Archive | Mai, 2013

Le FN fait son retour en force dans le paysage nantais

31 Mai

fn-44Stupeur et tremblements dans la capitale bretonne : le FN aura à nouveau une permanence, pour la première fois depuis une quinzaine d’années. Ce retour en force va de pair avec les ambitions municipales de Christian Bouchet, tête de liste à Nantes. Objectif affiché : entrer à la mairie et faire aussi bien, sinon mieux que Benoît Blineau, du Modem, en 2008. Avec 6.48%, il avait fait élire deux conseillers municipaux.

Tête de liste, Christian Bouchet estime même que « ce score peut être dépassé, et on peut atteindre, sinon dépasser les 7% à Nantes; on pense pouvoir espérer de 1 à 3 conseillers ». Le parti engrange les adhésions – de 100 membres il y a cinq-six ans, il est aujourd’hui à sept cent, et « les adhésions continuent d’arriver chaque jour ». Secrétaire départementale du FN, Marguerite Lussaud estime qu’il y a aujourd’hui « près de 800 encartés, et que l’on pourra bien arriver à 1000 », ce qui autorise toutes les ambitions. Pourquoi une si bonne santé ? Le FN peut dire merci au mariage gay et à l’UMP, dont l’incapacité notoire à gagner une élection en Loire-Atlantique depuis quinze ans et les multiples divisions internes – auxquelles la guérilla Copé-Fillon a rajouté encore plus de mordant – fatiguent les sympathisants de droite. Cependant, Christian Bouchet tempère « les endroits – comme Nantes – où on a un gros bloc de militants ne correspondent pas toujours aux villes où on a de bons scores aux municipales ». Par exemple, le FN a fait de très bons scores – pour la Bretagne – à la Regrippière (12.73%) ou à la Boissière du Doré (14.21%) aux législatives  2012.

Cette reconquête du paysage nantais s’étend aussi à l’agglomération, puisque des listes seront présentées à Orvault, Vertou et Sautron, « des communes où [le FN] ne fait pas forcément de bons scores, mais où il a une bonne base militante », nous explique Christian Bouchet. La permanence du FN sera située dans un ancien commerce du centre-ville nantais et devrait ouvrir « au moins plusieurs après-midi par semaine ». Elle devrait ouvrir d’ici une quinzaine de jours et être officiellement inaugurée le 23 juin. Ce jour-là, Louis Aliot, vice-président du FN chargé de la formation, vient à Nantes. Pour l’heure, son emplacement reste confidentiel… pour raisons de sécurité. Signe que le FN, même s’il a des ambitions, reste tout de même en terre hostile à Nantes.

26 mai : détermination intacte, soirée difficile aux Invalides

28 Mai

Chers lecteurs, comme pour les précédentes manifs pour Tous, BreizhJournal était au cœur des événements, et votre dévoué serviteur vous fera comme d’habitude son récit de la Manif pour Tous, du début jusqu’à la fin… et aux événements des Invalides. Pour une fois, il a été accompagné… du blogueur normand Fik dont le très rafraîchissant blog  soutient le Printemps Français.

Le train-train de l’avant-manif

au départ, boulevard Lannes, 13h20

au départ, boulevard Lannes, 13h20

11h22. En grinçant de tous ses essieux, l’Intercités Montluçon – Paris s’arrête le long des quais ventés de la gare des Aubrais-Orléans. Nous embarquons avec une foule d’où émergent de ci, de là des drapeaux français et autres étendards de la Manif pour Tous. Dans le train, la Croix prédomine parmi les lectures. Midi vingt, le train freine en gare d’Austerlitz, transformée en arrière-cour de la manifestation. Le train déverse toute une cargaison de manifestants, enfants et bannières 18 (Cher) en tête, qui défile au pas gymnastique et à grands coups de sifflets. Les bénévoles de la Manif sont au débouché des trains, un cortège part de devant la gare.

Nous, nous rejoignons le cortège des Bretons… Porte Dauphine, à l’autre bout de Paris. Si la ligne 10 affiche son visage habituel, dès que l’on se hisse des tréfonds du métro sur la ligne aérienne à la Motte Piquet, les rames sont bourrées à raz-bord de jeunes et moins jeunes allant manifester. Nadine et ses copines viennent d’Armentières et de Lille, « on vient manifester contre la loi, la dégénérescence de la famille et la déconnexion entre la loi et la nature ». Le Printemps Français ? C’est niet « on est juste contre la loi, pas le gouvernement ou pour le retour du Roi ou autre chose ». Elles descendent quelques stations avant Etoile, nous changeons sur la 2 et tombons dans une rame remplie à en déborder de Bretons. Contre toute attente, ils n’envahissent pas Paris par l’ouest, mais par le dessous.

Un départ en avance

Le maire de Saint-Même le Tenu

Le maire de Saint-Même le Tenu

Place Dauphine, c’est une nuée de drapeaux bleus et roses, jusque sur l’herbe des squares. Vers le boulevard Lannes, un nuage de têtes de Maures : oui, il y a une Manif pour Tous en Corse, même si ses représentants sont bien moins jeunes que les Bretons d’Ille-et-Vilaine qui sont en formation de combat juste à côté. Plusieurs cars de Rennes s’entremêlent avec les Vitréens et les Redonnais, sans oublier les Fougerais. Les Nantais sont quelque part tout devant. En tout, la Normandie aura envoyé 115 cars, la Bretagne 80 (dont 20 pour la seule Loire-Atlantique), la Vendée, l’Anjou et le Maine 55 ainsi qu’un TGV spécial partant de Nantes et rempli entre la Loire-Atlantique et la Vendée.

13 h 15 : boulevard Lannes, le cortège s’ébranle. Nous allons d’un bon pas en avant, nous glissant le long des allées. De loin en loin, dans l’avenue de Pologne, l’avenue de Chantemesse etc. des paniers à salade vides sont judicieusement disposés… et non gardés. A 13 h 40 nous tombons sur un car complet du pays de Retz, drapeau breton du pays en tête. Au cœur des manifestants, un maire, celui de Saint-Même le Tenu. Hervé de Villepin tient à nous préciser qu’il est « le seul maire du Pays de Retz à la Manif pour Tous ». Philippe Boënnec, le maire de Pornic, qui s’est dit contre la loi, n’est pas venu. Dommage. Maire élu sur une liste plutôt peu politisée, le maire de cette commune, la plus petite du Pays de Retz, vient pour défendre la famille et la loi naturelle.

Le tour de Brice

brice13 h 45 : La manif pourtant partie d’un bon pas, s’arrête brutalement. Au cœur du carré des élus, c’est l’heure des interviews. Le député FN Gilbert Collard se glisse parmi ses collègues UMP, puis repart en arrière après dix minutes de flashs, suivi d’une nuée de journalistes. Plus convivial, Brice Hortefeux serre des pognes à droite à gauche, notamment aux élus de son pays l’Auvergne. L’un d’eux est maire – apolitique mais « classé à droite par ma préfecture » – d’une petite commune de 650 habitants dans l’Allier. C’est déjà sa troisième manifestation et il constate cette fois « qu’il y a moins d’élus », et que « ceux qui sont là, comme Copé, le sont surtout pour faire leur show devant les journalistes, après ils se tirent ». Brice Hortefeux est là pour donner un visage plus chaleureux de la politique, pas comme Gérard Larcher qui défile visage fermé, presque mortuaire. Du coup nous demandons à l’ex-ministre de l’Intérieur pourquoi est-il là bien que la loi ait été promulguée. Il nous répond « Cette mobilisation, c’est un signal très important » et se glisse l’air mystérieux parmi ses collègues.

Breton ou Bretons, ils sont partout

mpt1114h10 : cela se rouvre, et l’avant-garde de la manif s’engouffre joyeusement dans l’avenue Henri Martin, puis dans l’avenue Mandel. Vers 14h32, nous tombons sur une pancarte frappée d’hermines, 22, voilà Saint-Judoce. Et son maire, Louis Bouan, du PCD, au milieu d’une quinzaine de ses administrés. « Je suis un maire centriste d’une commune au milieu d’un terroir de gauche ; tous mes collègues à la communauté de communes sont à gauche, ma commune vote à gauche à toutes les élections… sauf aux municipales. Je suis là surtout à titre privé – c’est déjà ma troisième manif – puisque j’en n’ai pas parlé à mon conseil », nous explique le maire de cette petite commune qui a une compagnie de cars et d’où part toujours un car vers la Manif pour Tous, « ligne régulière, départ 6 h du matin, retour minuit ». Il poursuit « le fait qu’un élu comme moi, centriste et respectueux de la République, soit ici, montre bien que cette manif n’est pas un ramassis d’intégristes, si c’était le cas, je ne serai pas là ».

mpt12A peine 8 minutes plus tard, c’est un drapeau étrange qui attire notre attention. Celui des chaldéens. Gonesse, Garges, Sarcelles, Villiers-le-Bel, Pierrefitte, Stains, Clichy-sous-bois, le 9-3 et le 9-5 est descendu. « Jeunes des cités » ? Pas toujours. Ils sont fiers de leurs villes dont ils entreprennent de nous décrire les mérites, tout comme de leur lointaine patrie, berceau de la civilisation. Parce que ce sont aussi des catholiques d’Orient  originaires de la Mésopotamie, de l’actuel Irak. Ils sont près de 3000 dans la Manif et déterminés comme jamais.

Manifestants nantais

Manifestants nantais

Intersection Sablons-Mandel, 13h50. Nous touchons au but. Un grand drapeau du Pays Nantais, un étendard (Kroaz Du cantonné d’hermines) de la marine bretonne, d’autres bannières, ce sont de jeunes nantais fiers de leurs origines. François G. et ses amis sont descendus de Nantes pour la énième fois : manifester contre le projet de loi Taubira et les excès de ce gouvernement. Le Printemps Français ? « Oui, bien sûr, c’est très bien, ce gouvernement fait n’importe quoi… par exemple l’aéroport de Notre-Dame des Landes ». Nantes est la terre de convergence de toutes les luttes, de tous ces mécontentements qui réveillent la Bretagne et en font le terroir, voire le terreau magnifique  où est en train de germer le Printemps Français. A leur côté, nous descendons l’avenue, puis la place Trocadéro, où les casseurs du PSG ont encore laissé quelques pierres des bâtiments imposants qui la bordaient jadis. A leur côté défile un homme qui n’est Breton que de nom. Xavier Breton, huit enfants, est député de Bourg-en-Bresse dans l’Ain. Avec deux manifs régionales à Lyon et quatre à Paris, il commence à avoir l’habitude, et l’agacement. Mais aussi l’intacte détermination.

L’équipée Fik et des flics

Pont Alexandre III transformé en annexe de la Préfecture de Police

Pont Alexandre III transformé en annexe de la Préfecture de Police

L’on récupère à 15 h le quart Fik à un angle de la place ; nous retrouverons nos nantais ce soir juchés sur les candélabres de la place des Invalides. Il n’y a pas un policier. « Si le pouvoir voulait que ça déborde, ils ne s’y prendraient pas autrement. », explique un jeune du Printemps Français croisé sur la place. En revanche, c’est bourré de barbouzes et autres flics en civil. Habillés en noir, patibulaires, oreillettes mal planquées et l’air suspect, ils ne sont pas très discrets. Exemple, ce couple, assis sur le rebord d’une entrée de métro. Entre deux âges, soit, habillé sombre, bon, oreillette pour la femme… 22 voilà les flics ! Au pont de l’Alma, les débouchés de l’avenue Georges V, de l’avenue Montaigne et du quai sont barrés par près de 500 CRS, d’autres ont bunkerisé les ponts des Invalides et Alexandre III où près de 1000 hommes sont installés, avec les camionnettes et les barrières anti-émeutes directement posées sur les ponts. Les touristes gueulent. Un anglais explique à sa femme que « les manifestants se battent contre le mariage gay, ils ont raison, et tout ce que le pouvoir corrompu français trouve à leur répondre, c’est de coller des centaines de policiers dans les rues de Paris ».

15 h 30. Par de petites rues vides de policiers, nous voici sur les Champs où des camions de gardes-mobiles et des remorques de matériel fraîchement ramenées de Notre-Dame des Landes s’étirent sur fond de l’Arc de Triomphe. Il y a un gros noyau à l’Etoile et au débouché de l’avenue Marceau, mais la circulation se fait. Le Printemps Français ? On ne les a pas vus. Mais ils auraient essayé d’improviser une action à l’Etoile et se sont fait embarquer. En même temps les Hommen – les hommes masqués de blanc et torses nus  lancés par les opposants à la loi en réaction au Femen – auraient été interpellés alors qu’ils étaient calmes et pacifiques devant l’Elysée. 57 interpellés. Pour rien. Si ce n’est un outrage – par leur saine et française virilité – à la personne du Président ?

Trop de monde pour les Invalides

mpt916 heures trois quarts. Après avoir tourné les ponts barricadés des Invalides et Alexandre III par le pont de la Concorde, puis constaté que là aussi le quai devant la place des Invalides était occupé par près de deux cent CRS et un bus-panier à salade tout prêt, votre dévoué serviteur est enfin sur la place, escortés toujours de l’inénarrable Fik, qui s’arrête presque à chaque pas saluer là un cousin, ici un ami, ou une connaissance, preuve que la manif pour Tous est bien un lieu de sociabilisation et de rencontre, ce qui ne peut que développer son élan. C’est ici que nous apprenons à la fois que les Identitaires ont occupé la terrasse devant le PS et qu’ils se sont faits déloger par les forces de l’ordre, avec une quinzaine d’interpellations à la clé.

Les manifestants occupent les pelouses, des cartons de bougies jonchent ça et là l’espace, des bannières jaillissent de loin en loin – passent les Alsaciens, avec leurs « cigognes en colère », les Normands, avec une banderole du Calvados handmade et rapiécée, et des milliers de Bretons, dont nos jeunes nantais de tout à l’heure. François G. est juché avec son drapeau breton sur un candélabre de la place, ses amis autour exultent. Les organisateurs annoncent un million de manifestants. «Chiffre politique » s’exclame Fik à mes côtés. Certes. Mais même s’il y avait moins de monde que la fois dernière, peu importe, puisque la Préfecture a elle-même annoncé peu avant qu’il y avait 150.000 personnes, autre chiffre éminemment politique qui avait été arrêté à l’Elysée la veille et qui est mathématiquement impossible : il correspond au total minimal des gens qui sont venus en cars, trains et voitures de la seule province.

Nous faisons le tour des Invalides, croisant Béatrice Bourges sur le boulevard de la Tour Maubourg. L’égérie du Printemps Français est accompagnée de quelques manifestants et remonte vers les Invalides. Photo – jamais le métier ne s’arrête – et brèves présentations. De l’autre côté de la place, des manifestants n’atteindront pas les Invalides. Ils regardent l’église et des écrans qui leurs transmettent Luca Volontè qui encore  félicite les manifestants et les remercie pour leur mobilisation. Plus loin, nombre de manifestants des cortèges partis de la porte de Saint-Cloud et d’Austerlitz ne verront jamais la place. Bloqués à 500 mètres, ils commencent à se disperser. Autour, les gendarmes mobiles et CRS commencent à prendre peu à peu position à toutes les issues. Avisant un Domino’s Pizza ouvert – cadence infernale, chaleur du Sahara dedans et autocs de l’UNI qui circulent dans la queue (dont le très à propos « Lui président, tout fout le camp », nous récupérons de haute lutte une pizza et allons la grailler sur la place des Invalides, où les veilleurs ont fini par se mettre en place. Un grand carré d’où émergent deux drapeaux bretons… et le jeune François de Nantes.

Des affrontements à partir de 20h15

Veilleurs nantais devant les Invalides 20h45.

Veilleurs nantais devant les Invalides 20h45.

