NDDL : comment les habitants de Loire-Atlantique soutiennent la lutte ?

28 Déc

Depuis quelques semaines, le soutien local aux occupants de la ZAD opposés au projet d’aéroport s’intensifie. Blocages de péages, gardes tournantes sur la ZAD, rassemblements ou encore mailing intensif : les formes sont nombreuses, le but unique. Faire reculer Vinci et le gouvernement.

"Libération" du péage d'Ancenis samedi 22/12/2012 par le collectif de soutien ZAD - Châteaubriant

« Libération » du péage d’Ancenis samedi 22/12/2012 par le collectif de soutien ZAD – Châteaubriant

Ainsi, le péage du Bignon et celui d’Ancenis sont régulièrement la cible d’opérations de « libération ». Péage libre, barrières relevées, autant d’économisé pour les automobilistes qui affluent vers Nantes (ils paient 4.60€ à Ancenis). Les deux seuls péages de Bretagne, d’autant plus incongrus que depuis le XIIIe, les Ducs, puis les gouverneurs de Bretagne ont tout fait pour limiter et réduire les octrois et les péages routiers, ont été bloqués deux fois en décembre par les opposants, la dernière fois le 22 décembre. A Ancenis, l’opération était organisée par le collectif de Châteaubriant, qui bloque aussi régulièrement la permanence du député PS Yves Daniel. L’opération de libération du péage a amené du cash : 1000 € ont été collectés par les membres du collectif, qui invitaient les automobilistes à contribuer à la lutte. Ils seront versés sur le compte de la ZAD afin de faire face aux importants frais de justice engendrés par les recours multiples et la défense des opposants, régulièrement interpellés et jugés.

Les comités locaux, cellules de mobilisation paysanne

Au centre de toutes ces actions locales, telles les visites de permamence ou les rassemblements sur les chantiers faits par des filiales de Vinci, une pièce maîtresse : les collectifs locaux de soutien. Au 6 décembre, ils étaient 23 en Bretagne, dont 7 en Loire-Atlantique : Châteaubriant, Saint-Nazaire, Orvault, Nantes, Clisson, le Loroux, Vallet. S’y sont ajoutés depuis un très actif comité à Blain, un autre dans la région de Nozay-Nort sur Erdre (sud du Castelbriantais), un qui rassemble les habitants des communes du sud de la Vilaine (canton de la Roche-Bernard), un autre pour le nord de la Brière, un pour Guenrouët et la vallée du Brivet, etc.

Omniprésents dans la lutte, les tracteurs sont la marque visible du soutien du monde paysan

Omniprésents dans la lutte, les tracteurs sont la marque visible du soutien du monde paysan

Ces comités sont structurés à la fois par les militants pour l’environnement et les agriculteurs. La Confédération Paysanne, très impliquée dans la lutte puisqu’elle fait partie des organisations qui forment la coordination contre l’aéroport, a formé un planning tournant de gardes paysannes. Chaque semaine, des paysans volontaires d’un canton vont sur la ZAD et montent la garde ou participent au montage des cabanes, sur la Chat Teigne et ailleurs. Ils y laissent souvent un voire  deux tracteurs, et quand ils en ont besoin, peuvent compter sur la solidarité d’autres agriculteurs. Cette organisation concerne les exploitants du centre et du nord de la Loire-Atlantique, de la Brière à Ancenis et de Châteaubriant à la Loire. Mais d’autres agriculteurs Bretons viennent prêter main forte. Le mardi, sur la ZAD, c’est le jour des paysans d’Ille-et-Vilaine. Et les morbihannais devraient venir « prendre la relève » des comités locaux en janvier.

