Le maire de Gesté espérait détruire le chœur de l’église en trois jours. Mais, pour un « monument en péril », elle résiste bien et les démolisseurs en auront pour une semaine de plus au moins. Par ailleurs, dimanche 25 août, des opposants à la démolition ont découvert dans les gravats une pierre d’autel et des objets sacerdotaux dans l’église. Cela fait pourtant des mois que le clergé (évêché d’Angers et curé de Beaupréau, favorables à la démolition) clame que l’église a été vidée de ses objets sacrés.
Les démolisseurs s’attaquent au chœur néogothique de l’église avec une griffe qui porte jusqu’à 40 mètres de hauteur. Une flèche placée sur le côté déploie un écran qui est censé éviter les projections de pierre ; malgré cela, des débris ont giclé assez loin sur la place de la mairie. La société OCCAMAT qui assure la démolition est donc obligée de ralentir encore la cadence et de démolir avec prudence sur les côtés sud et est du chœur, car l’église est entourée d’habitations qui sont situées à moins de dix mètres d’elle.
Le chantier a été arrêté toute la journée de vendredi. Il devrait reprendre au début de la semaine prochaine. Les démolisseurs s’apprêtent à démolir d’abord les parties hautes du chœur, puis ensuite le bas, avec une grue de plus faible portée, donc moins chère à transporter et à louer. La démolition revient à moins de 200.000 € pour la commune (193.500), parce que les pierres de l’église ne seront pas emmenées par la société, mais seront prises par les agriculteurs pour l’empierrement des chemins. La belle église de Gesté finira sa vie sous les roues des tracteurs.
Ce qui a surpris les démolisseurs comme les badauds, c’est la solidité de l’église. Noël Stassinet, du souvenir chouan de Bretagne, présent toute la dernière semaine de juillet sur place, se souvient notamment « quand la pelleteuse a soulevé tout d’un coup tout le toit du transept, et qu’elle l’a emmené, le mur en bout de transept a vacillé plusieurs fois, et s’est redressé. » C’est une construction élastique, qui tient les chocs. « De même, quand une des quatre ogives d’une croisée a été retirée par la pelle, la croisée a tenu. Ils ont enlevé un autre arc, la croisée tient toujours. Ils coupent pour la pause de midi, la croisée ne bouge pas ». Bref, ce n’est pas une maison en parpaings, c’est une église, construite à une époque où on savait le faire, et qui paraît quand même bien en état pour un monument que la mairie disait en péril. La même mairie disait qu’il y avait de la mérule (un champignon responsable de la destruction des bois) dans la charpente : aucune pièce infectée n’a été trouvée.
Des objets religieux trouvés dans les gravats et dans la sacristie
Plus scandaleux encore. Alors que ça fait des mois que le maire, Jean-Pierre Léger, et le curé de la paroisse, Pierre Pouplard, clament que l’église a été vidée de ses objets religieux et sacerdotaux, une découverte soudaine a remis en cause leurs paroles. Pourtant, nous avons relevé en juin que de nombreux objets avaient été sauvés de l’église (devant d’autel, plaques des monuments aux morts, statuaire, tables de communion, chemin de croix…) et entreposés dans les ateliers municipaux tandis que les aubes et autres vêtements sacerdotaux auraient été repris par la paroisse.
Et pourtant. Le dimanche 25 août, le souvenir chouan de Bretagne organisait un pique-nique pour rendre hommage à l’église qui allait être détruite. Ce pique-nique a réuni douze personnes, bien qu’il a été interdit par la gendarmerie de Beaupréau suivant l’avis du maire de Gesté. Les participants sont allés voir l’église et ont longuement discuté avec le vigile, catholique et excédé par le sacrilège en cours. Ils sont entrés sur le chantier, et parmi les gravats, les membres de l’association Mémoire Vivante du Patrimoine Gestois (MVPG, opposée à la destruction de l’église) qui les accompagnaient ont trouvé une pierre d’autel dans les gravats, encore revêtue du sceau de cire rouge de l’évêché. Dans la sacristie, il y avait aussi encore des aubes et des étoles dans les placards, ainsi que des manipules, une bourse et un plateau de communion. Ils ont sorti l’ensemble de ces objets. Le vigile a refusé que cela sorte du site, et a tout empilé dans un carton qu’il a porté dans la salle municipale toute proche. Lundi, ces objets ont été remis à la municipalité.
Celle-ci, plutôt que d’avouer – pour une fois – ses torts a fait comme d’habitude, c’est-à-dire qu’elle s’est enferrée dans le mensonge en profitant des colonnes complaisantes du Courrier de l’Ouest. Elle a notamment accusé l’association MVPG et les participants au pique-nique « d’effraction de la crypte », accusation étrange sinon grotesque puisqu’il n’y a rien à briser, la crypte comme tout le reste étant ouverte à tous les vents. A des élus de son canton, le maire a aussi dit que l’association MVPG aurait volé ces objets sacerdotaux antérieurement (par exemple en décembre quand l’église était ouverte à tous les vents pendant un mois) pour les remettre maintenant. Le 20 juin, lorsque nous étions rentrés dans l’église pour photographier ce qui allait être démoli, la sacristie n’était pas vide, loin de là, on trouvait sur les étagères des pots étiquetés « cendres 1992 », certains placards étaient remplis, d’autres vidés, des feuilles traînaient un peu partout et il semblait que l’église avait été abandonnée dans la précipitation, comme un lieu touché par une catastrophe naturelle. Tout cela montre que l’évêché d’Angers et la paroisse ont tous deux participé à un sacrilège : la destruction d’une église qui n’a pas été déconsacrée.