20h 15, les premiers gros pétards – ceux que les CRS surnomment « obus » éclatent ça et là. Surtout à l’est, au débouché de la rue de l’Université. Peu avant, une vingtaine de policiers en civil se regroupent sur l’esplanade devant Air France pour un conciliabule en marchant, puis replongent dans la foule. Vers 20h45, la situation se précise. Des jeunes essaient de forcer le barrage de police au débouché de la rue de l’Université, pour empêcher de se faire refouler sur la place. Il y a là un drapeau de l’Action Française et des jeunes du Renouveau Français. Je reconnais des membres des Jeunesses nationalistes de Gabriac, mais aussi pas mal de Bretons à la pointe du mouvement. Le premier lancer de gaz suivi d’une courte charge policière me sépare de Fik. Reprenant peu à peu mes esprits contre une borne, je prends des notes et sors un foulard bleu et blanc. A 20h54, les manifestants reprennent le terrain perdu sous les arbres. Parmi eux, des prêtres de Saint-Nicolas du Chardonnet, et leurs jeunes paroissiens.

débouché de la rue de l'Université. Au sol, une grenade lacrymo

débouché de la rue de l’Université. Au sol, une grenade lacrymo

Il est presque 21h et l’esplanade est envahie par les fumées blanches et rouges des fumigènes. Dans la nuée se distingue nettement un groupe de policiers en civil, pris en tenailles entre trois groupes de manifestants. Ils étaient là en train de démonter des grilles en fer installées par la Manif pour Tous pour protéger une partie de la sono. Des projectiles improvisés leur tombent dessus, ils sont hués. Des jeunes portant masques et foulards, plutôt jeunes et nationalistes, sont à l’avant du combat. Une petite trentaine en tout, autour de ce groupe. Encore une autre trentaine du côté de la rue de l’Université. Loin des centaines « d’individus dangereux » annoncées par les autorités. Les CRS chargent dans le nuage pour récupèrer leurs collègues. Ils se replient derrière les arbres, et arrêtent tous ceux qui se trouvent encore de ce côté. Deux policiers en civil tombent sur un jeune désarmé et d’apparence bourgeoise qui passe par là. Vlan ! Séché, par terre, menotté, emmené. Les gestes minutés témoignent d’une longue expérience qui n’est pas perturbée par des jets de frigos ou des tirs de kalach comme lors des interventions en banlieue. Ce sont là des jeunes désarmés qu’ils arrêtent, pour l’essentiel.

CRS au milieu de la place pour dégager les flics en civil (21h)

CRS au milieu de la place pour dégager les flics en civil (21h)

21 h 30. Une ligne de CRS et de gendarmes mobiles s’étend maintenant sur tout le coté est de la place, le long des arbres. Une autre ligne débouche du pont par le Nord. Je tombe sur une amie de lycée qui, o miracle, dispose d’une lotion non moins miraculeuse au citron. Très bon contre les gaz. Nous opérons une série d’aller-retour au gré des lancers de cartouches de gaz que les policiers peuvent envoyer grâce à leurs petits canons portatifs jusqu’à 50 mètres parmi les manifestants. Le lance-grenades Cougar  a participé à joncher Notre-Dame des Landes de gaz lacrymo. Ici, il participe à rajouter des détritus sur la place. Les CRS tiennent maintenant l’esplanade devant Air France. Peu avant, une bagarre y a éclaté entre manifestants : certains, masqués, déterminés et violents, avaient descellé des balustres en pierre pour les envoyer sur des policiers ; presque aussitôt, d’autres manifestants leurs sont tombés dessus pour les empêcher de recourir à la violence contre les forces de l’ordre.

CRS à l'est de la place, sous couvert des arbres 21h30

CRS à l’est de la place, sous couvert des arbres 21h30

Devant, à vingt mètres des CRS, un individu que les groupes d’extrême-gauche appelleraient « animateur » fait le moniteur sur la place. A chaque lancer de gaz, les manifestants courent comme des dératés à quinze mètres pour échapper au nuage. Peu à peu le vent se détourne du sud-ouest pour filer plein sud et il suffit de reculer de dix mètres pour y échapper. Alors l’animateur, qui vient de la paroisse de Saint-Nicolas du Chardonnet et s’est déjà illustré en avril, lorsque des curés de sa paroisse s’étaient fait embarquer suite à une nuit d’affrontements dans Paris, quasiment au même endroit, hurle « mais ne courez pas comme des lapins, revenez, on est chez nous ici, la France aux Français ». Et les manifestants reviennent. S’emparant des bouteilles de bière, canettes etc., ils les envoient sur les policiers. Bien d’autres sont seulement là debout à gueuler. Un jeune porte une barre en bois. Un objet qui n’a rien à faire dans une manifestation, mais il est seul sur les dix mille et quelques manifestants sur la place. Les veilleurs, au fond, chantent et veillent.

Il y a là des jeunes du Renouveau Français, des JN (de Gabriac), de plusieurs paroisses parisiennes et versaillaises, mais aussi bien des manifestants « lambda » et des tas de nantais, rennais, vannetais et autres Bretons survoltés qui font l’affront de ne pas bouger d’un pouce de la place.  Elle est très bien cette place. Alors que passe un jeune avec un bidon – non, ce n’est pas de l’allume-feu, il l’ouvre et boit dedans – tant pis pour les journalistes du Nouvel Obs et autres Libération qui cherchent à confondre les dangereux intégristes qui prennent à partie les journalistes, je vais voir le « gentil animateur ». Il m’explique « là, les policiers vont essayer de nous refouler de la place. Ils avancent de l’est et du nord, et ont du sûrement boucler toutes les issues, sauf une vers l’ouest où ils exfiltreront les gens. Nous, on tient le plus longtemps possible, puis on ira tenir ailleurs ».

Manifestant gazé.20h 59.

Manifestant gazé.20h 59.

Nouvelle charge. A 22h 05, un carré imposant des Veilleurs, très épaissi par des dizaines de manifestants qui cherchent à sortir de la nasse, part en chantant l’Espérance et est exfiltré en bloc par les policiers. Il est temps de filer. Je traverse la place en biais vers le sud-ouest, où des dizaines de gendarmes mobiles ont pris position sans coup férir. Les rues de Grenelle et de Lamotte Picquet sont juste bourrées de camions de CRS, gendarmes mobiles et de secours. Dix minutes après, ils commencent à nettoyer la place. Le poste de secours, une simple tente, est dressé au-dessus de l’entrée de métro de La Tour Maubourg. Nous ne savons pas où l’agence de presse d’Etat (l’AFP) et les journalistes favorables à la loi Taubira sont allés chercher le chiffre selon lequel il y a 36 blessés, légérement atteints, dont 34 policiers, un manifestant et un journaliste. Devant le poste, il y a une queue de manifestants qui pleurent et ont le visage rouge – au moins – à cause du gaz lacrymogène. La tente en est aussi bourrée et les secouristes ne savent où donner de la tête. Même les rames de métro et le train – le dernier pour Tours, Orléans et Blois – ont un peu le goût acre du gaz. Ironie du sort, je tombe au retour sur un manifestant qui était au cœur des affrontements. Son interview viendra.

De nombreuses interpellations abusives

Deux jeunes avec un drapeau inconnu à l'extrême-droite

Deux jeunes avec un drapeau inconnu à l’extrême-droite

Dans la nuit, la Préfecture de police annoncera 291 interpellations, dont 230 placements en garde à vue, puis 350 interpellés dont 250 gardés à vue. Ce qui fait, en ajoutant les identitaires interpellés à Solferino et les Hommen, près de 400 interpellations en une journée. Pas mal… et à comparer avec le Trocadéro (une trentaine d’interpellations, des jugements laxistes contre les casseurs, du genre de 4 mois avec sursis), sachant qu’il n’y a eu aucune vitrine cassée, aucune voiture brûlée.

Du fait des interpellations, les informations peinent à remonter. Les réseaux identitaires diffusent une photo de jeunes entassés pêle mêle dans le garage d’un commissariat du XVIIIe arrondissement. Certains ont été interpellés « armes » à la main, canettes, fumigènes ou barres en bois dans les pognes. Claire, d’Orléans, a évacué la place des Invalides juste à temps avec son ami ; elle raconte « nous étions venus pour voir la manif, sur la place. Vers le début de soirée, il y a des jeunes qui sont venus juste pour casser et s’opposer aux policiers. C’est là que nous avons préféré partir ». Deux d’entre eux étaient à l’avant de toutes les charges : un noir et un blanc qui portaient un drapeau noir et rouge avec l’emblème des pirates. Les couleurs faisaient plus penser à un signal d’extrême-gauche perdu dans la manif.

les policiers en civil à l'est de la place

les policiers en civil à l’est de la place

D’autres personnes ont été interpellées tout simplement parce qu’ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Dans la soirée, un de mes paroissiens me donne une autre clé. L’un de ses fils a été interpellé hier aux Invalides. « Il était avec d’autres jeunes sur le côté ouest de la place quand les policiers ont commencé à tout nettoyer vers 22 heures 30. Il est allé vers un commissaire de police qui leur a dit : restez tranquilles, on va vous exfiltrer après l’opération. Ils sont restés. Moins d’une demi-heure plus tard, ils étaient embarqués. Les policiers en ont pris 80 comme ça, pour rien. » Inculpation officielle : jet de projectile. Résultat ? « Ils les ont empilé dans un hangar du commissariat du XVIIIe, puis à Pantin, puis comme les commissariats de banlieue n’avaient plus de place pour leurs arrestations du jour, il s’est retrouvé seul dans un commissariat du XXe et est ressorti » lundi soir.

Interpellés sur leurs méthodes, bien des policiers préfèrent le corporatisme. Repli habituel d’une profession malmenée par les médias, et même l’actuel gouvernement, dont on a bien parfois l’impression qu’il prend délibérément le parti des délinquants, pour peu qu’ils soient d’une certaine origine. Dans ces conditions, même les plus zélés policiers se démobilisent et perdent courage. Nous en avons pourtant rencontré un, hier soir aux Invalides, qui a accepté de se confier, dans l’ombre de l’anonymat et d’un porche. « Nous avons des ordres. Ceux de faire l’exemple. De vider la place juste pour sauver les gueules du gouvernement devant l’opinion », nous explique ce policier qui se dit « dégoûté ». Il poursuit « ce pourquoi ces jeunes manifestent, nombre de mes collègues sont tout à fait d’accord. Mais on est obligés d’y aller comme des gnous, embarquer des jeunes en vrac, dans le feu de l’action, alors même que ça fout le bordel partout… qu’est-ce qu’on va en faire, de ces gens ? Nos commissariats sont déjà super-pleins en permanence, en banlieue ce n’est pas mieux, ça va encore être le grand bazar tout ça pour des dossiers qui ne tiendront pas deux minutes devant un juge, à moins qu’eux aussi aient reçu certaines consignes»

Et maintenant, la Manif pour Tous ?

MPT-1Les organisateurs hier soir ont annoncé le temps d’un marathon. Un mail lundi matin annonce que l’absence de Frigide Barjot ne change rien au mouvement, que la Manif partout prend quinze jours de méritées vacances et que la détermination est intacte. Un autre relayé aux collectifs départementaux annonce les trois missions de la manif pour tous : obtenir l’abrogation de la loi, et « si ce n’est dès demain, alors après-demain », soutenir « tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui défendront ces valeurs dans la Cité », en clair les élus et candidats qui prendront position contre le mariage gay, et enfin « se battre pour faire reconnaître la réalité de l’être humain homme ou femme », bref, contre la théorie du gender.

France de Lantivy, responsable de la Manif pour Tous en Loire-Atlantique, nous donne sa vision de l’avenir de la Manif pour Tous : « Il faut demander l’abrogation, non le contournement de la loi. Le temps des manifestations est peut-être terminé ; vient maintenant un temps qui demande plus d’endurance, l’éveil des consciences comme le font les marcheurs. La Manif pour tous peut faire bouger les lignes, et le bipartisme, reconstruire la France autour de valeurs. Des politiques vont être enterrés, parce qu’ils louperont le coche comme les fillonistes ». Des amis de Fillon particulièrement nombreux dans la Loire-Atlantique où ils ont soigneusement torpillé toutes les campagnes de la droite depuis quinze ans et s’apprêtent à massacrer les chances de leur camp aux municipales. Plus encore, pour France de Lantivy, « la loi relance la réflexion sur la République : une vision de celle-ci exclusivement fondée sur la tyrannie de la légalité, même déconnectée du bien commun, est particulièrement vivace en ce moment. Ce qui compte, c’est le juste, le vrai, et la loi Taubira fait apparaître une déconnexion entre la République et le bien commun.

Et maintenant, le Printemps Français ?

Béatrice Bourges

Béatrice Bourges

Nous avons posé la question à Béatrice Bourges, qui a passé la nuit sur les Champs avec les Veilleurs, à partir d’une heure du matin. Ils ont été délogés au petit matin du lundi, vers sept heures. Elle relève aussi que « les gens ont compris qu’il y a un hiatus entre le bien commun et la République. Il faut maintenant continuer les actions partout dans le pays. Les gens sont très déterminés. Il faut aussi, sans se précipiter, constituer une réflexion pour un socle de convictions. Le point central, c’est la transmission. Si en 68, les gens criaient du passé faisons table rase, aujourd’hui, les jeunes veulent construire l’avenir ensemble avec les générations précédentes. »

Le Printemps Français a-t-il une solution toute prête pour mettre à la place des actuels gouvernants, comme ces partis politiques (UMP et FN) qui se proposent eux, à des fins de récupération politique ? Béatrice Bourges, que la violence de certains jeunes hier aux Invalides met « mal à l’aise »,  répond sans détours : « Non, nous ne sommes pas dans l’approche toute-puissante comme l’UMP ou d’autres. A mesure que l’on va tracer le sillon, la solution va se dessiner. Mais cette solution, quelle qu’elle soit, sera hors de tous les partis. »

Manif pour Tous : l’Ouest envoie 160 cars

25 Mai

160 cars et un TGV bourré de manifestants partiront des départements bretons, bas-normands, d’Anjou, du Maine et de Vendée pour la manif de demain, nous annonce-t-on à l’instant. Soit près de 10.000 personnes qui prendront les transports organisés par les collectifs locaux de la Manif pour Tous depuis les départements de l’ouest de la France, les plus énervés par l’attitude des gouvernements passés à leur encontre et les plus tentés par la convergence de toutes les luttes puisque sortir de cette République, c’est s’en sortir.

Rendez-vous commun : porte Dauphine, pour un cortège dont le tracé rappelle pour beaucoup celui de la manifestation de janvier. De nombreux manifestants auront pensé à se munir d’écharpes, de sérum physiologique ou à défaut de citron pour parer aux effets du gaz lacrymogène. Voici un petit guide de remèdes simples à mettre en œuvre  contre l’arme préférée de Manuel Gaz, notre ministre de l’In-terreur. Le point de rendez-vous est l’esplanade des Invalides, où la dispersion est prévue à 20 heures.

Le pouvoir – qui a organisé ce matin une réunion de crise à l’Elysée où l’ambiance était plus à la peur qu’à l’optimisme (eh oui, Hollande et Ayraultbespierre ont… les boules, qui l’eût cru ?), prévoit 4.500 policiers pour encadrer une manifestation qu’il a officiellement chiffré à 200.000 personnes maximum. Une disproportion qui montre déjà que le chiffrage du gouvernement, comme les précédents, est à mettre direct à la poubelle. Demain, le peuple de France parlera. Un des sondages de ces derniers jours donne plus de 60% de la population française opposée à la loi Taubira et à ses conséquences néfastes pour la filiation et la famille.