Action locale, information et collecte de matériels

Les comités locaux font aussi des actions là où ils sont implantés. Organisés en commissions (sous-groupes), à raison d’une par sujet à traiter, ils tractent sur les marchés, organisent des rassemblements devant les lieux de pouvoir (tous les vendredis à Châteaubriant, un jour sur trois à Nantes), collectent des ressources et du matériel pour la ZAD. Leur action a été précisée par l’AG inter-comités qui a eu lieu le week-end des 15 et 16 décembre. Quand la ZAD organise des grands événements, comme le festival musical FestiZAD du 4 au 6 janvier 2013, ils pourvoient aux besoins logistiques (chapiteaux, cables, matériel technique). Des membres des comités locaux organiseront aussi l’accueil des visiteurs et des groupes. Il est d’ailleurs éclairant de constater qu’en un minimum de temps, la ZAD a pu réunir un matériel assez important pour son festival, puisqu’il ne lui manque actuellement qu’un corps de batterie et une régie avec système dmx pour les jeux de lumière. La collecte d’argent a été l’objet de longs débats pendant l’AG inter-comités. Elle sera finalement développée, parce que les opposants vont faire face à « d’importants frais judiciaires » liés aux recours engagés autour de la Chat Teigne et du projet d’aéroport en général, mais aussi pour la défense des militants interpellés par les gendarmes et souvent jugés en comparution immédiate.

Des idées d’action circulent par mailings et sur le site de la ZAD. L’une d’elle, abordée le WE du 16 décembre, devrait être reprise par une grande partie des comités locaux : intervenir pendant les vœux des élus dans les collectivités, soit passivement en brandissant des pancartes, soit activement en prenant la parole pour interpeller élus et citoyens et diffuser partout l’esprit de la lutte.  Autre action organisée souvent par les comités locaux : les réunions d’information nombreuses, dont nous parlions déjà en novembre. Elles sont maintenant de plus en plus locales, réunissant un « zadiste  historique », c’est-à-dire présent sur la ZAD depuis plusieurs mois, avant le début des opérations policières le 16 octobre, des paysans de Notre-Dame des Landes, un ou plusieurs élus ou militants opposés au projet (pilotes, élus, paysans…).  Par exemple, une soirée d’information et de débat sur le projet est organisée à Saffré le 28 décembre à 20h (salle municipale Haut) par le Collectif d’élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport (CéDPA) et le comité de soutien local Nozay-Nort-s/Erdre. Certains des comités locaux éditent aussi des tracts. Nous mettons à disposition le tract commun édité par les comités locaux du Sud-Vilaine et du nord de la Brière, qui annonce les réunions locales d’information début 2013.

Blain : des cartes d’électeur qui interpellent

Autre action locale, les déchirages groupés de cartes d’électeurs. Le très actif comité de
Blain a réuni 70 personnes qui ont déchiré 83 cartes. Ce qui n’a pas manqué d’interpeller le maire de Blain Daniel Leroux (PS), lui aussi opposé à l’aéroport et membre du CéDPA, mais qui a répondu dans l’Ouest France du 18 décembre qu’il « ne peu[t] cautionner l’action de déchirer sa carte d’électeur » ce qui reviendrait « à faire acte publiquement d’un abandon » du droit de vote acquis par une longue lutte historique. Le comité lui a répondu que le gouvernement et les barons locaux n’étant pas dans une logique de dialogue – qui ne peut être arraché qu’après des violences qui ne pouvaient plus être cachées aux médias, « face au mépris du pouvoir, il ne reste plus aux citoyens que le pouvoir de déchirer leurs cartes d’électeurs pour émouvoir leurs élus locaux » et les pousser à s’engager plus avant, conformément aux vœux de leurs électeurs. En effet, en 2008, lors du basculement de la commune de Blain à gauche – dès le 1er tour et avec des scores sans appel – la liste de gauche plurielle s’était engagée sans ambiguïté contre l’aéroport.

L’annulation du marché de lobbying illégale

Des opposants déterminés à ne pas se laisser prendre pour des pommes.

Des opposants déterminés à ne pas se laisser prendre pour des pommes.

