Printemps français, réveil Breton

25 Mai

Depuis le début de la contestation contre le mariage homosexuel, l’élan est impulsé depuis les territoires de l’ouest de la France, et notamment la Bretagne. Le 24 mars à Paris, ce sont des Bretons et des Normands  qui chargent sous leurs bannières, bravant l’interdit judiciaire, et mettent la manifestation sur les Champs. Depuis, malgré une forte opposition locale des extrêmes de gauche (Rennes), c’est encore en Bretagne, en Anjou, en Vendée et en Normandie que la contestation s’est le plus rendue locale et énergique, convergeant au passage avec d’autres sujets de mécontentement. Pourquoi le Printemps Français a tellement d’écho là-bas et surtout en Bretagne ? Quelques éléments de réponse dans ces territoires bouillonnants, où le vent du changement souffle d’ouest.

 

L’Ouest de la France, plusieurs espaces

24 mars : les Bretons mettent la manif sur les Champs en chargeant derrière leur drapeau

24 mars : les Bretons mettent la manif sur les Champs en chargeant derrière leur drapeau

Avant tout, le Grand Ouest tel qu’il est envisagé par l’administration centrale parisienne et les médias… parisiens ou inspirés de cette vision centralisatrice, n’existe pas. Pas plus que le Grand Est ou le Midi. Il y a donc, sous la couverture, plusieurs espaces. Se détachent nettement la Bretagne – Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Finistère et Côtes d’Armor – mais aussi l’Anjou (Maine-et-Loire), les cinq départements de la Normandie, ceux de la « Basse-Normandie » sont plus concernés, le Maine – Sarthe et Mayenne – et la Vendée. La Bretagne elle-même se subdivise sans perdre son unité entre Haute-Bretagne – Ille-et-Vilaine et Loire-Atlantique, plus industrielles et urbaines – et Basse-Bretagne (le reste). Cette distinction, on va le voir, a aussi son importance.

A la diversité des espaces répond celles des peuples – ici, la diversité intérieure de la France a encore de beaux jours devant elle. La culture bretonne, sauvegardée et même réveillée depuis les années 1970, a repris de la vigueur à mesure que la culture française tombait en désuétude, plombée par les mythes propagés par son propre gouvernement et à la mode anti-française héritée de 1968. Surtout, elle est ici synonyme de résistance, et les douleurs liées aux « interdit de parler Breton et de cracher par terre » sont encore vives. La foi unit les territoires – réveil du catholicisme dans la Haute-Bretagne et le Morbihan, force de la tradition catholique et celtique en basse-Bretagne, en Normandie, dans le Maine et en Vendée, fort arrière-pays catholique et toujours déterminé à défendre sa foi menacée. Par ailleurs, si ces divers peuples et territoires ont été par la voie des fortunes de l’Histoire, dressés souvent les uns contre les autres, ils partagent aussi des élans historiques et sociaux communs.

 

 

Territoires éveillés aux injustices et aux luttes

Massacre des Lucs sur Boulogne (Vendée)

Massacre des Lucs sur Boulogne (Vendée)

Si ailleurs, la République peut signifier libération et « liberté – égalité – fraternité », dans l’ouest de la France, plus qu’ailleurs, République rime avec curés assassinés, colonnes infernales et brimades culturelles ou linguistiques… puis nucléaire ou aéroport de Notre-Dame des Landes. Cette filiation républicaine dans l’injustice et l’imposition de projets –  souvent des choix de société – révoltants a fait des territoires de l’Ouest de la France des endroits réveillés au sentiment d’injustice et en lutte plus ou moins perpétuelle contre les abus du pouvoir central ou de ses relais – notables ou élus.