Printemps français, réveil Breton

25 Mai

Depuis le début de la contestation contre le mariage homosexuel, l’élan est impulsé depuis les territoires de l’ouest de la France, et notamment la Bretagne. Le 24 mars à Paris, ce sont des Bretons et des Normands  qui chargent sous leurs bannières, bravant l’interdit judiciaire, et mettent la manifestation sur les Champs. Depuis, malgré une forte opposition locale des extrêmes de gauche (Rennes), c’est encore en Bretagne, en Anjou, en Vendée et en Normandie que la contestation s’est le plus rendue locale et énergique, convergeant au passage avec d’autres sujets de mécontentement. Pourquoi le Printemps Français a tellement d’écho là-bas et surtout en Bretagne ? Quelques éléments de réponse dans ces territoires bouillonnants, où le vent du changement souffle d’ouest.

 

L’Ouest de la France, plusieurs espaces

24 mars : les Bretons mettent la manif sur les Champs en chargeant derrière leur drapeau

24 mars : les Bretons mettent la manif sur les Champs en chargeant derrière leur drapeau

Avant tout, le Grand Ouest tel qu’il est envisagé par l’administration centrale parisienne et les médias… parisiens ou inspirés de cette vision centralisatrice, n’existe pas. Pas plus que le Grand Est ou le Midi. Il y a donc, sous la couverture, plusieurs espaces. Se détachent nettement la Bretagne – Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Finistère et Côtes d’Armor – mais aussi l’Anjou (Maine-et-Loire), les cinq départements de la Normandie, ceux de la « Basse-Normandie » sont plus concernés, le Maine – Sarthe et Mayenne – et la Vendée. La Bretagne elle-même se subdivise sans perdre son unité entre Haute-Bretagne – Ille-et-Vilaine et Loire-Atlantique, plus industrielles et urbaines – et Basse-Bretagne (le reste). Cette distinction, on va le voir, a aussi son importance.

A la diversité des espaces répond celles des peuples – ici, la diversité intérieure de la France a encore de beaux jours devant elle. La culture bretonne, sauvegardée et même réveillée depuis les années 1970, a repris de la vigueur à mesure que la culture française tombait en désuétude, plombée par les mythes propagés par son propre gouvernement et à la mode anti-française héritée de 1968. Surtout, elle est ici synonyme de résistance, et les douleurs liées aux « interdit de parler Breton et de cracher par terre » sont encore vives. La foi unit les territoires – réveil du catholicisme dans la Haute-Bretagne et le Morbihan, force de la tradition catholique et celtique en basse-Bretagne, en Normandie, dans le Maine et en Vendée, fort arrière-pays catholique et toujours déterminé à défendre sa foi menacée. Par ailleurs, si ces divers peuples et territoires ont été par la voie des fortunes de l’Histoire, dressés souvent les uns contre les autres, ils partagent aussi des élans historiques et sociaux communs.

 

 

Territoires éveillés aux injustices et aux luttes

Massacre des Lucs sur Boulogne (Vendée)

Massacre des Lucs sur Boulogne (Vendée)

Si ailleurs, la République peut signifier libération et « liberté – égalité – fraternité », dans l’ouest de la France, plus qu’ailleurs, République rime avec curés assassinés, colonnes infernales et brimades culturelles ou linguistiques… puis nucléaire ou aéroport de Notre-Dame des Landes. Cette filiation républicaine dans l’injustice et l’imposition de projets –  souvent des choix de société – révoltants a fait des territoires de l’Ouest de la France des endroits réveillés au sentiment d’injustice et en lutte plus ou moins perpétuelle contre les abus du pouvoir central ou de ses relais – notables ou élus.

Premier élan historique commun : les chouanneries. Celles-ci s’étendent en vague de feu à travers toute la Bretagne, une grande partie de la Normandie, le bas Poitou (Vendée et Deux-Sèvres), le Maine et l’Anjou. On a beaucoup dit que les Chouans défendaient Dieu et le Roi ; mais le cœur de leur lutte, c’était surtout la défense de leurs territoires, de leurs familles et de leurs droits contre l’arbitraire du pouvoir républicain et jacobin. Lutte inégale, lutte héroïque, de Savenay au Mans et de Galerne à Cholet, les chouanneries ont donné naissance à un élan historique glorieux dont le souvenir s’est traduit dans les reconstructions du XIXe, les lieux-dits – ainsi de ceux nommés Mortrais, Mortrie ou Galerne – et les croix ou calvaires. En Loire-Atlantique, la croix dite des Vendéens au bourg de Savenay ou celle qui se trouve devant le château de Bruc en Guémené-Penfao rend hommage à ces ancêtres souvent anonymes, héros d’une histoire sanglante et glorieuse, dont la noble révolte a embrasé la France et donné aux peuples de l’Ouest de la France un inconscient historique où la lutte est devenue un possible, et une juste alternative lorsque le pouvoir jacobin dépasse les limites de l’acceptable.

Les années ont passé, les peuples et territoires de l’ouest de la France se sont fondus sous la bannière républicaine et française, mais l’inconscient historique, plus fort qu’ailleurs, continue de parler. Des projets qui passeraient ailleurs en France, comptant sur le suivisme et l’esprit moutonnier des populations, bloquent ici. Et au contraire, suscitent le rejet et la lutte. Deux exemples récents s’il n’en est de la profonde aversion des gens de l’ouest – et surtout des Bretons – contre l’injustice et l’avenir qu’on leur impose depuis Paris : la ligne THT et l’aéroport de Notre-Dame des Landes.

Appel à saboter le chantier de la THT Cotentin-Maine

Appel à saboter le chantier de la THT Cotentin-Maine

Le chantier de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine fut loin d’être sans tensions pour RTE. Longue de 163 km à partir de Saint-Sébastien-de-Raids (Manche) dans le sud du Cotentin jusqu’à Beaulieu-sur-Oudon (Mayenne), cette ligne électrique supportée par 414 pylônes, aura selon RTE coûté au total 343 millions d’euros. Elle traverse 64 communes dans quatre départements (Basse-Normandie, Maine, Haute-Bretagne).  RTE et l’Etat sont passés sur le ventre des communes, la très grande majorité des recours et des arrêtés municipaux contre la ligne ont été cassés ou rejetés. A Chefresne, l’oppression a été particulièrement violente : la commune avait interdit les travaux en invoquant la Charte de l’Environnement (à valeur constitutionnelle), et avait été suivie par 45 communes sur les 64 traversées par la ligne. Fortes pressions contre les agriculteurs, mairies achetées par des subventions distribuées avec RTE – près de 100 millions d’€, un tiers du budget de la ligne, oppression des forces de l’ordre sont le quotidien  des habitants de la Manche proches de la ligne. A Chefresne même, le maire opposant à la ligne avait été placé en garde à vue, et les policiers qui voulaient déloger les habitants opposés au projet et installés sur le lieu du chantier ont utilisé des grenades assourdissantes. Bilan : 25 blessés. La ligne est passée, mais la Manche est en colère d’observer ses paysages en ruine, et d’être la poubelle nucléaire et électrique de l’Ouest de la France.

Un autre projet n’est pas passé sur le ventre des Bretons, mais après de lourds combats et de nombreuses illégalités commises par les pouvoirs publics sur place ; l’Europe et l’avis des scientifiques ont fini par sauver cette zone humide du cœur de la Loire-Atlantique, en Bretagne. Il s’agit de l’aéroport Notre-Dame des Landes (NDDL), le projet chéri du Premier Ministre Ayrault. L’abus de pouvoir est au pouvoir. Le 16 octobre 2012 les forces de l’ordre lancent l’opération César  pour déloger les habitants de la ZAD – l’aire prévue pour l’aéroport. Contre toute attente, l’opération s’enlise. Face à 1500 policiers surdéterminés et très armés, les zadistes résistent et mettent tant le terrain que le temps (pourri) à leur profit. Les bombes de gaz lacrymo et les grenades assourdissantes pleuvent sur le bocage, les blessés s’accumulent, mais la résistance paie : Notre-Dame des Landes ne tombe pas, et avec l’aide des paysans du cru, les résistants défont la nuit l’ouvrage abattu par les policiers le jour et tissent sans cesse leur réseau de barricades et de cabanes.

NDDL assiégée par les gendarmes mobiles et les CRS le 31 octobre 2012

NDDL assiégée par les gendarmes mobiles et les CRS le 31 octobre 2012

Début novembre, le pouvoir part de NDDL dans l’espoir de faire oublier son monumental raté. Il est bien aidé par les médias mainstream. C’est le black-out médiatique total. Pendant la première semaine des affrontements, seuls quelques uns couvrent les événements. Votre dévoué serviteur dans le Flochington Post puis BreizhJournal, Mediapart, Le Monde trois jours après en même temps que Reporterre, la radio Paris et Banlieues et RennesTV, 7 Seizh (qui se borne à recopier la chronique des événements tenus par les zadistes) et le Télégramme à la fin de la semaine. Mais le tumulte de Notre-Dame des Landes déferle sur le monde quand même, les Bretons s’engagent. Chansons, comités de soutien – près de 200 essaimeront dans toute la France, péages et permanences PS bloquées, Notre-Dame des Landes réveille la Bretagne et la paysannerie  et le jour, on peut voir de nombreuses voitures immatriculées de tous les départements bretons sur la ZAD. La lutte fait écho à une autre, enfouie mais non oubliée – celle des Bretons contre le nucléaire. Plogoff, bien sûr, mais aussi 30 ans de combat contre les projets nucléaires  imposés par l’Etat à l’ouest de Nantes, au Pellerin et au Carnet. A l’époque, 89 comités de soutien avaient essaimé dans toute la France et l’Etat avait essayé d’acheter les communes à coups de millions sans parvenir à canaliser l’indignation des citoyens.

En novembre, il y aura d’autres affrontements. A la fin des fins, le 24 novembre, suite à une opération d’expulsion illégale et de nombreux blessés, les forces de l’ordre se font éjecter de la ZAD par les paysans  et une manifestation spontanée de 8000 personnes assiège la préfecture, de nombreux drapeaux Bretons flottent sur Nantes. C’est là que le gouvernement annonce que les travaux de défrichage seront repoussés de six mois, le vent commence à tourner pour NDDL. Mas le retrait progressif des forces de l’ordre, puis l’enterrement du projet par les scientifiques et l’intervention européenne  ne peuvent faire oublier les nombreuses étrangetés.

medium_presseDans le désordre, pratiques journalistiques pour le moins bizarres   des médias dominants (Ouest-France et l’AFP), notamment autour de  l’agression du vigile, forces de l’ordre qui se conduisent comme des troupes en pays occupé, dégradant les biens et le matériel  des habitants, mais aussi dénis de justice. Au sujet du blocus préfectoral opéré sur deux communes de la ZAD depuis début décembre  par exemple. En décembre, la justice fait encore mieux : se mettant au service des matraques (ah, l’indépendance des magistrats !) elle délivre une ordonnance d’expulsion pour la Châtaigne, un lieu symbolique de la lutte, ce village de cabanes construit à partir de la manifestation de réoccupation du 17 novembre sur un terrain au cœur d’un imbroglio judiciaire. Seul problème : l’ordonnance est juridiquement nulle  et deux fois en plus. Cela mériterait un affichage sur le « mur des cons« , n’est-ce pas? Enfin, lorsque les scientifiques mettent un coup d’arrêt au projet d’aéroport  et que le Comité national de protection de la nature (CNPN) chargé de délivrer les autorisations d’atteinte aux zones humide et de transfert des espèces naturelles protégées, refuse de valider la poursuite des travaux,  là encore, les médias dominants se font très discrets et refusent de faire connaître la nouvelle. Si bien qu’une partie de la population ignore que le projet d’aéroport est complètement dans les choux. Pourquoi cette pudeur journalistique ? Parce que le rapport des experts met en lumière le fait le plus dérangeant : le projet d’aéroport est illégal depuis cinq ans en droit européen et quatre en droit français. Ainsi le gouvernement, de nombreux élus (PS et UMP principalement), Ouest-France, l’AFP, Libération, Le Figaro, les institutions de la police et de la justice, et quelques tribunaux ont tous participé à un délit voire un crime contre l’environnement. A une tentative tout au moins, dument préméditée. Comme si l’Etat soutenait le vol ou le viol.

une Bretagne réunie qui dit non à l'aéroport

une Bretagne réunie qui dit non à l’aéroport

Mais le mal est fait. Secteur du plus grand maillage des comités de soutien, l’ouest de la France s’est réveillé et si ses habitants ne soutiennent pas toujours la lutte, du moins sont-ils au courant qu’un peuple de boue a fait flancher le gouvernement de là-bas, loin, à Paris. Et que les gendarmes mobiles ont du reculer, vaincu par la détermination des Bretons et par leur temps. C’est l’exemple d’un peuple debout qu’ils reprennent, lorsqu’ils font assaut d’inventivité et d’actions coup de poing pour montrer leur opposition ferme à la loi Taubira, qui pour le coup passe sur le ventre à une société entière. L’ouest de la France compte ainsi des plus départements les plus actifs contre le « mariage pour tous », qui désorganise complètement le droit de la famille et de la filiation en France. La Manche, la Loire-Atlantique ou l’Ille-et-Vilaine rivalisent ainsi d’activisme. Plus généralement, la Haute-Bretagne (35, 44) suivie du Morbihan, où s’est réveillé le catholicisme Breton, et l’ouest intérieur, du Maine à la Vendée en passant par la Basse-Normandie où il y a en plus des élus opposés à la loi comme Philippe Gosselin. Avec le seul député de droite de Basse-Bretagne Marc le Fur, il est à la pointe du combat déterminé des gens de l’ouest contre la loi. Pourquoi une telle résurgence de la chouannerie ? Peut-être parce que ce sont avant tout des régions seules qui se retrouvent ensemble pour lutter, éveillées à la contestation sociale et à l’union par des refus contre de grands projets qu’on a trop vite catalogué « à gauche » ou « alter-mondialiste » voire « anarchiste » quand ils étaient surtout les manifestations de volonté du peuple, de la majorité qui en avait assez d’être silencieuse.

 

Des régions seules face à la crise, mais solidaires

la_lutte_continueDepuis six ans, la crise s’acharne sur l’ouest de la France. Cœur économique et culturel de ces territoires, les deux départements de Haute-Bretagne résistent, mais à quel prix ? Plusieurs milliers de postes supprimés à Chartres de Bretagne (PSA), dans la sous-traitance, les chantiers de Saint-Nazaire sauvés de justesse (et pour de bon) après avoir été dans un pétrin inconnu depuis les années 30  par son ampleur. S’ajoutent à cela le krach d’une partie de Doux en Basse-Bretagne (Morbihan, Finistère, Côtes d’Armor), l’entreprise ayant du affronter en plus l’hostilité du pouvoir politique républicain et de ses relais (médias et syndicats) attitrés et subventionnés (1 milliard d’€ par an pour la presse, quatre pour les syndicats). Hors de Bretagne, ce n’est guère mieux. Dans une France qui perd maintenant une usine par jour alors qu’elle en perdait une tous les trois jours en 2005, les territoires de l’Ouest sont soumis à rude épreuve et craquent peu à peu. Ecrasées d’impôts imposés par Paris, piégées sous l’avalanche législative et normative, ou la boulimie d’arrêtés de ministres qui se savent sur un siège éjectable et qui ne savent plus quoi faire pour montrer leur existence, les entreprises n’en peuvent plus, d’autant plus que le pouvoir ne les aide pas. Les subventions, c’est pour les territoires qui votent bien. Une petite ville comme Bessé-sur-Braye, aux confins du Maine, du Dunois et du Vendômois, témoigne du malaise. Quatre entreprises y ont fermé ces derniers mois, une centaine d’emplois ont été rayés de la carte dans ce centre industriel isolé. De plus en plus de bourgades deviennent de nouveaux Vierzon. Face au désastre économique dont le pouvoir central parisien porte une part importante de responsabilité, il reste encore la solidarité.

