistrés pour les listes des conseillers départementaux et des conseillers nationaux, à savoir les instances locales et nationales qui organiseront et représenteront l’UDI 44. Pour la candidature de Joël Guerriau, seuls 265 bulletins ont été enregistrés (46.9% des militants), près d’une vingtaine d’autres ont été déposés rayés, marquant un net vote de défiance. La plupart des militants ont toutefois voté avec leurs pieds. L’exemple le plus significatif – et le plus douloureux pour Joël Guerriau – vient de la mairie de Saint-Sébastien sur Loire, sa ville, car un nombre significatif de ses élus municipaux inscrits dans son parti, le Nouveau Centre, n’ont ni voté ni fait suivre de procuration. Les militants de ce parti sont d’ailleurs ceux qui ont le plus boudé l’élection.

Joël Guerriau comptait en outre faire passer son féal et fidèle Olivier Deschanel comme délégué départemental de l’UDI ; ce dernier est un véritable cumulard local de la politique, réunissant sur sa tête les fonctions de conseiller régional de la région-croupion des Pays de Loire, de responsable communication de la ville d’Ancenis, d’adjoint au maire de Carquefou et de président de l’Alliance Centriste du département. Trop de casquettes pour faire le boulot correctement, de toute évidence, comme le montre le beau cafouillage de l’intéressé à Carquefou : après avoir juré ses grands dieux qu’il serait la tête de liste de l’union de la droite, puis de l’UDI seule en 2014 dans cette ville de l’agglomération nantaise, il s’est vu sèchement recaler car sa trajectoire de collaborateur d’élu ne l’avait pas suffisamment mis aux prises avec les réalités matérielles. Résultat : un sac de nœuds politique, tout cela face à une gauche unie et structurée qui ne désespère pas d’emporter la ville malgré un contexte national et local très défavorable. C’est peu dire que ce raté tonitruant – et d’autres par le passé – ont laissé des traces, si bien que la très grande partie des élus centristes du département qui ne sont pas dans la coterie de Joël Guerriau – et notamment des membres de droit des instances départementales de l’UDI (chefs de composantes ou élus locaux de villes importantes), ne soutiennent pas franchement le choix de leur coordinateur-président. Crime de lèse-Guerriau, ils ont même présenté une contre-candidature, celle d’Isabelle Mérand, vice-présidente du Parti Radical et conseillère municipale à … Saint-Sébastien sur Loire. Les instances nationales – qui doivent approuver la nomination du délégué départemental proposé par les élus du département – sont chargées de trancher le débat.

carrambaAinsi, Joël Guerriau trouve un rival dans sa propre ville, dans sa propre équipe. Une humiliation suprême, que Joël Guerriau n’a pas digérée. Ceux qui le côtoient et le pratiquent politiquement depuis des années soulignent son caractère bien plus opportuniste et orgueilleux que ce qui est strictement nécessaire en politique. Résultat : au lieu de proclamer les résultats et d’avouer par là même qu’il n’a pas réussi à unir les centristes du département autour d’un leader charismatique et incontestable, ni les mettre en ordre de bataille pour les municipales, ni surtout assurer ses positions dans sa propre ville – dont ses collègues au conseil rechignent visiblement à le soutenir – bref, d’assumer l’échec de sa mission de « coordination » et de formation de l’UDI départementale sur toute la ligne, il a préféré ne rien dire et ne pas faire circuler les résultats, ni les communiquer aux médias, espérant un silence total et complice. Caramba ! Encore raté.

Notes

(1) : La mise en place des instances UDI s’est faite dans le consensus presque partout ; une quinzaine de départements comptent deux candidats pour la présidence mais une liste unique pour les instances départementales et nationales, il s’agit de l’Allier, des Alpes-Maritimes, la Charente Maritime, la Corrèze, les Côtes d’Armor, la Corse du Sud, la Haute-Garonne, le Jura, la Loire, les hautes Pyrénées, les Yvelines, le Val de Marne et la Vienne. Dans une demi-douzaine de départements, deux listes s’affrontent : Lot, Loiret, Gironde, Oise et Morbihan.