Premier élan historique commun : les chouanneries. Celles-ci s’étendent en vague de feu à travers toute la Bretagne, une grande partie de la Normandie, le bas Poitou (Vendée et Deux-Sèvres), le Maine et l’Anjou. On a beaucoup dit que les Chouans défendaient Dieu et le Roi ; mais le cœur de leur lutte, c’était surtout la défense de leurs territoires, de leurs familles et de leurs droits contre l’arbitraire du pouvoir républicain et jacobin. Lutte inégale, lutte héroïque, de Savenay au Mans et de Galerne à Cholet, les chouanneries ont donné naissance à un élan historique glorieux dont le souvenir s’est traduit dans les reconstructions du XIXe, les lieux-dits – ainsi de ceux nommés Mortrais, Mortrie ou Galerne – et les croix ou calvaires. En Loire-Atlantique, la croix dite des Vendéens au bourg de Savenay ou celle qui se trouve devant le château de Bruc en Guémené-Penfao rend hommage à ces ancêtres souvent anonymes, héros d’une histoire sanglante et glorieuse, dont la noble révolte a embrasé la France et donné aux peuples de l’Ouest de la France un inconscient historique où la lutte est devenue un possible, et une juste alternative lorsque le pouvoir jacobin dépasse les limites de l’acceptable.

Les années ont passé, les peuples et territoires de l’ouest de la France se sont fondus sous la bannière républicaine et française, mais l’inconscient historique, plus fort qu’ailleurs, continue de parler. Des projets qui passeraient ailleurs en France, comptant sur le suivisme et l’esprit moutonnier des populations, bloquent ici. Et au contraire, suscitent le rejet et la lutte. Deux exemples récents s’il n’en est de la profonde aversion des gens de l’ouest – et surtout des Bretons – contre l’injustice et l’avenir qu’on leur impose depuis Paris : la ligne THT et l’aéroport de Notre-Dame des Landes.

Appel à saboter le chantier de la THT Cotentin-Maine

Appel à saboter le chantier de la THT Cotentin-Maine

Le chantier de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine fut loin d’être sans tensions pour RTE. Longue de 163 km à partir de Saint-Sébastien-de-Raids (Manche) dans le sud du Cotentin jusqu’à Beaulieu-sur-Oudon (Mayenne), cette ligne électrique supportée par 414 pylônes, aura selon RTE coûté au total 343 millions d’euros. Elle traverse 64 communes dans quatre départements (Basse-Normandie, Maine, Haute-Bretagne).  RTE et l’Etat sont passés sur le ventre des communes, la très grande majorité des recours et des arrêtés municipaux contre la ligne ont été cassés ou rejetés. A Chefresne, l’oppression a été particulièrement violente : la commune avait interdit les travaux en invoquant la Charte de l’Environnement (à valeur constitutionnelle), et avait été suivie par 45 communes sur les 64 traversées par la ligne. Fortes pressions contre les agriculteurs, mairies achetées par des subventions distribuées avec RTE – près de 100 millions d’€, un tiers du budget de la ligne, oppression des forces de l’ordre sont le quotidien  des habitants de la Manche proches de la ligne. A Chefresne même, le maire opposant à la ligne avait été placé en garde à vue, et les policiers qui voulaient déloger les habitants opposés au projet et installés sur le lieu du chantier ont utilisé des grenades assourdissantes. Bilan : 25 blessés. La ligne est passée, mais la Manche est en colère d’observer ses paysages en ruine, et d’être la poubelle nucléaire et électrique de l’Ouest de la France.

Un autre projet n’est pas passé sur le ventre des Bretons, mais après de lourds combats et de nombreuses illégalités commises par les pouvoirs publics sur place ; l’Europe et l’avis des scientifiques ont fini par sauver cette zone humide du cœur de la Loire-Atlantique, en Bretagne. Il s’agit de l’aéroport Notre-Dame des Landes (NDDL), le projet chéri du Premier Ministre Ayrault. L’abus de pouvoir est au pouvoir. Le 16 octobre 2012 les forces de l’ordre lancent l’opération César  pour déloger les habitants de la ZAD – l’aire prévue pour l’aéroport. Contre toute attente, l’opération s’enlise. Face à 1500 policiers surdéterminés et très armés, les zadistes résistent et mettent tant le terrain que le temps (pourri) à leur profit. Les bombes de gaz lacrymo et les grenades assourdissantes pleuvent sur le bocage, les blessés s’accumulent, mais la résistance paie : Notre-Dame des Landes ne tombe pas, et avec l’aide des paysans du cru, les résistants défont la nuit l’ouvrage abattu par les policiers le jour et tissent sans cesse leur réseau de barricades et de cabanes.

