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La DREAL de Corse se plie à la loi du béton

20 Fév

 

arone2Comment faire quand on est maire d’une petite commune littorale et qu’on veut faire construire, mais que – patatras ! – une zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique (ZNIEFF) s’oppose à toute construction. Il suffit d’être rusé. Mais encore ? Une commune corse vient de faire réduire piano piano une ZNIEFF, en usant d’une petite combine parfaitement légale, révélée par l’association U Levante. Combine qui risque de faire école sur le continent.

En Corse, les Znieff de type 1, dont les contours ont été validés par des scientifiques du Muséum d’histoire naturelle, sont inconstructibles par application du Schéma d’aménagement de la Corse. Un document d’urbanisme qui vaut Directive territoriale d’aménagement. Mais, voilà qu’à Piana, la Znieff Capu Rossu/côtes rocheuses à Piana/Arone (n° 00840000) gêne les projets de bétonnage de la commune. Le projet de PLU nouveau  prévoit de rendre la limite sud de cette zone urbanisable. Juste au-dessus de la plage d’Arone.

La commune a mandaté un bureau d’étude – Biotope – qui a réalisé en quatrième vitesse et sur quelques jours un inventaire de la biodiversité sur le secteur à urbaniser. Comme l’inventaire est très rapide – et pour cause – il est bâclé. Sans le remettre en cause ou se pencher sur sa réalisation, la DREAL se fonde sur lui et déclasse le secteur en question, en passant outre l’avis du comité scientifique (deux voix pour, trois contre, sept absentions). Le 28 janvier, la DREAL Corse modifie la cartographie des ZNIEFF sur son site officiel, et ne rend sa décision publique que le 7 février. Et voilà. Le secteur déclassé est prêt à être urbanisé.

 

L’Etat en faillite

La Corse reste actuellement un territoire relativement sanctuarisé. Plus pour longtemps. Les pressions sont telles que les élus locaux ne peuvent guère que s’engager dans la fuite en avant dans le bétonnage. Certaines communes doublent leur zone urbanisable (Au) alors que leur population stagne ou diminue. Les services de l’Etat alternent entre hyper-rigorisme et passe-droits aux « initiés » ou aux riches français, perçus comme des colons. Il arrive que la loi Littoral, malmenée par les autorités, préfets y compris, ne soit appliquée que par les nationalistes Corses à coups de bombes. Trop d’argent et trop d’influence sont en jeu pour que la caste d’élus et de « responsables » qui vivent aux crochets de la République ne cèdent à la tentation de rendre un petit service illégal. Un trait de crayon sur un PLU, une modification de zonage, rapporte à coup sûr des millions d’euros. Générant un marché avec ses tensions, et la colère de la grande majorité des Corses qui voient leur île saccagée et qui se trouvent sans moyens, les avis contraires des autorités étant contournés, les décisions de justice n’étant pas appliquées. En Corse, l’Etat est en faillite, surtout sur l’urbanisme et la protection de l’environnement.

 

Pas seulement un problème Corse

no1880rtg9Mais il serait trop facile de cantonner à la Corse cette démission, voire cette faillite de l’Etat républicain, voire ripoux-blicain. De l’autre côte de l’eau, l’ADEBL, Association de Défense de l’Environnement de Bormes et du Lavandou, dans le Var, constate avoir de plus en plus de difficulté pour faire respecter le droit de l’urbanisme, y compris du côté des tribunaux, où les acquis juridiques de quinze ans de lutte, à raison de 30 à 40 procédures par an basées sur le non-respect de la loi Littoral (146-6 code de l’urbanisme) ou l’urbanisation qui n’est pas en continuité des agglomérations existantes (146-4-1 code de l’urbanisme), s’effritent peu à peu. Revirements de jurisprudences et décisions de 1e instance contre l’esprit de la loi conduisent à l’allongement et la complexification des procédures, qui s’ajoutent aux nombreuses pressions locales contre l’association, promue « empêcheur de tourner en rond » du Var. Martine Lafontaine, présidente de l’ADEBL, décrit la situation « les maires délivrent, dans un marché ouvertement spéculatif, tourné vers la résidence secondaire, des permis à n’en plus finir, sans tenir compte des équilibres naturels, des paysages, des terres agricoles ». Un constat qui pourrait aussi s’appliquer à la Corse. Outre le Midi, des problèmes semblables sont de plus en plus constants dans l’Aquitaine, l’Ile de France et l’Alsace. La collusion des constructeurs et des autorités chargées de les encadrer (maires et préfets principalement) n’est pas une illusion, devant l’appétit des intérêts politiques et la cupidité.