L’action se dématérialise aussi, et prend de l’ampleur en étant relayée par les comités locaux. Par exemple, lorsque l’appel d’offres de « prestations intellectuelles de lobbying » sur les réseaux sociaux (190.000€) a été passé par le syndicat mixte chargé de la mise en place institutionnelle de l’aéroport, 3.000 personnes ont suivi l’appel de Reporterre à réclamer le dossier de consultation. Les services ont été complètement débordés et Auxiette, le président de la région Pays de Loire a préféré annuler l’appel d’offres. Problème : cette annulation est très probablement illégale  parce qu’elle est dénuée de motif, et qu’on ne peut annuler un appel d’offres en cours que pour des motifs « d’intérêt général » (article 59 du code des marchés publics, IV) Or, aucun de ces motifs récemment précisés  par Pierre Moscovici ne convient au cas d’espèce. La politique de Gribouille continue.  Et ce d’autant plus qu’une enveloppe de 400.000 € a été prévue pour le lobbying médiatique de l’aéroport, et elle sera utilisée. A raison de 60.000 € par campagne publicitaire pleine page dans Ouest-France, Presse-Océan et les hebdos associés, il y a de quoi en organiser six autres tout en renflouant le grand journal rennais, déficitaire et fortement subventionné du reste.La conjuration des cyber-chouans

Statue connue pour être celle d'un chouan. Abbatiale St Gildas de Rhuys (XIXe).

Statue connue pour être celle d’un chouan. Abbatiale St Gildas de Rhuys (XIXe).

La lutte des zadistes sait aussi marcher avec son temps. Les trucs et astuces du parfait cyber-militant circulent entre les comités : adresses jetables, recours à TOR et à Usenet, proxys, groupes Google, listes de diffusion chez Yahoo, Sympa ou RiseUp, jeunes et vieux se mettent à un web moins surveillé et plus actif. Plus efficace en somme pour bombarder de mails les petits ou grands responsables de Vinci, dont les adresses mail professionnelles sont en libre-service sur les sites militants. Des actions sont faites auprès des filiales de Vinci, dont une centaine est active en France.  Des mails-types sont envoyés par dizaines, par centaines, par des citoyens de partout. L’un d’eux concerne le libre passage des buses au-dessus du futur aéroport, y compris de la « triple buse Vinci ». D’autres posent des questions nettement plus sérieuses, piochées parmi les nombreuses imperfections et inexactitudes du projet officiel.

Sans intérêt, diront les esprits chagrins… peut-être, mais la pierre et la fronde sont l’arme des petits. D’un côté, Goliath et ses millions, les pressions du pouvoir, « leur justice »  de l’autre, des citoyens qui n’ont que peu de moyens, et dont la solidarité et le dévouement supplée à leur pauvreté. Parce que s’il existe bien une Association Citoyenne Pour la Réalisation de l’Aéroport de NDDL (ACIPRAN),  son téléphone de contact est domicilié aux bureaux de la Chambre de Commerce et d’Industrie à Nantes. Pour un mouvement citoyen, peut mieux faire. Alors sur la ZAD, en Loire-Atlantique, en Bretagne et dans le reste du monde, des petites mains chaque jour plus nombreuses communiquent la lutte à tous les étages de la toile du web. Et pour l’instant, la vague ne fait que s’amplifier. Laissons le mot de la fin à un militant de Clisson : « Le pouvoir dépense des centaines de milliers d’€ d’argent public pour faire du lobbying. Nous on fait la même chose, mais gratis, et ça a une portée énorme. A chaque mail, Vinci se prend ZAD dans sa gueule».

7 Réponses to “NDDL : comment les habitants de Loire-Atlantique soutiennent la lutte ?”

  1. Lecointe Claude. décembre 28, 2012 à 12:39 #

    Bon article, comme toujours, mais pas très à jour sur les comités locaux: il en existe un dans le Pays de Retz bien avant le 6 décembre.

  2. Zadystère décembre 30, 2012 à 8:28 #

    A reblogué ceci sur comite08notredamedeslandes.

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