NDDL assiégée par les gendarmes mobiles et les CRS le 31 octobre 2012

NDDL assiégée par les gendarmes mobiles et les CRS le 31 octobre 2012

Début novembre, le pouvoir part de NDDL dans l’espoir de faire oublier son monumental raté. Il est bien aidé par les médias mainstream. C’est le black-out médiatique total. Pendant la première semaine des affrontements, seuls quelques uns couvrent les événements. Votre dévoué serviteur dans le Flochington Post puis BreizhJournal, Mediapart, Le Monde trois jours après en même temps que Reporterre, la radio Paris et Banlieues et RennesTV, 7 Seizh (qui se borne à recopier la chronique des événements tenus par les zadistes) et le Télégramme à la fin de la semaine. Mais le tumulte de Notre-Dame des Landes déferle sur le monde quand même, les Bretons s’engagent. Chansons, comités de soutien – près de 200 essaimeront dans toute la France, péages et permanences PS bloquées, Notre-Dame des Landes réveille la Bretagne et la paysannerie  et le jour, on peut voir de nombreuses voitures immatriculées de tous les départements bretons sur la ZAD. La lutte fait écho à une autre, enfouie mais non oubliée – celle des Bretons contre le nucléaire. Plogoff, bien sûr, mais aussi 30 ans de combat contre les projets nucléaires  imposés par l’Etat à l’ouest de Nantes, au Pellerin et au Carnet. A l’époque, 89 comités de soutien avaient essaimé dans toute la France et l’Etat avait essayé d’acheter les communes à coups de millions sans parvenir à canaliser l’indignation des citoyens.

En novembre, il y aura d’autres affrontements. A la fin des fins, le 24 novembre, suite à une opération d’expulsion illégale et de nombreux blessés, les forces de l’ordre se font éjecter de la ZAD par les paysans  et une manifestation spontanée de 8000 personnes assiège la préfecture, de nombreux drapeaux Bretons flottent sur Nantes. C’est là que le gouvernement annonce que les travaux de défrichage seront repoussés de six mois, le vent commence à tourner pour NDDL. Mas le retrait progressif des forces de l’ordre, puis l’enterrement du projet par les scientifiques et l’intervention européenne  ne peuvent faire oublier les nombreuses étrangetés.

medium_presseDans le désordre, pratiques journalistiques pour le moins bizarres   des médias dominants (Ouest-France et l’AFP), notamment autour de  l’agression du vigile, forces de l’ordre qui se conduisent comme des troupes en pays occupé, dégradant les biens et le matériel  des habitants, mais aussi dénis de justice. Au sujet du blocus préfectoral opéré sur deux communes de la ZAD depuis début décembre  par exemple. En décembre, la justice fait encore mieux : se mettant au service des matraques (ah, l’indépendance des magistrats !) elle délivre une ordonnance d’expulsion pour la Châtaigne, un lieu symbolique de la lutte, ce village de cabanes construit à partir de la manifestation de réoccupation du 17 novembre sur un terrain au cœur d’un imbroglio judiciaire. Seul problème : l’ordonnance est juridiquement nulle  et deux fois en plus. Cela mériterait un affichage sur le « mur des cons« , n’est-ce pas? Enfin, lorsque les scientifiques mettent un coup d’arrêt au projet d’aéroport  et que le Comité national de protection de la nature (CNPN) chargé de délivrer les autorisations d’atteinte aux zones humide et de transfert des espèces naturelles protégées, refuse de valider la poursuite des travaux,  là encore, les médias dominants se font très discrets et refusent de faire connaître la nouvelle. Si bien qu’une partie de la population ignore que le projet d’aéroport est complètement dans les choux. Pourquoi cette pudeur journalistique ? Parce que le rapport des experts met en lumière le fait le plus dérangeant : le projet d’aéroport est illégal depuis cinq ans en droit européen et quatre en droit français. Ainsi le gouvernement, de nombreux élus (PS et UMP principalement), Ouest-France, l’AFP, Libération, Le Figaro, les institutions de la police et de la justice, et quelques tribunaux ont tous participé à un délit voire un crime contre l’environnement. A une tentative tout au moins, dument préméditée. Comme si l’Etat soutenait le vol ou le viol.

