Edito. Samedi, alors que je travaillais dans la charpente de la belle église XVIe que j’entretiens au cœur de la France, je fus atteint – magie du portable – par une communication de Bretagne. Je lâchai un instant le marteau, descendis de l’échelle et je décrochai. Après les salutations d’usage, mon interlocuteur de Notre-Dame des Landes me dit simplement « ils partent ». Sans qu’il lui faille m’expliquer que ce sont les gendarmes et qu’ils se tirent enfin de la ZAD, une même joie nous étreignit à des centaines de lieues de distance. C’est donc la fin d’une opération d’invasion policière qui avait commencé le 16 octobre 2012, il y a près de six mois. Enfin. Nous avions bavardé de ceci et de cela, puis je raccrochai, pour aller vaquer à mes affaires.
C’est donc la fin de plus de six mois de lutte, de barricades et de tranchées, de chouanneries et de compromissions, d’amoncèlements d’illégalités et de voies de fait de la part du pouvoir, qui avait fini brisé par le général Hiver de même que Napoléon en Russie. Enfin, enfin, enfin la liberté, pensais-je en allant relever le régiment de bassines au garde-à-vous sous les multiples fuites dans la charpente. Ils sont partis par souci d’apaisement, en fait pour ne pas perdre la face et dépenser de l’argent à ne plus pouvoir bouger, liés qu’ils étaient par l’extrême inquiétude européenne et le rapport de la Commission Scientifique qui enterrait le projet, deux faits majeurs qui n’avaient quasiment pas été couverts par l’ensemble des médias français. Et surtout parce que le pouvoir n’a pas assez de policiers à mettre à Paris. Ironie du sort : ce sont les manifestants contre le mariage gay, actifs sans cesse et partout en France, qui libèrent Notre-Dame des Landes un peu plus tôt.
Stop ! M’arrêtais-je en équilibre sur une poutre maîtresse du beffroi. Ils sont partis. Mais pas leur système. Pendant plus de six mois, le pouvoir républicain a suspendu le droit et les libertés fondamentales pour propulser un projet… illégal en droit européen et français depuis plus de quatre ans. Les populations locales et les opposants ont pu voir reconnaître leur droit grâce au seul rapport de force…. C’est-à-dire à la force de leurs poinggs et de leurs barricades. Pendant ce temps là, le même conseil général qui a soutenu à fond le projet (illégal, rappelons-le) d’aéroport a fait construire, avec la bénédiction du maire de droite local, un bâtiment dans la cour du château d’Ancenis qui foule aux pieds tant le bon goût que le droit du patrimoine. Ces deux exemples connus dans le département montrent qu’il n’y a aujourd’hui plus qu’une illusion du droit en France, maintenue par la complicité active d’une grande partie de l’élite politique. Collusion que l’on a retrouvée à l’œuvre pour soutenir le projet d’aéroport d Notre-Dame des Landes.
L’affaire Cahuzac a mis à jour la pourriture avancée au sein des élites politiques de la « Ripouxblique » et du gouvernement. Mais des Cahuzac, il y en a dans plein de mairies, et à l’intérieur des partis politiques. Ils ne sont pas moins nuisibles que leurs homologues nationaux, et pendant que ces derniers prostituent les intérêts de la France à leurs turpitudes ou à leurs affaires, les Cahuzac de village ravalent les façades de leurs alliés politiques, accordent des permis de construire illégaux ou des PPP injustifiés à leurs amis, ou encore subordonnent l’avenir de leurs terroirs ou l’environnement à leurs amitiés dans telles ou autres entreprises. Bien qu’éventuellement plus à portée de baffe, ils restent plus dangereux que leurs homologues nationaux parce que les conséquences de leur gestion sont immédiatement tangibles et se retrouvent assez rapidement soit sur votre feuille d’impôt, soit dans l’air que vous respirez.
Ces derniers mois, l’air français, justement, vibre de révolte. S’il n’y avait eu « l’affaire Notre-Dame des Landes », ce serait sans doute resté un ras-le-bol passager contre un projet de loi de société décrié et juridiquement mal ficelé aux conséquences laissées délibérément dans le flou par une élite politique nationale du reste quasi-unanimement désavouée. Mais à Nantes plus encore que dans le reste de la Bretagne, le ras-le-bol est général contre à la fois un gouvernement qui depuis près de dix ans fait peu de cas des Bretons – quand il ne vient pas les insulter sur leurs terres – et contre des élites politiques locales qui, après avoir longtemps été relativement plus honnêtes que dans le reste de la France, se désinhibent peu à peu et touchent à tous les tabous – pratiques urbanistiques de complaisance, servilité face aux grands projets d’Etat, rapport au Breton et à l’exception culturelle, etc.