Ainsi en Bretagne, AMAP, jardins et garages solidaires prospèrent. La plus grosse SCOP (société ouvrière participative) de France produit des tuyaux à Périers, en Manche. En Loire-Atlantique, sur 221 communes, il y a 108 AMAP, et le covoiturage ne s’est jamais aussi bien porté qu’en Bretagne. Notre génération est l’aboutissement d’une précédente qui a sacrifié sur l’autel d’une modernité imposée la plupart des liens sociaux traditionnels – famille, paroisse, communauté villageoise, de quartier ou de peuple – qui structuraient la société et lui donnaient de la résistance contre la crise. En Bretagne où ces liens sont moins distendus et mieux conservés qu’ailleurs, la solidarité devient une nouvelle société, débarrassée du désenchantement post-moderne.

Et de proche en proche, ce modèle social rajeuni où la Bretagne sacrifie à son destin historique – slalomer depuis cinq siècles entre les édits français et depuis 225 ans entre les coups de matraques républicains – se propage vers des départements reconnus comme plus calmes et plus suivistes. Mais à tous ces gens là, la crise avait encore laissé leur famille. La loi Taubira l’abat, et propulse contre leur vouloir un changement de civilisation profond porteur de plus de dangers que de libertés nouvelles. Avec l’adoption et le mariage homosexuels, c’est le modèle de la famille naturelle qui est définitivement mis en péril, avec une mortifère déconnexion entre la loi des hommes et la vérité naturelle. Avec la PMA et la GPA, les femmes pourront vendre leurs enfants à autrui, le commerce d’humains sera autorisé et le ventre des femmes pauvres sera un bien de commerce à disposition des bobos de Paris, des Pierre Bergé et d’autres qui achèteront des bébés comme d’autres des pommes au marché.

L’action des comités locaux – enfin départementaux – d’opposants répond au besoin d’expression solidaire particulièrement fort des habitants de l’ouest de la France. Ensemble, ils découragent les ministres de venir dans les départements – comme Najat Vallaud Belkacem  à Nantes ou Benoît Hamon en Manche (qui annule les 3/4 de son déplacement à la dernière minute dans l’espoir de leur échapper), ensemble ils se font gazer parfois en pleine gare  ou ridiculisent les forces de l’ordre en Sarthe; et partout, leur action collective met en lumière la déconnexion entre la majorité des élus républicains et le peuple. Injustifiable devant les grands projets, ce grand écart entre les notables de la politique, le nouveau pourcent de super-privilégiés, et les 99% du reste du peuple devient intolérable dans un tel changement social, impulsé par une élite super-minoritaire et très lointaine qui loin de faire aspirer à l’élévation par la condition ou par le savoir, pousse à l’abîme. La saine révolte contre la tyrannie du néant fonde cette nouvelle chouannerie que connaissent les territoires maintenant bouillonnants de l’ouest de la France et qui de proche en proche se propage vers des départements reconnus pour leur calme, comme le Loiret ou le Loir-et-Cher.

 

Pourquoi le pouvoir perdra ?

Le comité de soutien creusois contre l'aéroport dit non à Ayrault et ses projets inutiles

Le comité de soutien creusois contre l’aéroport dit non à Ayrault et ses projets inutiles

Face au succès populaire de la Manif pour Tous ou du Printemps Français, le pouvoir menacé met en œuvre les mêmes moyens que contres les opposants à Notre-Dame des Landes. Dictature légale, avec l’interdiction proposée du Printemps Français (il sera difficile de mettre aux arrêts un site internet, une mailing list et quelques communiqués), justice aux ordres qui interdit les Champs Elysées à la manifestation du 24 mars. Police chargée de faire subir les affres de la garde à vue et du gaz lacrymo à des curés, des familles  et des manifestants pacifiques. CRS qui molestent des jeunes désarmés qui veillent en chantant et en priant. Trucage bête et méchant des photos de la manifestation du 24 mars  pour justifier les chiffres ridiculement bas annoncés dès avant la manifestation par le ministère de l’Intérieur. Sans oublier les amalgames et les non-dits d’une presse aux ordres, qui fait à l’égard de la Manif pour Tous et du Printemps Français la même censure légale que celle qui était dirigée contre les zadistes, en passant sous silence les voies de fait des forces de l’ordre et du pouvoir, ou en relayant avec connivence et complaisance les informations distillées par le pouvoir et ses barbouzes. Entre déni et coups de matraque, la république des ripoux applique les mêmes moyens qui ont fait faillite contre les opposants de Notre-Dame des Landes ou du nucléaire. Et ce sont les Bretons, habitués aux luttes sociales et à la tyrannie légale d’une République qui a justement commencé à être illégitime et sanglante sur leur terre, qui déminent et désarment ces derniers soubresauts d’un régime à l’agonie. Le pouvoir perdra tout simplement parce que le peuple en a marre, et que les Bretons en ont plus que marre.

bretagne-anti-sarkoPourquoi ils en ont plus qu’assez ? Déjà parce que ça fait six ans que le pouvoir central ne s’occupe des Bretons que pour les insulter ou les accabler d’impôts. Les « cons » que ne voulait pas voir Sarkozy et les « kystes » juste bons à avaler l’Ayraultport et dire merci, ce sont les mêmes. Insultés parce qu’ils ont un avis diffèrent. La liberté, l’égalité et le droit français ne s’appliquent pas à eux, parce qu’ils pensent différemment, ils sont donc des citoyens de seconde zone pour le pouvoir parisien. La Bretagne s’est livrée à la gauche mais est en train de basculer, sans pouvoir cependant trouver d’alternative. Elle n’a pas la fibre extrémiste – de gauche ou de droite, ses indépendantistes n’ont jamais su lui parler ni se structurer efficacement  et la droite y défraie plus la chronique par son incapacité politique notoire  ou ses petits arrangements entre amis  que par ses propositions politiques.

Les Bretons n’ont pas non plus le recours au FN pour canaliser leur colère – ce n’est pas dans leurs habitudes, et le fait que le FN soit devenu un grand parti laïc dirigé par des gens qui font tout ce qu’ils peuvent pour faire oublier leur extraction bretonne choque leur inconscient historique, religieux et communautaire, qui, comme nous l’avons dit, est bien plus important et moins refoulé qu’ailleurs. Ces peuples de l’ouest très pro-européens, qui ont imposé Maastricht à la France en 1992 et voté massivement pour la Constitution Européenne en 2005 ne se retrouvent pas dans le repli dirigé contre l’Europe et impulsé en sous-main par un pouvoir parisien affolé de perdre son contrôle sur le pays.

Sans compter que la Haute-Bretagne – et même d’ailleurs les villes du reste du territoire Breton supportent comme elles peuvent une explosion de l’immigration – qui augmente deux fois plus vite  qu’en France sur les dix dernières années. Un changement social d’importance qui là encore se fait dans le déni des élus socialistes, quand ils ne l’encouragent pas, vu que les « cités » votent bien. Bref, la Bretagne qui affronte seule la crise n’a plus envie d’être raisonnable, tant le ras-le-bol est criant. Le réveil social et politique de ses habitants – d’origine ou nouveaux – rejoint un réveil de la pensée politique et une nécessaire convergence des luttes.

Mais les amalgames et les silences arrangeants de la « grande presse » subventionnée par l’Etat sont de plus en plus battus en brèche par les médias du Printemps Français, comme la Table Ronde, Nouvel Arbitre  ou le Rouge et le Noir.  Ainsi que des blogs de réinformation comme celui de Fikmonskov. Les deux derniers font d’ailleurs souffler une rafraîchissante brise d’ouest sur l’information française : le blog de Fik est de la Manche tandis que le Rouge et le Noir est impulsé depuis Vannes. S’y ajoute le très actif blog franco-breton des veilleurs de l’aube, Gedourion ar Mintin  lui aussi implanté dans le Morbihan et qui participe à la reconstruction d’une pensée bretonne et catholique nouvelle et autonome.

Pourquoi la Bretagne est tellement en pointe dans la ré-information ? Sans doute aussi parce que cette région hyper-connectée, mieux formée  et plus résistante aux méthodes scolaires catastrophiques telles que la méthode globale, véritable entreprise d’abrutissement massif du peuple, ne s’accommode pas de la médiocrité et de l’information prémâchée pour des citoyens élevés en batterie comme des poulets. En revanche, les Bretons se retrouvent très bien dans une lutte qui fonctionne beaucoup par les réseaux sociaux et les SMS, et qui doit à cette hyper-connexion une part non négligeable de son succès. Comme d’ailleurs la mobilisation contre l’aéroport. A partir du moment où les paysans et les zadistes pouvaient faire venir près de 1000 personnes devant les policiers en deux heures chrono, cette rapidité de mobilisation faisait de l’Ayraultport un Ayraultflop. Si bien que les pouvoirs publics auraient récemment tenté de pirater en masse des comptes Facebook  de militants de tous horizons… mais surtout Bretons et parisiens.

 

La nécessaire convergence des luttes

resistLes Bretons s’ébrouent, et ce réveil séculaire forme une nouvelle et nécessaire convergence des luttes et des mécontentements. Loin des anathèmes des idéologues ou des politiques, qui prétendent réduire la Manif pour Tous et le Printemps Français à quelques extrémistes, ce qui est aussi ridicule que de résumer l’ensemble de l’Empire Romain à Néron ou Caligula. Les anarchistes autonomes ou les extrêmes de gauche ultra-minoritaires à Notre-Dame des Landes bien qu’ils fassent beaucoup de foin ont beau fulminer contre les « fachos », à l’unisson de Valls, des activistes LGBT ou d’Ayraultbespierre, ils ne peuvent empêcher la réalité. Le 24 mars, dans le petit groupe de Bretons et de Normands  qui, courant derrière de grands Gwen ha Du, ont mis la manif sur les Champs, il y avait à mes côtés des agriculteurs du centre du Morbihan qui pensaient très, très fort à Notre-Dame des Landes pendant qu’ils chargeaient.

Pour l’heure, les indépendantistes Bretons politiques sont dans la même attitude que les socialistes français : le déni. C’est à la mesure de leurs plus grands points communs : l’obsolescence. Et finalement, l’insignifiance. Il est pourtant grand temps de réinventer une pensée bretonne enfin en phase avec son peuple et avec son histoire. Cela arrivera sans doute bien plus vite que l’on peut le penser. Pendant ce temps, le Printemps Français dispose de points d’appuis importants dans les deux capitales Bretonnes. Pourquoi ? Tout simplement parce que de tous les Français, les Bretons sont le plus attachés à l’idée France, à la diversité intérieure de la France éternelle, celle d’avant la République – et qui lui survit tant bien que mal – celle qui parle plusieurs langues et brille de mille facettes et de ses dizaines de peuples et de cultures intérieures, mais qui est capable de porter au monde une voix différente et sensée. Ce vieux pays si fatigué des guerres, mais capable des plus belles fulgurances. Les Bretons partagent plus de cinq siècles d’histoire commune avec la France, et que de glorieux élans communs depuis qu’à Orléans, Guyenne et à Formigny, des troupes bretonnes ont aidé les français à bouter hors les anglais !

Le Printemps Français, c’est aussi le réveil d’une France que l’on croyait abrutie et oubliée. Ce sont des peuples en marche derrière leurs drapeaux, symboles de leurs diverses identités au vent, unies derrière un commun faisceau de volontés : un pays, la France. Une multitude d’identités sur lesquelles la République avait tiré un trait, se confondant, se substituant à la France dans la propagande scolaire. Le Printemps Français rappelle avec force que la France, c’est bien plus que la République, et qu’il y a là une chance historique d’en finir avec la négation des peuples français. Depuis l’arrivée au pouvoir des socialistes, les « faits divers »  nantais (pères sur les grues, lutte contre l’aéroport, chômeurs qui s’immolent) traduisent le mal-être puissant d’un peuple las d’être ignoré et qui interpelle le pays tout entier. Dimanche, cette convergence en cours de formation sera à Paris, parce que même si la France a changé en 225 ans, une chose n’a toujours pas changé : les Révolutions se font toujours à Paris. Et c’est là-bas que, conformément à leur Histoire, les Bretons seront encore, derrière leurs bannières, à la pointe de la lutte. Parce que plus que tout le monde, ils ne lâcheront rien. Parce que, surtout, le 24 mars, il s’est passé quelque chose d’étrange et d’exceptionnel. Sur les Champs, au milieu des nuées de gaz lacrymo, une flamme de résistance s’est levée, et celle-ci ne doit pas s’éteindre, elle ne s’éteindra jamais.

Les partisans de la réunification et les opposants à l’aéroport protestent à l’occasion du forum des Droits de l’Homme à Nantes

22 Mai
Voilà de quoi rassembler les uns et les autres : une Bretagne réunie qui dit non à l'aéroport

Voilà de quoi rassembler les uns et les autres : une Bretagne réunie qui dit non à l’aéroport

Comme chaque année, le forum des Droits de l’Homme à Nantes ne sera pas un long fleuve tranquille, puisque les partisans de la réunification bretonne ont pris l’habitude d’exprimer leur mécontentement dans et autour de la manifestation, et n’ont pas décidé de désarmer cette année. Par ailleurs, aux mécontents devraient se joindre les opposants à l’aéroport de Notre-Dame des Landes, Ayraultport notoirement dans les choux.

Ainsi, les partisans de la Bretagne plus unie et plus forte organisent deux rassemblements devant la cité des congrès de Nantes ce soir, mercredi 22 mai à 17h pour le début du Forum et le 24 mai à 18h pour la fin du Forum. Ils souhaitent protester contre la récupération de la manifestation nantaise par les Pays de Loire, que l’amputation de la Bretagne est « contraire aux Droits de l’Homme et à la démocratie », et enfin qu’en continuant de nier la diversité intérieure de la France, « l’Etat tue nos langues ». Le second rassemblement (le 24 mai) est consacré plus spécifiquement à la reconnaissance du Breton et appelle le gouvernement à ratifier la Charte Européenne des langues minoritaires.

De leur côté, les opposants à l’aéroport font circuler un appel intitulé « contre l’aéroport et son monde vert… kaki » qui comme son nom l’indique veut s’opposer à la technocratie, au militarisme et à l’affairisme des classes dirigeantes capitalistes. Le rassemblement est prévu… à 17h le 22 mai devant l’arrêt de bus « Cité des Congrès ». Du monde il y aura ce soir ; mais les participants, de l’un comme de l’autre côté, ne seront pas dupes. Laissons le dernier mot aux opposants à l’aéroport : « Ce forum mondial des droits de l’homme est pour nous à peu près aussi crédible qu’un aéroport haute qualité environnementale.»

Documents :

 

Tract Bretagne Réunie pour le 22 mai

Appel au rassemblement du 24 mai (langues minoritaires)

Casino au fond de la ria à Pornic : Boënnec partouché-coulé ?

20 Mai

#OpMagouilles S’il y a un sujet qui fait du reuz – du bruit – à Pornic, charmante station balnéaire de l’extrême-sud de la Bretagne blottie sous son petit château qui constituait jadis une pièce maîtresse de la défense bretonne, c’est bien l’aménagement de la ria, cette extrémité du canal de la Haute-Perche dont personne n’a vraiment jamais su que faire. Avant que n’apparaisse l’actuel projet municipal, qui ne préconise rien de moins que l’urbanisation complète de cette vallée inondable, le reculement de la gare et le déplacement du casino vers le fond de la ria.