une Bretagne réunie qui dit non à l'aéroport

une Bretagne réunie qui dit non à l’aéroport

Mais le mal est fait. Secteur du plus grand maillage des comités de soutien, l’ouest de la France s’est réveillé et si ses habitants ne soutiennent pas toujours la lutte, du moins sont-ils au courant qu’un peuple de boue a fait flancher le gouvernement de là-bas, loin, à Paris. Et que les gendarmes mobiles ont du reculer, vaincu par la détermination des Bretons et par leur temps. C’est l’exemple d’un peuple debout qu’ils reprennent, lorsqu’ils font assaut d’inventivité et d’actions coup de poing pour montrer leur opposition ferme à la loi Taubira, qui pour le coup passe sur le ventre à une société entière. L’ouest de la France compte ainsi des plus départements les plus actifs contre le « mariage pour tous », qui désorganise complètement le droit de la famille et de la filiation en France. La Manche, la Loire-Atlantique ou l’Ille-et-Vilaine rivalisent ainsi d’activisme. Plus généralement, la Haute-Bretagne (35, 44) suivie du Morbihan, où s’est réveillé le catholicisme Breton, et l’ouest intérieur, du Maine à la Vendée en passant par la Basse-Normandie où il y a en plus des élus opposés à la loi comme Philippe Gosselin. Avec le seul député de droite de Basse-Bretagne Marc le Fur, il est à la pointe du combat déterminé des gens de l’ouest contre la loi. Pourquoi une telle résurgence de la chouannerie ? Peut-être parce que ce sont avant tout des régions seules qui se retrouvent ensemble pour lutter, éveillées à la contestation sociale et à l’union par des refus contre de grands projets qu’on a trop vite catalogué « à gauche » ou « alter-mondialiste » voire « anarchiste » quand ils étaient surtout les manifestations de volonté du peuple, de la majorité qui en avait assez d’être silencieuse.

 

Des régions seules face à la crise, mais solidaires

la_lutte_continueDepuis six ans, la crise s’acharne sur l’ouest de la France. Cœur économique et culturel de ces territoires, les deux départements de Haute-Bretagne résistent, mais à quel prix ? Plusieurs milliers de postes supprimés à Chartres de Bretagne (PSA), dans la sous-traitance, les chantiers de Saint-Nazaire sauvés de justesse (et pour de bon) après avoir été dans un pétrin inconnu depuis les années 30  par son ampleur. S’ajoutent à cela le krach d’une partie de Doux en Basse-Bretagne (Morbihan, Finistère, Côtes d’Armor), l’entreprise ayant du affronter en plus l’hostilité du pouvoir politique républicain et de ses relais (médias et syndicats) attitrés et subventionnés (1 milliard d’€ par an pour la presse, quatre pour les syndicats). Hors de Bretagne, ce n’est guère mieux. Dans une France qui perd maintenant une usine par jour alors qu’elle en perdait une tous les trois jours en 2005, les territoires de l’Ouest sont soumis à rude épreuve et craquent peu à peu. Ecrasées d’impôts imposés par Paris, piégées sous l’avalanche législative et normative, ou la boulimie d’arrêtés de ministres qui se savent sur un siège éjectable et qui ne savent plus quoi faire pour montrer leur existence, les entreprises n’en peuvent plus, d’autant plus que le pouvoir ne les aide pas. Les subventions, c’est pour les territoires qui votent bien. Une petite ville comme Bessé-sur-Braye, aux confins du Maine, du Dunois et du Vendômois, témoigne du malaise. Quatre entreprises y ont fermé ces derniers mois, une centaine d’emplois ont été rayés de la carte dans ce centre industriel isolé. De plus en plus de bourgades deviennent de nouveaux Vierzon. Face au désastre économique dont le pouvoir central parisien porte une part importante de responsabilité, il reste encore la solidarité.

Ainsi en Bretagne, AMAP, jardins et garages solidaires prospèrent. La plus grosse SCOP (société ouvrière participative) de France produit des tuyaux à Périers, en Manche. En Loire-Atlantique, sur 221 communes, il y a 108 AMAP, et le covoiturage ne s’est jamais aussi bien porté qu’en Bretagne. Notre génération est l’aboutissement d’une précédente qui a sacrifié sur l’autel d’une modernité imposée la plupart des liens sociaux traditionnels – famille, paroisse, communauté villageoise, de quartier ou de peuple – qui structuraient la société et lui donnaient de la résistance contre la crise. En Bretagne où ces liens sont moins distendus et mieux conservés qu’ailleurs, la solidarité devient une nouvelle société, débarrassée du désenchantement post-moderne.