Selon l’endroit du spectre politique où l’on se place, cette révolte générale – qui fait s’émouvoir et manifester des gens tous les soirs dans des villes aussi séculairement placides que peuvent l’être Blois, Orléans ou Saint-Lô – se nomme ou se fait nommer « coup de balai » ou « printemps français ». En fait, c’est un immense ras-le-bol qui submerge le pays et le place devant le mois de mai le plus chaud qu’il lui soit réservé depuis longtemps. Un ras-le-bol dont vibre aussi la Bretagne, voire dont elle se trouve à l’avant-garde. Au grand dam des nationalistes Bretons autoproclamés, ceux des cabines téléphoniques politiques de l’Emsav, qui non seulement ne servent à rien, mais comme ils vivent dans leurs bulles, ne peuvent suivre la marche du monde. Comme bien des Français, les Bretons en ont aussi marre d’une classe politique qui se croit « tout permis » alors même que la France est en crise depuis 2007 et se trouve au bord du précipice budgétaire, les seules réformes radicales possibles pour sortir de la situation étant bloquées soit par les plus pauvres ( rigueur) soit par les plus riches (suppression de la plus grande partie des « niches fiscales »).
Notre-Dame des Landes, maintenant, c’est plié. Cet aéroport ne se fera plus. L’Europe n’en veut pas, le terrain ne le permet pas (98% de zones humides), les populations locales sont vent debout contre, et il n’y a plus d’argent à cause de la crise. Il faut garder cela à l’esprit en permanence, car le seul combat qui reste à mener, c’est d’empêcher que les Bretons ne se fassent voler leur victoire dans une « négociation » d’autant plus voulue par le pouvoir qu’elle est pipée d’avance. Les terres que Vinci et le Conseil général conservent doivent revenir aux paysans et à tous ceux qui voudront s’installer sur place pour nourrir les hommes, pour nourrir les habitants d’une métropole nantaise toujours plus grosse et toujours en panne de projet maintenant que – pour la première fois en deux siècles et demi – elle a échoué dans sa volonté de l’imposer – comme d’habitude – aux populations avoisinantes. C’est peut être par cet échec majeur puisque historique que s’explique la rapidité de l’effondrement du système impulsé par Ayrault et ses amis – souvent aussi situés à droite et qui ont préféré signer un pacte de non-agression politique plutôt de voir dévoilées leurs petites tambouilles locales.
BreizhJournal avait été créé notamment pour couvrir, sans être censuré, les opérations policières à Notre-Dame des Landes et les monceaux d’illégalités qu’elles permettaient. BreizhJournal n’a pas la vocation d’un musée des anciens combattants. C’est pourquoi nous saluons le départ des forces de l’ordre de Notre-Dame des Landes, mais surtout nous changeons de braquet. BreizhJournal s’occupait du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Maintenant nous nous occuperons de tous ceux qui l’ont rendu possible : c’est-à-dire des petites et grandes compromissions de l’élite politique locale. Parce qu’il y a beaucoup à dire… et peut-être beaucoup à faire d’ici à mars 2014.
Nos premières investigations ont montré qu’il y avait des « kystes » politiques locaux bien plus graves que ceux que dénonçait Manuel Valls en novembre dernier à Saint-Nazaire. Des kystes qui mettaient en péril l’avenir tant des richesses humaines que naturelles ou historiques en Bretagne. Qui conduisent à poser la seule question qui compte vraiment : quelle Bretagne voudrions-nous laisser aux générations qui nous relèveront ? BreizhJournal veut laisser une Bretagne plus unie, plus juste et donc moins corrompue. C’est pourquoi nous allons démarrer notre petit Wikileaks local – circonscrit à la Loire-Atlantique – bien que nous nous n’interdisons pas d’en sortir quand nous aurons des renseignements sur des communes extérieures au département, qu’elles soient ou non en Bretagne d’ailleurs. Pour en savoir plus sur le petit Cahuzac qui peut-être se trouve à quelques km de chez vous, suivez tous les articles qui commenceront par #OpMagouilles A bientôt sur nos lignes et merci pour votre fidélité et votre soutien sans faille.
Vous habitez dans l’un des cinq départements de la Bretagne historique (ou pas), vous avez connaissance d’un projet ou d’une décision de vos élus locaux ou moins locaux qui vous étonne, vous choque, ou vous semble illégale, vous voulez partager votre émotion, que faire ? Adressez-vous à nous sur opmagouilles[at]gmail.com
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