Un projet crucial pour les municipales

Déménagement du casino (Partouche) qui fait l’objet de nombreuses critiques – les détracteurs soulignent que le casino cessera d’apporter des clients au centre-ville, ou encore que la mairie y perdra le loyer que le casino lui verse actuellement – et qui par contrecoup est devenu un enjeu électoral majeur pour le maire (UMP) Philippe Boënnec dont la stature a décliné et l’exécutif est peu à peu miné par l’usure du pouvoir. Le maire était jadis député du Pays de Retz et s’était illustré aux législatives en se faisant soutenir par le FN  pour espérer faire barrage aux socialistes. En Bretagne, ça ne se fait pas et c’est peu dire que les électeurs n’ont pas apprécié, bref, le maire de Pornic s’est fait éjecter fissa de sa circonscription au profit des socialistes, et ce sous les projecteurs des médias nationaux en plus, puisqu’il était l’un des rares députés UMP – le seul dans la moitié ouest de la France – à avoir rompu le « front républicain » pour se faire soutenir ouvertement par le FN.

Un PPP aux perspectives floues

ria-1

Vue de la ria depuis le port

L’urbanisation de la ria était à l’origine une idée émise par Gilbert Pollono, maire dans les années 1980, et qu’il n’avait pu mettre en œuvre faute de consensus dans la population sur la question. Malgré les critiques et un recours d’une association locale de protection du patrimoine contre la révision du plan local d’urbanisme mettant en œuvre le projet d’urbanisation de la ria, la mairie et la société d’équipement de Loire-Atlantique (SELA) font avancer le projet, découpé en six îlots. L’un d’eux sera occupé par un jardin botanique aux débouchés du canal – en cours de construction ; des permis ont déjà été accordés sur un autre îlot; nous y reviendrons bientôt. Un dernier (le n°5) est réservé au casino, qui devrait être un « Pasino » : un partenariat public-privé (PPP) entre les collectivités publiques et Partouche pour bâtir un casino « augmenté » d’un pôle de loisirs comme celui de Saint-Amand les Eaux. Au menu : résidence touristique et hôtel pour Pornic, ainsi que plusieurs commerces. Tout cela nécessite de gros investissements et finit par doubler voire tripler la masse salariale des établissements, des données non négligeables en temps de crise. Autour de la ria, la spéculation continue de plus belle, avec en première ligne le quartier du Chabut et la rue du Canal; nous en parlerons bientôt aussi.

Le casino nouveau pourrait être au fond de la ria, à gauche

Le casino nouveau pourrait être au fond de la ria, à gauche

Les soutiens du projet s’appuient sur les jeux en ligne, le parking payant à Pornic, l’interdiction de fumer dans les lieux publics et la baisse du pouvoir d’achat pour justifier la nécessité de faire le Pasino. L’opposition (PS-EELV-Front de Gauche) estime qu’un projet fondé sur des facteurs « invariables », déconnectés de l’emplacement du casino, n’est pas viable et l’allume à vue, contestant le prix des études (200.000 € votés cette année par la ville) et l’absence d’études de marché et de prospective. Une accusation qui comporte une bonne part de vérité : la ville s’engagerait quasiment à l’aveuglette avec un groupe – Partouche – en très forte difficulté financière. La holding du groupe a été placée en procédure de sauvegarde début 2013  et le groupe commence à tailler dans ses activités, abandonnant par exemple le poker en ligne. Pour calmer les inquiétudes, la mairie avance que le Pasino versera 1.337.000 € annuels dans les caisses de la ville, un montant semblable à l’actuel. Cependant la baisse constante et régulière du produit brut des jeux (base de la redevance) dans tous les casinos de France et les difficultés suscitées contribuent à tempérer cet engagement.

Black-out à la mairie, gêne au casino et pas de tuyaux sur le chantier

Sur le chantier, les ouvriers qui posent les réseaux et aménagent le jardin botanique, indifférents aux tensions politiques et aux manœuvres de couloir, se tordent de rire. Sur le terrain – on est en plein dedans, avec force ornières et tas de gravats – la situation est claire : « le casino ne se fera pas », nous explique-t-on unanimement et résolument. La faute à la crise, mais aussi à des autorisations qui n’auraient pas été obtenues. Un tuyau sur le terrain : leur absence, justement. Des ouvriers ont posé les réseaux sur l’ensemble de la ZAC – on les installe toujours au début, pour éviter de creuser des dizaines de fois, surtout dans un milieu naturel sensible. Or, de tuyaux sur l’îlot 5, celui du casino, il n’y en aurait aucun. Signe qu’au contraire des buses et autres câbles, le projet serait enterré.

Du côté de la mairie, c’est le black-out total et là aussi unanime, puisque ni l’édile ni son équipe ne souhaitent ni confirmer, ni infirmer l’information. Le groupe Partouche n’est pas plus transparent et renvoie à la mairie ; cependant entre les lignes un soulagement est perceptible : au vu de la situation financière, ce n’est vraiment pas le moment d’investir des millions d’€ dans un PPP aux retombées loin d’être assurées, même pour l’investisseur privé. D’habitude, pourtant, ce sont les investisseurs publics qui boivent le bouillon dans les PPP, dont l’hôpital d’Evry est le coûteux symbole tant le mécanisme des PPP peut être résumé par cette formule adaptée à l’origine aux privatisations en Russie ou aux plans de sauvetage des banques « nationalisons les pertes, privatisons les profits ». Des prisons au métro londonien, le PPP est devenu un synonyme de dérapage financier et d’escroquerie, tant et si bien que Bercy et le cabinet d’Ayrault essaient maintenant de limiter drastiquement les recours aux PPP pour les projets menés par l’Etat. Ainsi, tous les PPP ou presque – notamment plusieurs chantiers de prisons – ont sauté à l’arrivée d’Ayrault au pouvoir. Message transmis aux collectivités locales… et qui peine visiblement à être reçu à Pornic, citadelle UMP. Pasinormal, t’es un maire UMP, tu ne fais pas recours aux PPP, non mais allô quoi !

russian-rouletteDu côté du casino pornicais, en revanche, l’on se montre plus prolixe. « Il n’y a a aucun engagement », explique la directrice, qui affirme « qu’aucun fond spécifique au déménagement n’est dans le budget actuel du casino. C’est un projet, point ». Une information confirmée par un ténor de la société civile pornicaise – qui préfère rester discret – et qui nous explique les dessous du projet : « il n’y a quasiment aucun cadre juridique, sinon une lettre d’intention de chacune des parties, qui ne les lie pas si pour une raison ou une autre le projet ne vient pas à se faire. » Alors pourquoi tout ce tintouin pour une lettre d’intention ? « Parce qu’il en va du futur politique de M. le maire… il s’est tellement engagé pour le projet que s’il était retardé ou enterré, il serait évidemment mis en péril aux municipales ». La gauche s’y voit déjà, à l’Hôtel de Ville, tandis que la rumeur se fait insistante sur la possibilité d’une liste centriste de droite soutenue par l’UDI. En misant sur le déménagement du casino, Philippe Boënnec aurait-il joué à la roulette russe ? Réponse en 2014.

Polynésie : l’ONU sanctionne le déclin de la France

18 Mai

Ce matin, la « grande presse » française bouillonne. L’ONU s’est permise de mettre la Polynésie dans la liste des territoires à décoloniser, la France a immédiatement réagi en dénonçant « l’ingérence » et l’irrespect du choix électoral des Polynésiens – en faveur de Flosse, opposé à l’auto-détermination. Mais au-delà de l’écume des réactions politiques et journalistiques – diffusées par l’agence de presse d’Etat, l’AFP – l’affaire polynésienne marque la fin d’une époque. Autopsie d’un déclin éclair.

La France traitée comme elle traite les faibles

superdupondLa décision de l’ONU renverse les tables. D’habitude, c’est la France qui, depuis le conseil de sécurité ou de son piédestal de « pays des droits de l’Homme », se permet des ingérences caractérisées, théorisant la guerre humanitaire pour s’immiscer sans ménagement dans les affaires serbes, libyennes ou maliennes, sans égard ni pour la volonté de ces peuples, ni pour les règles basiques du droit international. En revanche, elle est d’une extrême discrétion pour les ratés, sinon les dérapages des Etats-Unis ou des Anglais envers leurs propres minorités, et, depuis le déclin de son économie, envers ceux des pays du Golfe, de la Russie ou de la Chine. La politique qui domine est brutale : c’est celle du pur rapport de force, de puissant à faible, de seigneur à vassal, de libre à dominé. C’est pourquoi la décision de l’ONU est si douloureuse : la France se retrouve confrontée à ses manquements, bref, traitée comme une partie faible, comme un pays du tiers monde auquel on ne pardonnera plus aucun faux pas. Une « puissance de taille moyenne » forcée de se soumettre ou de se démettre face au gouvernement mondial.

Un cas exprime tout l’odieux de la relation de la France et des peuples qu’elle prétend aider, sous couvert d’humanitarisme, de francophonie ou de solidarité : le Mali (et plus largement les pays sous l’ombrelle française, ceux qui subissent les affres de la Françafrique). Dernièrement, le gouvernement qui a donné l’ordre d’une intervention à l’étranger tant coûteuse (près de 2 millions d’€ par jour) que sans grand intérêt tant pour la France que le Mali, est allé jusqu’à annoncer de son propre chef la date des prochaines élections générales dans le pays, se substituant aux organismes et instances maliennes théoriquement chargées de le faire. La France traite donc le Mali comme le 102e département français. Au mépris de la volonté du peuple malien – ou plutôt de ses diverses composantes – qui ne se sont pas « décolonisées » il y a un demi-siècle pour se retrouver dans cet état. Ce traitement se retrouve dans d’autres pays où des dirigeants corrompus, affairistes et dictateurs sont artificiellement maintenus par la France (Tchad, Sénégal…) ou défaits (Côte d’Ivoire) pour permettre à quelques grandes entreprises – c’est-à-dire aux proches des gouvernements français successifs) de piller des marchés captifs.

 

1963-2013 : La fin d’une époque

Bref, la décision de l’ONU n’apparaît pas comme une injustice, bien au contraire. Nous nous étonnons seulement de la mansuétude des institutions internationales jusqu’alors envers un pays en phase de déclin grave et accéléré, plongé dans une crise tous azimuts. La décision de l’ONU apparaît comme un coup de tonnerre. Elle n’est cependant qu’un retour à l’ordre des choses. Comme le rappelle dans le compte-rendu officiel  le représentant des Iles Salomon, « la Polynésie française avait été inscrite en 1946 sur la liste des Nations Unies, en même temps que la Nouvelle-Calédonie, mais en avait « curieusement » disparu en 1963, et ce, sans l’aval de l’Assemblée générale ». 1963, comme c’est curieux. Trois ans après le premier essai nucléaire française (13 février 1960), un an après l’indépendance de l’Algérie, et surtout au moment même où De Gaulle, débarrassé de ce qu’il appelait le « boulet algérien » qui l’obligeait à des sujétions et limitait ses marges de manœuvres, lance le cœur de sa politique d’indépendance nationale : refus de soumission à l’un ou l’autre des blocs, main tendue à l’URSS, force de dissuasion nucléaire indépendante, retrait progressif de l’OTAN, construction d’un bloc de pays obligés, tant par le lien de la langue que ceux de l’argent. 1963, c’est l’époque de la consolidation de la Françafrique et de la bombe nucléaire, deux atouts qui encore près d’un demi-siècle après constituent les deux raisons pour lesquelles les Etats-Unis ménagent la France, comme le révèle la fuite des télégrammes diplomatiques fin 2010. Quatre ans plus tard, les puissants pardonneront l’ingérence caractérisée de la France dans les affaires canadiennes, le « vive le Québec libre ! » lancé par de Gaulle, tout simplement parce que la France aura gagné sa place parmi les forts, ceux qui ont droit de fouler les autres et à qui tout est permis. Les seigneurs du monde.

Si en un demi-siècle les atouts majeurs de la France n’ont pas bougé, le monde a lui évolué, et la France qui stagnait a de fait reculé. La décision de l’ONU sanctionne surtout la rapidité du déclin : livrée depuis six ans à des gouvernements qui ont mis fin à l’indépendance nationale de la politique étrangère française et qui ont privé son armée des moyens d’agir, la France ne fait plus partie des puissants, ni par son économie, ni par son destin national, ni par ses forces. Sarkozy l’Américain a eu cinq ans pour ramener la France sous l’égide du commandement intégré de l’OTAN et purger l’armée tant du superflu que de l’indispensable. Alors que les avions et les chars français coûtent des milliards pour une efficacité toute relative, les drones – l’arme aéroportée du futur – viennent d’Israël ou des Etats-Unis et leurs technologies restent verrouillées par ces deux pays, leur donnant de fait la possibilité de garder des backdoors pour utiliser les données collectées à leurs fins personnelles; c’est par ce genre de pratiques que les forces israéliennes ont obtenu une très bonne cartographie d’une partie de la frontière iranienne par des engins vendus à un pays tiers. Alors que l’armée française est noyée dans la guerre des chefs et la bureaucratie, il n’est pas rare que les soldats doivent dépenser leur solde personnelle pour acheter dans les surplus militaires du quartier Montparnasse des vêtements ou de l’attirail adapté aux pays chauds et sableux où se passe la majorité des opérations extérieures (OpEx) de l’armée, les modèles de dotation étant notoirement insuffisants.

Chaque troisième balle tirée par un soldat français vient de l’emprunt, est achetée à crédit, gagée sur les richesses nationales; et avec les ratés (retentissants, mais restés assez discrets grâce à la réputée indépendance des médias français) du logiciel central Louvois, l’armée ne peut même pas payer en temps et en heure et convenablement ses soldats. Un tel pays ne peut, s’il n’a pas l’extraordinaire richesse d’un pays continent, être décemment parmi les puissants, sauf s’il a une politique réellement indépendante, et qu’il s’en donne les moyens. Le gouvernement socialiste, qui poursuit passivement les orientations mortifères engagées par Sarkozy, et qui, pressé par l’Europe, s’apprête à supprimer 30 régiments et à vendre notre unique porte-avions au Brésil ou au Qatar, n’est pas capable de cet esprit d’indépendance qui a donné cinquante ans de répit à la France dans la course mondiale, l’illusion de la grandeur. Pour les puissants de ce monde, ceux qui impulsent le prétendu « gouvernement mondial », c’est plié, la France n’est plus une puissance, et au contraire une gêne. L’activité désordonnée de ses gouvernements au sujet de la Syrie, son soutien aux rebelles islamistes, a retardé la cessation des hostilités et le déploiement de casques bleus de plusieurs mois : curieusement, cette donnée est connue partout dans le monde, sauf dans les médias français. Indépendance autiste, quant tu les tiens…

 

L’impérieuse nécessité du regain, ou la question Bretonne

Le représentant des Iles Salomon trace la direction dans laquelle avancera désormais l’ONU : la prochaine résolution concernera la Nouvelle-Calédonie, puis demain ce sera la Corse ou la Bretagne, le Pays Basque ou la Catalogne. Les Bretons auraient tort de s’en réjouir pour autant : certes, les pouvoirs français – auxquels on peut reprocher beaucoup de manquements aux droits de l’Homme  dont ils se prétendent héritiers – auront plus de pression, mais l’Histoire contemporaine montre qu’en pareilles circonstances, c’est toujours plus d’oppression abjecte que la République a fait peser sur ses minorités – perçues comme de dangereuses concurrentes – lorsqu’elle était sous pression de l’étranger.

Mais la récente délibération de l’ONU pose abruptement la question Bretonne : la province la plus attachée à la France – ce patchwork d’identités dont la richesse de la diversité intérieure a préexisté à la République et lui survit tant bien que mal – a-t-elle plus d’avantages que d’inconvénients à rester dans un pays en déclin, voire devenu faible ? Pour l’heure, écrasée d’impôts, elle se voit dénier le droit à avoir le droit français dès que la République lui impose un projet d’Etat – on l’a vu encore avec Notre-Dame des Landes  mais elle est sous la protection d’un pays qui était encore une puissance nucléaire, 2e ZEE mondiale, avec un rayonnement culturel et linguistique très fort, et faisant partie du cercle très fermé de pays auxquels on pardonnait toutes les insolences. Des possibilités que la France a mis des siècles à construire et dix ans de volonté gaullienne à réaliser; ce processus serait aussi très long, voire impossible pour une Bretagne qui aurait gagné son indépendance. Les citoyens Bretons étaient donc de fait plus avantagés – par exemple dans leurs affaires, comme Pinault et Bolloré – s’ils étaient français plutôt que seulement Bretons.