Et de proche en proche, ce modèle social rajeuni où la Bretagne sacrifie à son destin historique – slalomer depuis cinq siècles entre les édits français et depuis 225 ans entre les coups de matraques républicains – se propage vers des départements reconnus comme plus calmes et plus suivistes. Mais à tous ces gens là, la crise avait encore laissé leur famille. La loi Taubira l’abat, et propulse contre leur vouloir un changement de civilisation profond porteur de plus de dangers que de libertés nouvelles. Avec l’adoption et le mariage homosexuels, c’est le modèle de la famille naturelle qui est définitivement mis en péril, avec une mortifère déconnexion entre la loi des hommes et la vérité naturelle. Avec la PMA et la GPA, les femmes pourront vendre leurs enfants à autrui, le commerce d’humains sera autorisé et le ventre des femmes pauvres sera un bien de commerce à disposition des bobos de Paris, des Pierre Bergé et d’autres qui achèteront des bébés comme d’autres des pommes au marché.

L’action des comités locaux – enfin départementaux – d’opposants répond au besoin d’expression solidaire particulièrement fort des habitants de l’ouest de la France. Ensemble, ils découragent les ministres de venir dans les départements – comme Najat Vallaud Belkacem  à Nantes ou Benoît Hamon en Manche (qui annule les 3/4 de son déplacement à la dernière minute dans l’espoir de leur échapper), ensemble ils se font gazer parfois en pleine gare  ou ridiculisent les forces de l’ordre en Sarthe; et partout, leur action collective met en lumière la déconnexion entre la majorité des élus républicains et le peuple. Injustifiable devant les grands projets, ce grand écart entre les notables de la politique, le nouveau pourcent de super-privilégiés, et les 99% du reste du peuple devient intolérable dans un tel changement social, impulsé par une élite super-minoritaire et très lointaine qui loin de faire aspirer à l’élévation par la condition ou par le savoir, pousse à l’abîme. La saine révolte contre la tyrannie du néant fonde cette nouvelle chouannerie que connaissent les territoires maintenant bouillonnants de l’ouest de la France et qui de proche en proche se propage vers des départements reconnus pour leur calme, comme le Loiret ou le Loir-et-Cher.

 

Pourquoi le pouvoir perdra ?

Le comité de soutien creusois contre l'aéroport dit non à Ayrault et ses projets inutiles

Le comité de soutien creusois contre l’aéroport dit non à Ayrault et ses projets inutiles

Face au succès populaire de la Manif pour Tous ou du Printemps Français, le pouvoir menacé met en œuvre les mêmes moyens que contres les opposants à Notre-Dame des Landes. Dictature légale, avec l’interdiction proposée du Printemps Français (il sera difficile de mettre aux arrêts un site internet, une mailing list et quelques communiqués), justice aux ordres qui interdit les Champs Elysées à la manifestation du 24 mars. Police chargée de faire subir les affres de la garde à vue et du gaz lacrymo à des curés, des familles  et des manifestants pacifiques. CRS qui molestent des jeunes désarmés qui veillent en chantant et en priant. Trucage bête et méchant des photos de la manifestation du 24 mars  pour justifier les chiffres ridiculement bas annoncés dès avant la manifestation par le ministère de l’Intérieur. Sans oublier les amalgames et les non-dits d’une presse aux ordres, qui fait à l’égard de la Manif pour Tous et du Printemps Français la même censure légale que celle qui était dirigée contre les zadistes, en passant sous silence les voies de fait des forces de l’ordre et du pouvoir, ou en relayant avec connivence et complaisance les informations distillées par le pouvoir et ses barbouzes. Entre déni et coups de matraque, la république des ripoux applique les mêmes moyens qui ont fait faillite contre les opposants de Notre-Dame des Landes ou du nucléaire. Et ce sont les Bretons, habitués aux luttes sociales et à la tyrannie légale d’une République qui a justement commencé à être illégitime et sanglante sur leur terre, qui déminent et désarment ces derniers soubresauts d’un régime à l’agonie. Le pouvoir perdra tout simplement parce que le peuple en a marre, et que les Bretons en ont plus que marre.