 

Et en Bretagne ?

Est de la ZAD. Toute cette eau dégringole vers le Gesvres, l'Erdre et Nantes. Mais la ZAD en conserve beaucoup plus l'hiver, comme une éponge immense de 1200 hectares.

Est de la ZAD. Toute cette eau dégringole vers le Gesvres, l’Erdre et Nantes. Mais la ZAD en conserve beaucoup plus l’hiver, comme une éponge immense de 1200 hectares.

Ce qui se passe en Corse vous étonne ? Pourtant la situation en Bretagne n’est pas exempte de reproches. Des îles connaissent une urbanisation ininterrompue et très peu contrôlée, comme Groix. Une urbanisation essentiellement résidentielle et estivale, qui n’apporte que peu d’activité aux communes l’hiver. Le syndrome des « volets clos » est connu sur toute la côte sud du Morbihan, sur le Golfe, mais aussi en Loire-Atlantique et dans les Côtes d’Armor. Sur la commune de Saint-Nazaire, la commune tolère les « déviations » récentes du chemin côtier sur les voies communales, en retrait du trait de côte, lorsque certains acheteurs barrent aussi le chemin, comme c’est le cas à la villa Géorama.

Et on a mieux encore, ou pire. Toutes les autorités publiques théoriquement chargées de la protection des espaces naturels – et les autres, encouragent ouvertement un grand projet dont l’assiette est composée de 98% de zones humides. Un grand projet dont les conséquences ne sont pas connues – et n’ont jamais été recherchées – sur le réseau hydrographique local, tant à petite qu’à grande échelle. Un projet dont la réalisation risque de rendre les communes avoisinantes plus sensibles au risque inondation. Un projet, qui contrevient à trois directives européennes, et qui est illégal depuis 2008 en droit français. Impossible ? Ces mêmes autorités viennent de commencer une campagne de publicité pour 300.000 € afin de convaincre la population de ses bienfaits. Ce projet est un projet d’Etat. Il s’agit… du projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes. Qui en dit long sur la volonté profonde de l’Etat : désanctuariser la Bretagne, la Corse, la Savoie, le Pays Basque, l’Alsace… et tout ce qui a échappé au bétonnage républicain.

Clichés : les Guignols s’attaquent à la Corse

25 Jan

Les bombes sont à la Corse ce que les cochons le sont à la Bretagne : un prétexte à clichés parisiens. Et ça n’a pas manqué dans les Guignols de l’Info du 23 janvier, qui une fois de plus chutent lourdement dans le cliché en présentant les Corses comme n’étant capables de solidarité que pour faire sauter la maison d’un continental.