Le déclin net du poids de la France sur la scène internationale, l’érosion du français par rapport à l’anglais global ou aux autres langues véhiculaires – espagnol, arabe, russe ou chinois –, la dislocation de la Françafrique du fait de la concurrence acharnée des dollars du Qatar et de la Chine et l’incapacité grandissante de l’élite politique française, incapable d’initiative, d’adaptation et d’indépendance, mène à rien les avantages relatifs que les Bretons pouvaient tirer de leur attachement à la France. Que leur reste-t-il ? Les impôts et l’asservissement tant politique que culturel, social ou économique. C’est pourquoi le regain – au sens d’une reconquête de l’indépendance et de la stature de la France – est une impérieuse nécessité, tant pour la France elle-même que pour les Bretons eux aussi, et ce regain ne passera que par une révolte massive des citoyens contre l’élite politique et sociale qui les pousse à l’abîme. Ce cri du cœur s’appelle de nos jours le Printemps Français, auquel la Bretagne n’est pas indifférente. Nous en parlerons la fois prochaine.

La gare SNCF de Rezé Pont Rousseau est-elle saturée ?

17 Mai

La gare SNCF de Pont-Rousseau est bien plus qu’un modeste arrêt de la banlieue nantaise comme le sont ses homologues de Chantenay, Saint-Sébastien ou même Vertou. Terminus de la ligne 2 du tramway et arrêt SNCF, elle permet à l’usager d’aller au cœur de Nantes, mais aussi jusqu’à Pornic et Saint-Gilles Croix de Vie. Ce modeste pôle multimodal – le train et le tram sont séparés d’une quinzaine de mètres environ serait-il sous-dimensionné pour le nombre de voyageurs qui passe ? C’est ce qu’affirme la FNAUT, au moyen d’un très éloquent reportage-photo.

Gare de Pont-Rousseau un soir d'affluence. Photo Nicolas Poinot (FNAUT)

Gare de Pont-Rousseau un soir d’affluence. Photo Nicolas Poinot (FNAUT)

Il est 17h34, ce mardi 2 avril 2013, le TER n°859 111 en direction de Saint-Gilles Croix de Vie arrive en gare à 17 h 34 pour un arrêt d’une minute. Normalement. Sauf qu’à l’arrivée du train, c’est près d’une centaine de voyageurs qui le guettent avidement alors qu’il franchit le passage à niveau des nouvelles cliniques nantaises. Alors quand le TER arrive, c’est la ruée. Entre les voyageurs nantais qui descendent pour prendre le tram 2 plus loin vers le sud et ceux qui montent vers la banlieue ou le Pays de Retz, l’arrêt prend deux minutes et le train part complètement blindé. Est-ce fini ? Non, puisque quand le TER n°859 209 en direction de Pornic arrive à 17h55, le quai est à nouveau empli de voyageurs, donc c’est à nouveau la ruée et le train part avec une minute de retard. Une scène qui d’après la FNAUT se répète chaque jour aux heures de pointe.

Plus embêtant encore : Rezé-Pont Rousseau est en Bretagne, et chacun sait qu’il pleut de temps à autre dans notre beau pays. Sauf que la gare n’est vraiment pas équipée pour. Il n’y a pas une seule aubette, et seule la petite salle d’attente de la gare, rapidement pleine, offre un quelconque abri. Résultat : les clients attendent leur train sous la pluie ou… sous l’abri du terminus du tram, tout proche. Comble de l’inadapté : il y a zéro panneau d’affichage sur les quais, il faut aller voir dans la salle d’attente. Ironie du sort : alors que Rezé Pont Rousseau se trouve près de 3 km de la gare de Nantes, la plus importante métropole de l’ouest de la France, cette gare est moins bien équipée que, mettons, la gare de Salbris située… au milieu de nulle part en Sologne. Et si la région Pays de Loire prévoit d’installer des panneaux d’affichage modernes sur les quais, les abris ce n’est pas pour maintenant. A force de confondre la Loire-Atlantique avec la Vendée, le sens des priorités se brouille.

Pont-Rousseau, où cœur de Nantes à 11 minutes en tram de la gare. Pôle multimodal modeste, mais efficace.

Pont-Rousseau, où le cœur de Nantes à 11 minutes en tram de la gare. Pôle multimodal modeste, mais efficace.

Du côté des usagers, rencontrés dans un train passablement chargé un soir d’affluence, c’est franchement la grogne. « Y en a marre », soupire Gilles, qui vit à Bouaye et travaille à Beauséjour. « On rentre dans le tram il est blindé, on change de tram il est surchargé, on arrive sur le quai c’est charrette et le TER est une boîte de sardines… épuisant ! ». Anne, de Sainte-Pazanne, renchérit « il faudrait plus de trains ! Parce qu’à l’heure de pointe, c’est l’affluence comme un vendredi soir sur le périph’ ». Maxime et Kevin, deux jeunes qui habitent les confins de la Bretagne et de la Vendée et qui descendent à Machecoul, tempèrent « les bus, c’est la même chose et c’est beaucoup plus lent ». Il n’est en effet pas rare pour le conseil général de devoir doubler, tripler voire quadrupler les liaisons, et faire circuler quatre bus sur une rotation, surtout quand les beaux jours arrivent et que la jeunesse des quartiers populaires nantais veut aller bronzer sur la côte méridionale de la Bretagne.

Le problème il est là : le tram et les bus – de la TAN ou LILA – vont bien moins vite que le train, quand bien même la ligne soit à voie unique. Rezé-Pont Rousseau est par ailleurs une gare qui attire, du fait même de son implantation dans la banlieue nantaise et près de la ligne 2, à 11 minutes chrono de Commerce. Alors que faire ?

La FNAUT préconise de supprimer la première classe dans les TER pour gagner de la place et d’augmenter le nombre de rotations, ainsi que la capacité de la ligne. Or, la ligne est à voie unique, avec des cantons assez importants de surcroît et relativement peu d’évitements – aux gares surtout. La doubler apparaît très couteux et difficile, d’autant plus que la présence de la branche qui s’écarte vers l’aéroport de Nantes-Atlantique – et qui, maintenant que l’ex-futur aéroport nantais de Notre-Dame des Landes est sérieusement dans les choux, au moins pour les deux prochaines années, pourrait redevenir très utile pour réconcilier cet aéroport et les transports en commun – oblige à une prise en compte très stricte des flux et des possibilités de la ligne. De plus, le tracé de la ligne traverse des zones humides, passe sur les bords du lac de Grandlieu et de marais attenants. Au menu avant tout coup de pioche : de longues études de biotopes et de masses d’eau, sous peine de se retrouver avec un véto scientifique et européen comme pour Notre-Dame des Landes. En période de crise, de récession même, c’est l’impasse.

Première urgence : l’état de la ligne, non l’affluence

Bifurcation des lignes de Pornic et Sainte-Pazanne le 22 mai 2010. A partir de là il faut tout renouveler.

Bifurcation des lignes de Pornic et Sainte-Pazanne le 22 mai 2010. A partir de là il faut tout renouveler.

Et les cheminots, qu’en pensent-ils ? Pour Léon (*) conducteur sur la ligne, l’affluence est un « problème périphérique », car il y a plus grave : l’état de la voie. « Oui c’est chargé », explique-t-il, « mais à certaines heures le train est aussi quasiment vide ; par ailleurs au vu du profil de la ligne, que l’arrêt dure 2 ou 3 minutes à Pont-Rousseau au lieu d’une n’a pas réellement d’importance, ce retard se rattrape aisément par la suite, on n’est pas sur le RER ». Et d’ajouter que « l’effet Pont-Rousseau, ça marche dans les deux sens ; en venant de Nantes, cette gare charge le train ; dans l’autre sens, elle contribue à le vider substantiellement car les gens se rabattent massivement sur le tramway. »  En revanche, l’état de la voie laisse à désirer. « Il y a des ralent[issements] sur la moitié du parcours, des endroits assez tape-cul, on voit bien que la voie est fatiguée, tant sur la branche de Pornic que celle de Saint-Gilles Croix de Vie. » Des observations que confirme André (*) qui travaille à l’Infra, la division de la SNCF chargée de rénover et d’entretenir les voies pour le compte de RFF. « Même aux abords immédiats de Nantes, c’est préoccupant. Pas au point évidemment de mettre en péril la sécurité des voyageurs, puisqu’il y a un suivi permanent. Régulièrement, il y a des agents qui embarquent avec les conducteurs pour observer l’état de la voie depuis la cabine, et noter scrupuleusement les endroits qui ont besoin de réparation ».

Il y a des réparations constantes, mais les lignes arrivent en bout de course et devront être fermées pendant huit mois entre septembre 2014 et avril 2015 pour être entièrement renouvelées  à partir de la bifurcation à Sainte-Pazanne (sections Sainte-Pazanne – Pornic et Sainte-Pazanne – St Gilles). Une « phase positive » mais tardive, saluée unanimement par les clients et les mairies sur la ligne, avec une dose d’inquiétude cependant : le tour de table des travaux n’est pas bouclé et les collectivités comptent sur une participation de l’Etat qui peut être remise en cause par l’aggravation nette de la situation budgétaire et économique en cette année 2013. Matthieu (*), autre conducteur de la ligne, conclut « il faut garder courage. Pour nous aussi, c’est dur et pénible. Cette ligne est très fatiguée, et ce n’est guère une situation sereine pour un conducteur de rouler à vitesse réduite avec un train plein de monde derrière lui. » On comprend dans cette situation que l’affluence en gare de Pont-Rousseau soit finalement une question secondaire, mais non sans importance : s’il n’y avait pas tant de monde, cette ligne ne bénéficierait pas de travaux.

(*) Pour des raisons de confidentialité, les noms des agents SNCF ont été changés.

Bâtiment du Conseil Général dans la cour du château d’Ancenis : pas fini et déjà fissuré

16 Mai
Plan. Document de l'agence Prunet Architecture. En rouge le bâtiment du CG44.

Plan. Document de l’agence Prunet Architecture. En rouge le bâtiment du CG44.

#OpMagouille. Dans la polémique sur l’implantation – relativement peu esthétique il est vrai – du très cubique bâtiment du Conseil Général de Loire-Atlantique (CG44) auprès du château d’Ancenis, tous les arguments ont été passés en revue par les partisans du projet – le maire UMP d’Ancenis et le président PS du Conseil Général Philippe Grosvalet – ainsi que par les nombreux opposants, citoyens d’Ancenis et des communes environnantes ou amoureux du patrimoine. Mais ils avaient oublié la qualité de la construction : pas encore fini, ce bâtiment fissure déjà, et c’est loin d’être la fin.

Le bâtiment a été implanté de telle sorte qu’on se demande si le droit de la protection des monuments historiques existe encore en France et si une quelconque autorité administrative se charge de l’appliquer en Loire-Atlantique. Le bâtiment du Conseil Général, chargé d’accueillir une délégation territoriale de 200 fonctionnaires a été bombardée à cinq mètres du logis Renaissance du XVIe, sans aucun souci de s’accorder avec l’esthétique des bâtiments environnants. Mieux encore, lors des terrassements, un site archéologique paléochrétien ainsi que des pans de muraille des XIVe-XVe ont été détruits. Une action judiciaire est toujours en cours, portée par une courageuse association locale, l’A2PCA, qui avait recueilli en son temps près de 4000 signatures – soit la moitié des habitants d’Ancenis – contre la construction du bâtiment. L’association réclame la démolition des 1578 m² du bâtiment du CG44 (2.75 millions d’€ HT). Mais, au vu des aléas de la construction, le bâtiment pourrait bien s’effondrer tout seul… ou couter si cher aux contribuables de Loire-Atlantique qu’il sera préférable de l’abattre.

 

Une large fissure au bas du clapier

Voilà une partie de la fissure au bas du bâtiment du CG44

Voilà une partie de la fissure au bas du bâtiment du CG44

Vu de loin, le bâtiment est un cube qui s’harmonise très mal avec le château. Son toit plat dépasse du rempart, ses fenêtres plongent dans l’intimité des logements de l’autre côté des douves, son accès – une espèce de porte de garage – se trouve à deux mètres d’un portail très caractéristique du XIXe, au nord, et tant ses formes (parallépipédiques) que ses matériaux (béton, bardages de bois et d’acier) ne s’accordent pas avec les hauts toits à deux pans, le tuffeau et le schiste des constructions historiques du site du château. Bref, il détonne. Tant et si bien que si à l’origine, l’abattage de tous les arbres de la cour était prévu, mais il a fallu en garder quelques uns pour espèrera planquer le bâtiment afin qu’il ne défigure pas trop l’aspect du château depuis la Loire… c’est dire.

Alors BreizhJournal a pris son courage à deux mains et est allé visiter le bâtiment. Quelle est l’impression que donne le bâtiment vu de près ? Un clapier, ou un poulailler industriel, construit à bas coût et dans un espace serré. Curiosité : on entre par le milieu, un niveau étant à demi-enterré sous la cour. Appareillé de béton sombre, il est divisé par des cloisons très fines en petits bureaux séparés par un couloir assez large. Des bureaux-cellules où il ne faudra pas trop martyriser le clavier de son PC sous peine d’empêcher de travailler l’occupant du bureau voisin – des cages d’une dizaine de m² tout au plus. L’ascenseur et ce qui semble être une salle de réunion ou un bureau de chef sont repoussés le plus au nord. Dans le premier tiers du couloir, une fissure: profonde de plusieurs centimètres et large de 5 à 15 mm biffe le bâtiment. Pourtant, comme le château lui-même, le bâtiment neuf est établi directement sur le rocher. Mais celui-ci, visiblement, ne goûte pas l’architecture moderne – trop lourd, le bâtiment a entraîné le tassement d’une partie du sol, et le béton s’est cassé.

 

Malaise sur le chantier

Vue du premier niveau (RDC au niveau de la cour)

Vue du premier niveau (RDC au niveau de la cour)

Construit pour pas cher, qu’est-ce que cela veut dire ? Cloisons super-minces, bois très fin, escaliers dont les marches sont de simples planches flottantes posées sur deux limons latéraux en tôle d’acier fine, couloirs à peine larges pour un fauteuil roulant ou un bureau standard, et un maximum de bureau possible, sauf au second étage où la galerie vitrée et le long couloir auquel elle donne jour laissent un peu plus d’espace. Il faut croire que le bâtiment tiendra, jusqu’à quand ? Question qui taraude les ouvriers, il y a malaise sur le chantier.

L’un d’eux soupire « ce n’est pas normal ce qu’on nous fait faire, ce bâtiment qui jure avec le château, là. Un particulier il ne pourrait pas faire pareil, lui ». Exact. Juste à côté du château, il y a une maison dotée d’une baie triangulaire… le propriétaire a mis trois ans à avoir les autorisations nécessaires auprès de la DRAC, pour une seule fenêtre qui se trouve à vingt mètres des murailles du XVe et qui n’est pas visible de la cour du château ! L’architecte du bâtiment, Pascal Prunet, n’a pas eu de problèmes avec les autorisations. Peut-être parce qu’il est architecte en chef des monuments historiques (ACMH) depuis 1993, et fils de Pierre Prunet qui fut aussi ACMH.