bretagne-anti-sarkoPourquoi ils en ont plus qu’assez ? Déjà parce que ça fait six ans que le pouvoir central ne s’occupe des Bretons que pour les insulter ou les accabler d’impôts. Les « cons » que ne voulait pas voir Sarkozy et les « kystes » juste bons à avaler l’Ayraultport et dire merci, ce sont les mêmes. Insultés parce qu’ils ont un avis diffèrent. La liberté, l’égalité et le droit français ne s’appliquent pas à eux, parce qu’ils pensent différemment, ils sont donc des citoyens de seconde zone pour le pouvoir parisien. La Bretagne s’est livrée à la gauche mais est en train de basculer, sans pouvoir cependant trouver d’alternative. Elle n’a pas la fibre extrémiste – de gauche ou de droite, ses indépendantistes n’ont jamais su lui parler ni se structurer efficacement  et la droite y défraie plus la chronique par son incapacité politique notoire  ou ses petits arrangements entre amis  que par ses propositions politiques.

Les Bretons n’ont pas non plus le recours au FN pour canaliser leur colère – ce n’est pas dans leurs habitudes, et le fait que le FN soit devenu un grand parti laïc dirigé par des gens qui font tout ce qu’ils peuvent pour faire oublier leur extraction bretonne choque leur inconscient historique, religieux et communautaire, qui, comme nous l’avons dit, est bien plus important et moins refoulé qu’ailleurs. Ces peuples de l’ouest très pro-européens, qui ont imposé Maastricht à la France en 1992 et voté massivement pour la Constitution Européenne en 2005 ne se retrouvent pas dans le repli dirigé contre l’Europe et impulsé en sous-main par un pouvoir parisien affolé de perdre son contrôle sur le pays.

Sans compter que la Haute-Bretagne – et même d’ailleurs les villes du reste du territoire Breton supportent comme elles peuvent une explosion de l’immigration – qui augmente deux fois plus vite  qu’en France sur les dix dernières années. Un changement social d’importance qui là encore se fait dans le déni des élus socialistes, quand ils ne l’encouragent pas, vu que les « cités » votent bien. Bref, la Bretagne qui affronte seule la crise n’a plus envie d’être raisonnable, tant le ras-le-bol est criant. Le réveil social et politique de ses habitants – d’origine ou nouveaux – rejoint un réveil de la pensée politique et une nécessaire convergence des luttes.

Mais les amalgames et les silences arrangeants de la « grande presse » subventionnée par l’Etat sont de plus en plus battus en brèche par les médias du Printemps Français, comme la Table Ronde, Nouvel Arbitre  ou le Rouge et le Noir.  Ainsi que des blogs de réinformation comme celui de Fikmonskov. Les deux derniers font d’ailleurs souffler une rafraîchissante brise d’ouest sur l’information française : le blog de Fik est de la Manche tandis que le Rouge et le Noir est impulsé depuis Vannes. S’y ajoute le très actif blog franco-breton des veilleurs de l’aube, Gedourion ar Mintin  lui aussi implanté dans le Morbihan et qui participe à la reconstruction d’une pensée bretonne et catholique nouvelle et autonome.

Pourquoi la Bretagne est tellement en pointe dans la ré-information ? Sans doute aussi parce que cette région hyper-connectée, mieux formée  et plus résistante aux méthodes scolaires catastrophiques telles que la méthode globale, véritable entreprise d’abrutissement massif du peuple, ne s’accommode pas de la médiocrité et de l’information prémâchée pour des citoyens élevés en batterie comme des poulets. En revanche, les Bretons se retrouvent très bien dans une lutte qui fonctionne beaucoup par les réseaux sociaux et les SMS, et qui doit à cette hyper-connexion une part non négligeable de son succès. Comme d’ailleurs la mobilisation contre l’aéroport. A partir du moment où les paysans et les zadistes pouvaient faire venir près de 1000 personnes devant les policiers en deux heures chrono, cette rapidité de mobilisation faisait de l’Ayraultport un Ayraultflop. Si bien que les pouvoirs publics auraient récemment tenté de pirater en masse des comptes Facebook  de militants de tous horizons… mais surtout Bretons et parisiens.