foncierCorsespoliationspeculation-4Les mêmes Guignols oublient de préciser que bien souvent, c’est la loi française que les Corses font respecter à coups de bombes. Par exemple la loi littoral, largement foulée aux pieds par bien des élus locaux (et des préfets, aussi) incapables de résister aux pressions de toutes sortes – liées à l’argent de l’immobilier surtout. Pressions qui conduisent à une urbanisation tant démentielle – pour des communes dont la surface à urbaniser double suivant les révisions de PLU alors que la population stagne –  qu’anarchique. L’on construit un peu partout, au mépris des dispositions fondamentales du droit de l’urbanisme, telle que la continuité de l’urbanisation mais aussi de la situation des réseaux, des routes, de la géographie même. L’argent prime sur la nature, les passe-droits accordés aux uns suscitent la rancœur des autres, et des nouvelles pressions, toujours plus, pour transformer la terre en or. Un coup de crayon sur un zonage, c’est vite arrivé. Une bombe aussi. Mais une explosion plus importante menace tout le monde : le ras-le-bol des Corses, qui voient leur île saccagée – souvent en toute apparence de légalité et parfois par des Corses eux-mêmes – et qui n’ont que les bombes pour s’opposer au massacre de leurs paysages, de leur île, de leur nation.

Addendum : un lecteur nous rapporte que les Guignols ont bien commencé la semaine, en faisant dire à la marionnette de Mitt Romney au coin d’un gag que Erwan était un « prénom Breton tout pourri« . Surtout, ne sortez pas du caniveau !

Un trait de crayon, des millions d’euros

20 Nov

Bonne nouvelle pour la   Corse. La Cour Administrative d’Appel de Marseille, habituée à redresser lesillégalités flagrantes des élus Corses, a annulé le permis de construire des marinas du Soleil à Patrimoniu.

Pourquoi ? Parce que ces quatre bâtiments et garages étaient illégaux à l’égard de l’article 146-4 du Code de l’Urbanisme, et que le permis de construire était donc contesté par deux associations de protection de l’environnement corses, U Levante et U Polpu. L’article en question prévoit, pour toutes les communes littorales   que « L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. » Et il se trouve que le projet devait être implanté en pleine nature.

Un exemple parmi d’autres en Corse. Sur cette île, les préfets s’assoient de temps à autre sur les lois dont ils sont censés garantir le respect  pour peu que le colon qui demande le permis de construire soit riche et parisien. Ainsi, des villas peuvent être construites dans la bande littorale… voire sur le domaine public maritime, propriété inaliénable de l’Etat depuis l’édit de Moulins (1566). La régularisation de telles constructions ne peut être que la démolition, ce sont donc les nationalistes Corses, qui, ironie de l’histoire, font respecter la loi  en les faisant sauter. Et quand la justice décide de restaurer le droit, en ordonnant la destruction de constructions illégalement bâties comme l’est la villa et le port des Catoni à Cagnano (Cap Corse), la décision n’est pas appliquée !

Le problème n’est pas seulement Corse. Le Canard Enchaîné se fait ainsi l’écho des rebuffades subies par de nombreuses associations de protection de l’énvironnement, tant en Aquitaine qu’en Alsace, qui ont l’outrecuidance de faire annuler les permis de construire autres grands projets d’aménagement complètement illégaux décidés par les élus. Ces derniers menacent alors de couper les subventions aux dites associations.

Mais en Corse, comme sur la côte provençale toute proche, il y a plus grave encore. Une île de 8600 km², bien grande pour ses 305.000 habitants. Objet de convoitises. Ile dont les habitants ont l’habitude de prendre des distances avec les lois, avec certaines d’entre elles. Et quand « un coup de crayon sur le zonage vaut des millions d’euros », la tentation est bien grande pour des maires de communes dont la population stagne  de changer des zones inconstructibles, boisées ou agricoles, en zones constructibles. Nc (agricole), Nd (protégé) contre NA (urbanisation future), sur quelques hectares, cela se voit si peu et cela rapporte tant.

Alors Pierre-Laurent Santelli, de U Levante, empêcheur patenté d’urbaniser en rond en Corse, a pris sa plume. Manuel Valls, avant d’aller terroriser les opposants à Notre-Dame des Landes, bien à l’abri depuis Saint-Nazaire, a invité les Corses à parler pour sortir de la spirale mortifère. Pierre-Laurent Santelli a parlé.  Pour qu’un jour cela serve ailleurs, en Provence ou en Bretagne, au Lavandou, à Arradon ou à Groix, sur ces terroirs magnifiques qui attirent toutes les convoitises, et où la loi de la République fait qu’un trait de crayon sur le PLU rapporte des millions d’euros. Surtout si le trait de crayon est soutenu par le Premier Ministre.