Un bureau

Un bureau

Qu’en est-il du bâtiment ? « Le château qu’ils restaurent enfin est parti pour faire un siècle de plus, mais sûrement pas ce bâtiment, il fissure dur, et même si les fissures seront bouchées avec du coulis spécial, ça va continuer », renchérit un autre ouvrier. Pourquoi ? « Le bâtiment est compliqué, il y a une structure en béton armé et de l’ossature bois. Résultat les bois vrillent – puisque personne ne prend plus le temps de laisser sécher les bois plusieurs années avant de les mettre en œuvre, de nos jours – et le béton se tasse ». Bref, le bâtiment devait être fini en avril, mais prend du retard « la réception sera fin mai, mais on n’aura pas fini avant la fin du mois de juin », expliquent les ouvriers qui en sont aux finitions, isolation, placo et éclairages.

En plus des fissures et des tassements tant du bois que du béton – qui obligent à se demander si vraiment, le sol était adapté pour accueillir un bâtiment si imposant – l’on constate de ci de là des bulles dans les couches de béton, et des débuts de fissures qui corroborent les inquiétudes des ouvriers. Plus inquiétant encore : au droit du nouveau bâtiment, dans le logis Renaissance, un mur de refends du XVIe siècle s’est détaché du mur nord de 5 à 7 cm et commence à pencher vers le sud… est-ce lié à la nouvelle construction et aux vibrations engendrées par les terrassements et le coulage du béton ? Aux spécialistes d’y répondre.

Découvrir le bâtiment du Conseil Général dans la cour du château d’Ancenis

 

Un architecte, deux visions contradictoires de l’architecture

Exemple d'un mariage hâtif entre le bâtiment neuf et la muraille du XVe siècle

Exemple d’un mariage hâtif entre le bâtiment neuf et la muraille du XVe siècle

Lorsqu’on parcourt le book de l’architecte  où sont listées ses réalisations passées, on ne manque pas d’être frappé par le contraste marquant entre des rénovations de monuments très respectueuses de l’historicité et des projets où une modernité arrogante et cubique fait irruption au milieu des formes de l’Histoire. Il est assez dur d’imaginer, en voyant le bâtiment d’Ancenis, qu’il s’agit du même architecte qui se battait pour défendre chaque feston, chaque soupirail du château des Ducs de Bretagne des agressions de la modernité. Le même architecte qui a œuvré magnifiquement sur la flèche de Luçon et le château de Noirmoutier mais qui s’est aussi fait sérieusement tailler les oreilles en pointe par le député-maire de Provins et l’architecte local des Monuments Historiques  pour un bâtiment qui dépassait des remparts de la cité classée UNESCO bien plus que ne le prévoyait le permis de construire. Le pire et le meilleur juxtaposés. A côté des vieilles pierres de Guérande, dont une partie des remparts a été rénovée et rendue accessible au public par cet architecte, l’extension en cube et en verre de la bibliothèque d’Argentan, accolée avec peu d’égards au bâtiment en pierre existant, le tout sous une chapelle du XIXe.

Halte au gâchis !

Vue du troisième niveau

Vue du troisième niveau

Alors, certes l’Etat n’a plus d’argent et les ACMH doivent se plier aux vœux des élus des collectivités locales, qui ont encore des fonds (publics) qu’elles dépensent à tire-larigot ; certes les élus veulent du moderne, et se pâment quand on leur agite le hochet du HQE (haute qualité environnementale) ou encore des « bâtiments à énergie positive » ou BEPOS qui produisent plus d’énergie qu’ils en consomment ; mais le bâtiment d’Ancenis n’est rien de tout ça. C’est un poulailler où l’on entasse deux cent fonctionnaires qui auparavant travaillaient à Nantes (économie = zéro) sous un habillage moderne en béton, verre et bardage de bois. Certes, l’architecture doit se montrer fonctionnelle et utile. Mais alors même que des bureaux sont toujours vides à Ancenis sur la zone de l’aéropôle, près de Manitou et Gastronome, alors même que la place ne manque pas autour de la ville pour construire des bureaux dans un style actuel, parfois l’architecture moderne doit aussi savoir s’effacer devant la grandeur de l’Histoire, surtout si ses bâtiments sont fissurés avant même d’être finis.

Force est de constater pour ce bâtiment que le bon sens de nos élus est en péril. Il reste encore une issue : la justice doit examiner le recours sur le fond de l’AP2CA contre le permis de construire. Elle a donc une occasion historique de faire cesser la gabegie et d’empêcher que les contribuables de Loire-Atlantique ne paient deux fois : une fois pour le saccage de leur patrimoine et d’un monument clé de leur histoire Bretonne, et une seconde fois pour maintenir à grands travaux coûteux ce bâtiment en état. Pourvu que la justice donne rendez-vous au bon sens. Ancenis en a grand besoin.

La langue assassinée, documentaire en préparation sur le déclin de la transmission familiale du Breton

15 Mai

sans-titreElle s’appelle Alyson Cléret, elle a 24 ans, elle est originaire de Melrand, dans la campagne morbihannaise entre Pontivy et Baud, et fait des études de réalisation cinématographique à Paris. Après avoir déjà réalisé un court-métrage  inspiré par le poème Va’chêriadenn d’Anjela Duval, elle se lance dans la réalisation d’un moyen-métrage sur la transmission du Breton dans le cercle familial. Il se nommera La langue assassinée.

A travers sa propre histoire familiale, elle pose la question de la diversité des rapports avec le Breton. Quel rapport ces Bretons d’âges et de générations divers entretiennent-ils avec elle et leur culture, leur histoire, leur quotidien ? Le fil conducteur du projet, marquée par des travellings et une voix off, fera office de liaison entre eux. Sur trois générations, Alyson dresse l’histoire du déclin de la transmission du Breton, fil conducteur non seulement d’un territoire mais aussi d’une culture et d’une identité spécifiques. Grands-parents brittophones, mais qui n’ont pas transmis le Breton à leurs enfants, parents qui ne le parlent plus et qui s’y sont parfois remis sur le tard, enfants de la génération de la Découverte ou de l’ignorance  à l’heure du choix. Devant l’obligation d’aborder un sujet qui ne l’a pas beaucoup été à cause de la mauvaise conscience des familles et de la République.

Un déclin qui n’est pas anodin, mais traduit le succès d’une certaine politique de la République envers le Breton et les Bretons, une revanche sur l’humiliation infligée à la République par le peuple Breton en armes – de la chouannerie aux très actuels conflits de Plogoff ou de Notre-Dame des Landes, en passant par l’attachement à l’identité culturelle, à la religion ou au vote « réactionnaire », puisque encore au XIXe et jusqu’à la moitié du XXe bien des campagnes de Bretagne votaient blanc – royaliste, surtout pour ne pas donner blanc-seing à la République, héritière des colonnes infernales et des panneaux « Interdit de parler Breton et de cracher par terre ».

02 AnastasieEmile Combes, petit père de la laïcité disait que « Les Bretons ne seront républicains que lorsqu’ils parleront le français. L’église les maintient dans la « sujétion» grâce au breton, inadéquat pour exprimer les idées nouvelles (…) dont la langue française est l’admirable messagère. ». Les Bretons, qui ont défendu avec succès leur école « libre », déliée au moins en partie du poids de l’Etat, parlent maintenant le français, mais sont-ils soumis à la République pour autant ? L’exemple de la Loire-Atlantique, département de combat où le peuple a, contre ses élus et le pouvoir de Paris, enterré durant ces quatre dernières décennies deux projets de centrales nucléaires  et un projet d’aéroport, tend à démontrer le contraire. Même sans le fil conducteur de la langue, l’inconscient collectif des cinq départements porte bien moins à la résignation qu’ailleurs.

Pour Alyson, c’est urgent de s’impliquer pour le Breton. Il y avait en 2007 207.000 locuteurs de Breton, dont 5.000 ont moins de 18 ans, la relève n’est pas assurée. Elle est néo-brittophone, « j’ai repris les cours à Paris, j’ai de la chance, mon université propose des cours de Breton ». Son père s’y est remis sur le tard, il y a deux ans et demi. S’impliquer, pour la jeune fille, c’est aussi se battre pour la réunification : « historiquement, c’est de la pure logique, politiquement la Bretagne sera plus forte, économiquement c’est un avantage évident ». Elle tournera une partie de son documentaire à Melrand où est son berceau familial, et à Nantes, « ville exclue de la Bretagne alors qu’elle en a été la capitale, ville où toute une politique menée par la France se concrétise ».

Pour financer le tournage de son film – déplacements, montage etc. – elle a fait un appel aux internautes, ce que l’on appelle aussi du crowdfunding. Pourquoi passer par Internet ? « Pour toucher un maximum de personnes, voir les réactions, les attentes des gens ». « J’espère avoir d’autres témoignages, l’histoire de ma famille, c’est aussi celle de milliers de Bretons ». La jeune fille espère réunir 1.500 €, le « strict nécessaire pour faire le film » ; elle en a déjà collecté 475, soit un tiers de la somme. Pour la diffusion, elle compte sur les festivals pour se faire connaître. Son premier court-métrage achevé fin 2012 est déjà passé au festival des films Court en Betton la semaine dernière, ainsi qu’au festival des très courts à Saint-Pol de Léon et devrait être projeté lors d’un festival à Paris le 24 mai.

Alyson revendique au quotidien un rapport engagé pour la Bretagne : « je suis Bretonne à Paris, au quotidien, j’essaie de remettre les choses en place, me battre contre les clichés, expliquer par exemple que le Breton, c’est une langue, pas un patois, qu’il y a une Histoire, une identité derrière ». Pourquoi ? « La Bretagne, ça a tellement été bafoué que j’ai envie que la Bretagne retrouve sa fierté, que les Bretons n’aient plus honte de leur histoire ». Depuis les dernières décennies, la Bretagne connaît un renouveau culturel et économique important, « une lancée qui doit être continuée : il y a beaucoup de gens qui se bougent, qui proposent des pactes [BreizhImpacte], des initiatives économiques importantes, mais les gens du commun ne se bougent pas assez ». C’est pourquoi espère que son film pourra libérer leur conscience de la Bretagne, porter les Bretons du quotidien – éloignés de l’engagement politique – de l’ignorance à une découverte salutaire pour eux-mêmes et la Bretagne.

Contribuer à la collecte pour la réalisation du film

Le Cannabis Social Club Naoned lutte pour la légalisation du cannabis

14 Mai

Rastaman stampNantes n’échappe pas à la vague française pour la légalisation de la ganja, avec la création d’un cannabis social club, qui, ô surprise, fait référence à l’identité bretonne de Nantes. Les statuts de cette association visant à « permettre à ses adhérents de se procurer leur consommation personnelle de chanvre sans avoir recours aux réseaux de trafic de stupéfiants » ont été reconnus au journal officiel début avril 2013. En clair, le cannabis social club permet à ses adhérents de cultiver leur cannabis en commun pour leur consommation personnelle. Plusieurs actions ont été engagées contre des cannabis social club : au niveau de l’association nationale à Tours (jugement le 20 juin) et des CSC de la Roche-sur-Yon et de Guéret, dont le sort sera fixé par des jugements le 18 et le 25 juin. Nous avons interviewé le Cannabis social club Nantais, collectif qui a accepté de répondre à nos questions.

 

Breizhjournal : Pourquoi la création d’un CSC à Nantes?

Cannabis Social Club Naoned : Nous avons eu le désir initial de créer un CSC à Nantes car c’est notre point de localité géographique. C’est le président qui est à l’origine du CSC. Il est hyperactif avec des troubles du sommeil et ne souhaitait pas prendre les médicaments prescrits en France à base d’amphétamine (Ritaline). Il a obtenu des résultats pour pallier son trouble avec l’usage du cannabis cannabis-med.org en adaptant un traitement inspiré d’études cliniques européennes. Pour être sur de la responsabilité en tant que consommateur, il a entrepris une démarche spontanée d’un suivi avec un addictologue et un psychologue pour encadrer son trouble TDAH et sa consommation de Cannabis. Devant le constat incongru que son trouble n’est plus reconnu par la médecine car il est majeur et utilise un traitement illégal sur le territoire français, il a décidé de sortir de l’illégalité en se constituant avec un amis en association CSC comme le permet l’association ENCOD qui rayonne sur plusieurs pays européens. Le soutien des amis du CSCF engagés dans le combat de Dominique Broc, ont été décisifs dans la recherche d’éléments juridiques, de constitution et d’accompagnement au sein de l’UE.

 

Breizhjournal : Estimez-vous que la consommation de cannabis doit être dépénalisée en France et si oui, pourquoi?

CSC Naoned : Nous pensons que la loi du 31 décembre 1970  doit être modifiée, adaptée pour la plante médicinale qu’est le Cannabis. Nous pouvons constater que le produit est présent sur le territoire Français sans contrôle ni de la part du ministère de la santé, ni de la part du ministère de l’Intérieur. La preuve en est que nous sommes le pays le plus gros consommateur d’Europe avec la répression la plus forte envers le Cannabis.

La politique de lutte antidrogue mené par les différents gouvernements depuis 1970 et un véritable échec économique, sanitaire et social. Echec économique pour le contribuable dont l’argent est dépensé en pure perte. Echec  sanitaire puisque le shit qui circule est un produit dont la qualité n’est pas avérée. Depuis les années 1990, la résine (shit) en provenance du Maroc est systématiquement coupée avec des médicaments, du henné, de l’huile de vidange, de la paraffine, du plastique, des métaux lourds… et l’herbe (beu) est mélangée avec du verre pilé, du talc, du fard à paupières, de la laque… L’échec est enfin social. Il y a une mauvaise éducation au sein des familles sur la dangerosité réelle de la plante et une méconnaissance de ses bienfaits médicinaux pour différents maux (anxiété, douleurs musculaires ou osseuses, troubles du sommeil…).

Nous sommes favorables à une régulation de la consommation et de la production de cannabis de manière nationale au sein d’un contrôle et monopole de l’Etat ; les associations bénéficieraient d’un statut associatif 1901 à but non lucratif pour contrôler au maximum les fraudes et les fraudeurs. Nous sommes pour une limitation en nombre de membres pour les CSC – 20 membres nous paraît être un maximum acceptable et pour que le travail mis en avant par chaque club soit bénéfique en terme de sécurité publique, d’éducation des risques et d’information concrète quant aux effets secondaires de cette plante mais qui peuvent être gérés si la consommation est responsable. Bien sur il y a une interdiction stricte aux mineurs de constituer ou d’adhérer à un CSC mais celui ci peut prendre contact avec ces parents pour tous renseignements concernant l’usage de cette plante médicinale.

 

Breizhjournal : est-ce que la Préfecture a engagé contre vous une action judiciaire comme elle en avait l’intention ?

CSC Naoned : Nous avons pu constater au Journal Officiel notre inscription à la date du 6/4/2013. L’association des cannabis social club français a été assignée en justice pour être dissoute, nous sommes donc suspendus à une décision judiciaire à ce sujet.

 

Breizhjournal : Une vingtaine de CSC se sont officialisés, dont plusieurs en Bretagne u ailleurs dans l’Ouest de la France. Etes-vous en contact avec d’autres CSC proches ?

CSC Naoned : nous sommes en contact avec des citoyens qui souhaitent constituer des CSC ou des CSC déjà constitués dans tout l’ouest de la France et ailleurs en Europe. Beaucoup de personnes veulent sortir de l’actuel circuit d’alimentation par l’intermédiaire des réseaux mafieux (racket, vol, violence, produit de plus en plus coupé) et aussi ne souhaitent plus se faire embarquer dans l’escalade de la dépendance. Les dealers voient le shit comme un produit d’appel et leur proposent des drogues de synthèse qui viennent de Chine ou non, de la cocaïne, de l’héroïne, du crack, des amphétamines alors qu’ils ne viennent chercher que du cannabis. Bref, il y a une réelle demande sociale et le nombre de CSC en cours de constitution augmente chaque jour.