 

La nécessaire convergence des luttes

resistLes Bretons s’ébrouent, et ce réveil séculaire forme une nouvelle et nécessaire convergence des luttes et des mécontentements. Loin des anathèmes des idéologues ou des politiques, qui prétendent réduire la Manif pour Tous et le Printemps Français à quelques extrémistes, ce qui est aussi ridicule que de résumer l’ensemble de l’Empire Romain à Néron ou Caligula. Les anarchistes autonomes ou les extrêmes de gauche ultra-minoritaires à Notre-Dame des Landes bien qu’ils fassent beaucoup de foin ont beau fulminer contre les « fachos », à l’unisson de Valls, des activistes LGBT ou d’Ayraultbespierre, ils ne peuvent empêcher la réalité. Le 24 mars, dans le petit groupe de Bretons et de Normands  qui, courant derrière de grands Gwen ha Du, ont mis la manif sur les Champs, il y avait à mes côtés des agriculteurs du centre du Morbihan qui pensaient très, très fort à Notre-Dame des Landes pendant qu’ils chargeaient.

Pour l’heure, les indépendantistes Bretons politiques sont dans la même attitude que les socialistes français : le déni. C’est à la mesure de leurs plus grands points communs : l’obsolescence. Et finalement, l’insignifiance. Il est pourtant grand temps de réinventer une pensée bretonne enfin en phase avec son peuple et avec son histoire. Cela arrivera sans doute bien plus vite que l’on peut le penser. Pendant ce temps, le Printemps Français dispose de points d’appuis importants dans les deux capitales Bretonnes. Pourquoi ? Tout simplement parce que de tous les Français, les Bretons sont le plus attachés à l’idée France, à la diversité intérieure de la France éternelle, celle d’avant la République – et qui lui survit tant bien que mal – celle qui parle plusieurs langues et brille de mille facettes et de ses dizaines de peuples et de cultures intérieures, mais qui est capable de porter au monde une voix différente et sensée. Ce vieux pays si fatigué des guerres, mais capable des plus belles fulgurances. Les Bretons partagent plus de cinq siècles d’histoire commune avec la France, et que de glorieux élans communs depuis qu’à Orléans, Guyenne et à Formigny, des troupes bretonnes ont aidé les français à bouter hors les anglais !

Le Printemps Français, c’est aussi le réveil d’une France que l’on croyait abrutie et oubliée. Ce sont des peuples en marche derrière leurs drapeaux, symboles de leurs diverses identités au vent, unies derrière un commun faisceau de volontés : un pays, la France. Une multitude d’identités sur lesquelles la République avait tiré un trait, se confondant, se substituant à la France dans la propagande scolaire. Le Printemps Français rappelle avec force que la France, c’est bien plus que la République, et qu’il y a là une chance historique d’en finir avec la négation des peuples français. Depuis l’arrivée au pouvoir des socialistes, les « faits divers »  nantais (pères sur les grues, lutte contre l’aéroport, chômeurs qui s’immolent) traduisent le mal-être puissant d’un peuple las d’être ignoré et qui interpelle le pays tout entier. Dimanche, cette convergence en cours de formation sera à Paris, parce que même si la France a changé en 225 ans, une chose n’a toujours pas changé : les Révolutions se font toujours à Paris. Et c’est là-bas que, conformément à leur Histoire, les Bretons seront encore, derrière leurs bannières, à la pointe de la lutte. Parce que plus que tout le monde, ils ne lâcheront rien. Parce que, surtout, le 24 mars, il s’est passé quelque chose d’étrange et d’exceptionnel. Sur les Champs, au milieu des nuées de gaz lacrymo, une flamme de résistance s’est levée, et celle-ci ne doit pas s’éteindre, elle ne s’éteindra jamais.

9 Réponses to “Printemps français, réveil Breton”

  1. Awelmor Mai 25, 2013 à 2:48 #

    Trugarez deoc’h evit ar pennad dedennus-se.

  2. Creuxduloup Mai 25, 2013 à 3:10 #

    Quand même, reconnaissez que la Manifpourtous vous a rendu un fier service en monopolisant 5cars de CRS pour chaque déplacement de ministre…
    Non aux OGM, non au MGM, non à la destruction de notre paysage, de notre nature, humaine et végétale !
    Nous, les auvergnats, avons eu notre « mini Vendée en 1793 … Si internet avait existé..

  3. fanch Mai 25, 2013 à 10:09 #

    Breton de Paris, j’étais le 05 mai à la manif pour la VI et demain j’irai à la LMPT comme d’habitude.
    Donc aucun problème pour la convergence des luttes.

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