« En Corse, on connaît les commanditaires, on sait, mais on ne parle pas.

Alors j’ai pris mes responsabilités.

 Et j’ai balancé. Je les connais.

Ceux qui achètent et attendent. Ceux qui achètent puis déclassent, ou font déclasser, par centaines d’hectares des pans entiers de collines au dessus d’un golfe aux eaux limpides pour les rendre constructibles, les faisant passer de maquis pour les sangliers à lots à 2 millions d’euros.

Je sais qu’il suffit d’un simple trait de crayon sur un zonage.

 Un simple trait de crayon, baguette magique transformant la terre en or.

Un trait de crayon, des millions d’euros»

Le Conseil d’Etat redresse le Préfet de Corse-du-Sud

14 Nov

Et un préfet, un ! Le préfet de Corse du Sud avait délivré lui-même, suite au refus de son administration de transgresser la loi, un permis de construire dans une zone inconstructible. Le Conseil d’Etat a remis les pendules à l’heure, sèchement. De quoi peut-être faire réfléchir les préfets, qui, ailleurs, se permettent de traiter par dessus la jambe les lois qu’ils sont censés appliquer.

Un modeste citoyen, Alain Carlotti, habitant du Vésinet et gérant d’une petite SCI au petit capital de 200.000 €  a désiré faire construire au beau milieu de la forêt littorale de la commune de Coti Chjavari, sur le périmètre du site classé du sud du rivage d’Ajaccio. Oh, rien qu’un petit cabanon ! De 472 m². Qui dit site inscrit, dit avis de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF). L’ABF fait son travail et émet un avis défavorable le 7 décembre 2006, comme suit « le terrain est situé sur des versants boisés ponctués d’émergences rocheuses qui forment, avec l’Isula Piana, une unité paysagère remarquable… toute construction en ces lieux est de nature à porter atteinte au caractère naturel et à la qualité paysagère du site inscrit ». Bref, c’est non.

Le 18 décembre, le directeur de la DDE refuse car le terrain se trouve hors des limites de l’agglomération. Mais le modeste citoyen a quelques amis du temps de France Telecom  et ceux-ci l’aident. Ainsi, le préfet écrit le 24 janvier 2007 au directeur de la DDE « Après examen de ce dossier, je vous demande de bien vouloir prendre les dispositions utiles afin qu’un nouvel arrêté autorisant le permis de construire soit délivré ». En clair, le préfet enjoint au directeur récalcitrant de transgresser la loi, ce que le directeur de la DDE refuse. D’autant plus qu’il n’y a pas de risque de flou juridique. Une circulaire de 2006 en clarifie l’application sans risque de confusion. Légalement, c’est impossible.

Qu’à cela ne tienne ! Le préfet fait valoir la coutume sur la loi en application de l’adage « Que vous soyez puissant ou misérable » comme d’habitude quand il s’agit de la Corse  et délivre le permis de construire lui-même le 2 février 2007. Une association locale de protection de l’environnement, le Garde, demande au tribunal administratif d’annuler cette décision. Une autre association, U Levante  relaie cette nouvelle avanie faite par les préfets au peuple Corse.

Et là, c’est le début d’un long marathon judiciaire, où les Corses ont vu le tribunal administratif faire son travail (en annulant le permis de construire), la Cour Administrative d’Appel refuser de le faire (en élevant le prétexte spécieux, mais de droit, que l’association a été créée postérieurement à la décision litigieuse) et le Conseil d’Etat remettre les points sur les i. En prouvant au passage que même si l’association requérante a été créée après la décision litigieuse, ce seul fait ne peut empêcher l’application du droit et l’annulation de la décision illégale. De quoi faire réfléchir le préfet de Haute-Corse qui est en train de faire la même chose.