 

Breizhjournal : Combien de personnes réunissez vous (à peu près) et quels sont vos objectifs?

 CSC Naoned : Notre objectif est de nous faire entendre auprès du gouvernement et d’obtenir la modification de la loi de 1970 afin qu’elle intègre les usages récréatifs, responsables et surtout thérapeutiques du cannabis. D’importantes études ont été réalisées sur la possibilité de soigner le cancer par le cannabis, et nous ne pouvons pas y avoir accès en France du fait de l’illégalité et de la très mauvaise image du cannabis. Nous nous battons pour que les malades aient à leur disposition l’intégralité de l’éventail thérapeutique qu’ils peuvent espérer avoir. Ne sommes-nous pas résidents du pays des droits de l’Homme ? Que l’Etat nous le prouve alors avec une réponse adaptée.

Les sarkozystes repassent à l’attaque sur les réseaux sociaux

13 Mai

attention-manipOn dirait que l’I-force de Sarkozy fait son retour discret. Lors de la campagne de 2007, l’I-force était un ensemble de blogueurs et de jeunes membres ou sympathisants de l’UMP qui faisaient la promotion de Sarkozy sur les réseaux sociaux et le web. On retrouve actuellement sur Facebook et Twitter une campagne qui est trop pensée et coordonnée pour n’être que de l’artisanat militant de quelques nostalgiques de Sarko.

Sur Facebook, c’est la page Enseignante Umpiste qui porte le fer contre la gauche. En reprenant la sympathique figure du « prof de droite » – oui, celui qui n’est jamais en grève, qui enseigne selon le bon sens, aime son métier et ses élèves malgré les pressions de sa hiérarchie et la bureaucratie au sein du « mammouth », les sarkozystes avancent plus ou moins masqués. Au programme, diffusé selon un à deux posts par jour, soutien à Guaino dans « sa croisade contre le juge Gentil » (on aura vu plus respectueux de la justice, fusse-t-elle aux ordres, par exemple sous le dernier mandat de Sarkozy), tir à vue sur le PS, Trierweiler et Hollande, comme dans le post d’aujourd’hui : « incroyable, un an après l’élection de Hollande, la PS use toujours de l’anti-sarkozysme primaire pour justifier le néant de l’action présidentielle ! », légende dorée du sarkozysme et discours de Copé ou des candidats UMP aux municipales. Un nouveau support de campagne gratuit – quoique boosté par les annonces sponsorisées qu’offre Facebook, un moyen de faire paraître les actualités du profil dans le fil d’actualités de nombreuses personnes – qui évolue lentement, passant de 465 « j’aime » il y a une semaine à 490 aujourd’hui.

Sur Twitter, la campagne est plus nette, puisque la même « enseignante et umpiste, suivie par Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy » se nomme @Sarkoziste et arbore une photo de Sarko en avatar. Avec 3328 abonnés et 18671 tweets, c’est un compte assez important, dont la foultitude d’abonnés fait office, de « la gauche kebab » au « militant gay qui cherche à faire des rencontres » en passant par « un futur médecin » et des tas d’étudiants, de spectre de la société française 2.0, sans oublier les fillonistes et les copéistes de l’UMP. Parmi les abonnés, on trouve aussi un @N_Sarkozy2017 avec l’affiche « Tous à Paris le 26 mai » (pour la Manif pour Tous) en photo de couverture : le twitter officiel des Amis de Nicolas Sarkozy se charge de faire la convergence entre l’UMP canal historique et la manif pour tous puisque « Un seul recours contre les socialos, c’est Nicolas Sarkozy ».

Le but dans les deux réseaux sociaux est de créer un socle de sympathisants dans divers milieux sociaux pour à la fois tester la réception de l’agit-prop de l’UMP et des sarkozystes et pouvoir préparer le grand retour du « Chef« . Tout cela vaut ce que ça vaut, mais si la France est là où elle est à subir la gauche en plus de la crise, elle le doit à la politique erratique de Sarkozy qui a utilisé tous les fusils à un coup de la relance pour se faire réélire. Si Cambdélis – mis en cause dans l’affaire de la MNEF à la fin des années 1990 – n’est pas très bien placé pour faire du nettoyage industriel, il n’en reste pas moins que le quinquennat Sarkozy a laissé de lourdes séquelles tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Certaines tares – comme la « quatarisation » de Paris et de la politique française – n’auront fait qu’empirer sous Hollande.  D’autres – une intervention française directe en Syrie par exemple – auront été évitées par l’actuel gouvernement.

Tout cela place cependant artificiellement la France dans une position où il n’y a pas d’alternative, ni à l’actuelle République, ni au bipartisme, ni à Sarkozy. Alors même que le peuple déçu, désespéré, en colère d’avoir été tant ignoré et insulté par la droite et la gauche demande des perspectives, cette vision politique bipartiste et sarkozyste est au bout du rouleau. Sous les coups de matraques et les nuées de gaz lacrymo du 24 mars, sur les Champs s’est produit un fait étrange et exceptionnel : un souffle nouveau s’est levé sur un vieux pays que l’on croyait épuisé et apathique. Un souffle qui vise à rendre à la France sa grandeur et à son peuple des perspectives, un horizon, des valeurs, un espoir. Nicolas Sarkozy a bien compris que si le Printemps Français ne se fera pas avec lui, il se fera contre lui, donc il essaye d’en canaliser l’énergie, et notamment le souffle 2.0. Mais il est peu probable qu’il y arrive… les Français ne sont pas si dupes.

Commémoration du 68e anniversaire de la reddition de la Poche de Saint-Nazaire à Bouvron

12 Mai
Dépôt de la gerbe au pied du monument

Dépôt de la gerbe au pied du monument

Le 11 mai 2013 avait lieu devant le monument de la reddition sur l’ancien champ de courses l’ouest du bourg de Bouvron la commémoration du 68e anniversaire de la reddition officielle de la Poche de Saint-Nazaire. La guerre en Europe s’achève sur un champ plein d’herbes folles au cœur de la Bretagne.

Le front de cette poche de résistance allemande s’étendait  à l’est à plus de 60 km de Saint-Nazaire, partant de la Roche-Bernard jusqu’à Cordemais, puis de la commune de Frossay à Pornic, alors que le reste de la Loire-Atlantique était libéré de début août à fin septembre 1944. Tenu par des FFI et des résistants pour la plupart locaux, issus souvent des «empochés», habitants qui dans le réduit allemand connurent neuf mois d’occupation supplémentaires, de début août 1944 au 11 mai 1945, le front de la Poche est l’un des principaux théâtres d’opérations militaires de longue durée où sont intervenus les résistants et aussi l’un des plus délaissés par la mémoire et l’histoire publique.

La Poche n’était pas un front fixe ; au nord, les troupes américaines assistées des FFI libérent peu à peu une bande d’une dizaine de km allant de la forêt du Gâvre au canal de Nantes à Brest sur les communes de Fégréac, Plessé, Blain et Fay de Bretagne où les allemands s’accrochent jusqu’à mi-octobre 1945. Au sud de la Loire, au contraire, ils gagnent du terrain, reprenant entre août et octobre 1944 l’espace compris entre Paimboeuf et Saint-Viaud, puis lors d’une contre-offensive menée le 21 décembre 1944, l’espace entre Saint-Père en Retz et les abords du bourg de Chauvé. Les FFI et les américains s’accrochent : au prix de lourds combats et d’intenses pilonnages d’artillerie, ce bourg restera libre, et vers la toute fin de la guerre (avril-mai 1945) les troupes allemandes en poche sud sont contraintes au repli.

commémo2Au milieu de la guerre qui s’éternisait sur leurs terres, les habitants « empochés » continuaient de vivre malgré les pénuries et les réquisitions. Ceux qui vivaient le plus près de la ligne de front avaient été évacués par les allemands vers l’intérieur ou choisissaient de partir – des accords avec les Alliés avaient été passés par les allemands pour exfiltrer un maximum de civils considérés comme des « bouches inutiles ». Ces derniers partaient en train sur la ligne Savenay-Nantes, le front était au bourg de Cordemais. D’autres partaient en passant les lignes sur le Canal, la Vilaine ou par les marais de Loire et du Tenu, notamment pour rejoindre les bataillons FFI qui contenaient et refoulaient les troupes allemandes. Pendant dix mois, une guerre faite d’escarmouches et de pilonnages incessants a été menée dans la campagne bretonne, loin, très loin de la mer, de la base sous-marine de St Nazaire et des positions fortifiées du mur de l’Atlantique dont seules quelques une sont directement engagées dans les combats de la Poche.

Hier, en présence de vétérans des environs, des pompiers de la commune, d’un gendarme de Blain, du député de la 6e circonscription Yves Daniel et du maire de Blain Daniel Leroux, le maire de Bouvron Marcel Verger a rendu hommage à ces « soutiers de la gloire » que sont les résistants qui se sont battus – dans et hors de la Poche – pour la liberté de la France et de la Bretagne.

Jean-Michel Gendron, vétéran de la Poche et son enseigne

Jean-Michel Gendron, vétéran de la Poche et son enseigne

 

Addendum : L’année dernière et celle d’avant, j’ai mené une série d’entretiens avec des anciens des communes de Blain, Plessé, Fay de Bretagne, Quilly et Bouvron. Leurs renseignements croisés avec ceux des sources écrites (récits, travaux historiques) et des archives m’ont permis de porter sur des cartes 1/25000e du secteur les emplacements indicatifs des lignes de front, ainsi que des batteries, cantonnements et installations des belligérants. Afin de rendre ce travail accessible à tous, je le mets en ligne sur une carte Google Map qui sera complétée au fur et à mesure par de nouveaux renseignements.

Louis-Benoît GREFFE

 

Nota : si l’histoire des bourgs est relativement connue et a fait l’objet de multiples témoignages, les installations des belligérants dans la campagne ne sont que très peu voire pas connues ; c’est sur ces dernières que se concentre la carte.

Un oubli, une inexactitude ? Signalez-là en commentant l’article.

 

La chaîne humaine réunit 40.000 personnes à Notre-Dame des Landes

11 Mai

Depuis ce matin, des milliers de personnes convergent sur la ZAD pour participer à une immense chaîne humaine sur un parcours de 25 km  tout autour du site de l’ex-futur aéroport nantais, en passant par le bourgs de Notre-Dame des Landes au nord, les carrefours des Ardinières et du Chêne des Perrières à l’ouest, Vigneux et la Paquelais au sud, et le village de Chanais sur la route de Grandchamp des Fontaines à l’est.

La préfecture annonce une affluence ridicule et se discrédite

aéroport-crxL’affluence a été estimée par les organisateurs à 40.000 personnes ; la préfecture a annoncé 3.000 personnes à 10h, 5.000 à 11h, 8.000 à midi pour s’arrêter à 12.000 à 14h, ce qui est mathématiquement impossible. Dominique Fresneau, de l’ACIPA, explique : « Il y avait des gens qui se donnaient la main sur tout le pourtour de la chaîne, sur 25 km, soit 25.000 personnes. A 13h30 déjà, le tour était joué, mais les gens continuaient à affluer. Après vérification des images prises par les médias présents sur le site, nous confirmons le chiffre des 40.000 personnes, la valeur d’une chaîne humaine et demi ».

Et les chiffres de la Préfecture alors ? « On peut contester l’affluence d’une manifestation en ville », concède Dominique Fresneau en se référant à la polémique répétée sur les chiffres de la Manif pour Tous  « mais il est impossible de contester pour une chaîne humaine ou vraiment, tous les participants ne sont pas des surhommes et ne prennent pas dix mètres à eux seuls ; bref, la préfecture se discrédite complètement ». En vérité, comme pour la Manif pour Tous, la chaîne humaine dérange le gouvernement et le Premier Ministre. Consignes ont été données de minimiser l’événement, dans le but de diminuer l’importance du camouflet et essayer de le passer sous silence. Raté.

« Les gens restent mobilisés »

Encore un panneau original sur le site, la version bretonne de la Manif pour Tous (Twitter Frederic Landais)

Encore un panneau original sur le site, la version bretonne de la Manif pour Tous (Twitter Frederic Landais)

Les eurodéputés EELV (Sandrine Bélier, Jean-Jacob Bicep, José Bové, Karima Delli, Yannick Jadot et Eva Joly) ont participé à la Chaîne Humaine. Depuis que l’on est presque sûrs – du fait de l’opposition de l’Europe à voir le droit bafoué – que le projet ne se fait pas, EELV s’oppose en bloc à l’aéroport, oubliant et ses ministres au gouvernement, et ses incertitudes passées, et le fait que le parti des Verts avait accepté que le nucléaire et l’aéroport soient écartés de l’accord électoral avec le PS. Au premier rang d’entre eux, Sandrine Bélier qui s’est beaucoup investie dans le dossier  notamment en portant le dossier du recours devant la commission des pétitions du Parlement Européen qui a permis aux instances européennes de se mêler du dossier et de faire pression sur la France, devant les illégalités flagrantes du projet. Des élus de tous bords, notamment François de Rugy, député Vert qui ne cache pas ses ambitions pour la mairie de Nantes, étaient présents.

Cyclistes parisiens venus pour la Chaine Humaine - ChristoMiche sur Twitter

Cyclistes parisiens venus pour la Chaine Humaine – ChristoMiche sur Twitter

La chaîne humaine n’a finalement pas réuni plus de personnes que la manifestation de réoccupation du 17 novembre, est-ce un handicap ? « L’affluence même en période apaisée, avec moins de risque immédiat pour la ZAD montre que les gens restent fortement mobilisés contre l’aéroport ». Quarante-cinq cars, majoritairement des cinq départements de Bretagne, mais aussi de l’Isère, de Toulouse ou du Loiret, sont venus sur le site ; de nombreuses personnes avaient choisi de venir la veille ou l’avant-veille et passer quelques jours de ce long week-end sur la ZAD. « Le temps ne nous a pas aidé, mais finalement la météo était bonne dans l’après-midi, les gens étaient sur les routes, au sec, il y avait plus de familles aussi, c’était très serein », poursuit Dominique Fresneau.

Beaucoup de personnes devraient finir leur journée au festival de soutien aux Planchettes. Hier, il y avait près de 5000 personnes sur le site, aujourd’hui ils pourraient être le double à enterrer le projet en musique, au cœur de la ZAD. Une mobilisation qui est aussi le succès collectif des 500 bénévoles qui se sont relayés pendant ces deux jours pour une organisation fluide et sans accrocs.

Album photos de la Chaine humaine : cliquez sur le lien

La Bretagne obtient son .bzh

11 Mai

point-bzhUn combat de près de dix ans porté par la Région Bretagne et l’association www.bzh vient d’être remporté : le 10 novembre, l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) vient d’accorder l’extension .bzh.

La Bretagne pourra ainsi rivaliser avec la Catalogne, qui dispose déjà de son extension .cat depuis 2005 et les Bretons du monde entier auront ainsi leur extension « nationale ». D’autres demandes ont été déposées par des collectivités territoriales françaises et pourraient être prochainement approuvées : il s’agit du .paris déposé par la mairie de Paris, le .corsica déposé par la Collectivité Territoriale Corse (CTC) et le .alsace par le conseil régional alsacien.

Le projet était porté par l’association http://www.bzh, la région administrative de Bretagne (départements 22, 29, 35 et 56) ainsi que le département de Loire-Atlantique ; des élus de tous bords et de nombreux citoyens Bretons ont épaulé le projet durant toutes ces années de montée en puissance ; près de 20.000 Bretons ont signé en faveur de la création de l’extension. Des retombées importantes sont attendues pour la Bretagne et ses acteurs économiques qui gagneront en visibilité mondiale.

 

pointBZH