Le hameau de cabanes de la Châtaigne, construit depuis le 17 novembre 2012 au sud-ouest du bois de Rohanne est immédiatement expulsable. Ainsi en a décidé aujourd’hui la justice, qui astreint les occupants qui se sont déclarés habitants permanents à payer 450 € par jour d’occupation au bout de 8 jours. Le jugement pour la ferme de Bellevue tombe le 28. L’on s’attend là aussi à une décision favorable à l’expulsion de ses occupants. Cependant, alors que la ZAD s’attend et se prépare activement à un nouveau coup de force printanier, plusieurs facteurs externes plaident pour que le gouvernement arrête les frais.
La ferme de Bellevue abrite aujourd’hui une vingtaine de vaches – dont 14 ont été ramenées le 10 mars – une truie, une dizaine de poules et plusieurs paysans et occupants volontaires. Le collectif COPAIN44 qui fédére l’opposition paysanne à l’aéroport a appelé hier à « accentuer la mobilisation sur le site de Bellevue dès le 28 mars, et [à] renforcer le dispositif de protection autour de la ferme. Il est donc fait un appel urgent à tous les paysans, actifs ou retraités, de Loire- Atlantique et de tous les départements alentour, pour acheminer sur le site tracteurs et matériels agricoles opérationnels ou réformés. » Près de 124.5 hectares de terres dépendent de la ferme, dont la viabilité économique est réelle.Le village de cabanes de Bellevue était quant à lui pris dans un imbroglio juridique qui a démontré – s’il fallait encore le prouver ! – combien l’indépendance de la justice devenait une chimère lorsqu’elle traitait d’un projet d’Etat comme l’est l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Cependant, si Paris estime que les opposants sont trop Bretons pour avoir droit au droit français, l’Europe s’en est mêlée et surveille maintenant directement le dossier ce qui devrait avoir des conséquences importantes pour les occupants de la ZAD et opposants au projet. Notons au passage qu’il ne devrait pas y avoir d’expulsion tant que le rapport de la commission de dialogue ne sera pas rendu ; cette remise est prévue entre la fin du mois et début avril.
L’Hôtel Ibis de Treillières a reçu depuis quelques jours environ 80 gendarmes mobiles et des autorisations de travaux – essentiellement liées au barreau routier donc situées au sud-ouest et au sud-est de la ZAD – ont été déposées pour la fin mars. Disposant d’un soutien local et national très fort, les opposants sont très motivés pour s’opposer, par la force au besoin, aux travaux du barreau routier et à leur expulsion. Cependant, hors de Notre-Dame des Landes plusieurs facteurs plaident pour un évitement du coup de force au printemps sur la ZAD. Revue de détail des causes qui pourraient éviter à Notre-Dame des Landes une nouvelle invasion policière.
L’Europe sauvera Notre-Dame des Landes
D’abord, l’arrivée en force et très officielle des instances européennes, qui ont demandé à la France des compléments d’informations impératifs pour mi-avril. Si la France passe en force, Sandrine Bélier, eurodéputée EELV qui mène la fronde auprès des instances européennes avertit « nous ferons tout pour que le Parlement mette en demeure la France d’arrêter les travaux, au besoin en passant par une prise de position politique européenne ». Une telle issue est très probable : les instances européennes, souvent critiquées pour la lenteur de leur action, un pas après les problèmes auxquels elle est censée répondre, ne manqueront pas l’occasion d’agir en amont d’un projet ni la possibilité en or de rappeler la France à l’obligation de respecter le droit européen dont plusieurs textes fondamentaux sont violés par le projet d’aéroport.
Un régime socialiste très inquiet par la déroute attendue en 2014
Ensuite, le gouvernement, déjà très fragilisé sur le plan intérieur – par les affaires et son autisme face à la contestation sans cesse croissante du projet de loi sur le mariage gay peut difficilement se permettre d’ouvrir un nouveau front, fut-il loin de Paris, au risque de se mettre à dos une frange croissante de la population scandalisée – à juste titre – par les excès de violences policières et les illégalités diverses et variées. Politiquement, le gouvernement a plutôt intérêt, pour sauver la mise aux municipales de laisser couler le dossier, le temps que les recours des propriétaires légaux soient épuisés, ce qui ne sera pas fait avant fin 2015.Nombre d’élus socialistes locaux – la « base » du PS – somment le régime de Paris d’arrêter les frais avec le projet qui exaspère les populations Bretonnes, angevines, mancelles et poitevines déjà très énervées par la montée en puissance de la crise, des impôts, le caractère pour le moins indécis de la politique gouvernementale et son autisme face aux revendications sociales et économiques. Le PS – qui s’est constitué un domaine réservé dans les cinq départements Bretons et détient plusieurs grandes villes de l’Anjou, du Maine, de la Normandie et du Poitou – pourrait souffrir durablement de la crise : Angers, la Roche sur Yon, Laval, Saint-Brieuc, Caen et Rennes sont dans la ligne de mire de la droite et du centre (UMP, UDI) et pourraient basculer. De quoi alimenter la peur panique des élus et de tous ceux qui vivent des grasses prébendes des collectivités socialistes.
Pour l’heure, toute opération policière est illégale
A la suite du président de la Commission de dialogue qui a laissé paraître ses doutes au sujet de la pertinence du projet d’aéroport dans la presse parisienne, d’autres instances nationales, parmi lesquelles le WWF demandent des études complémentaires. Enfin, les autorisations auprès de la Commission Nationale des Paysages et des Sites pour les dérogations à la loi sur l’eau et le déplacement des espèces naturelles protégées ne sont pas obtenues. Ce qui veut dire – alors que commence la période de reproduction des batraciens – que tous travaux lourds qui occasionneraient des atteintes aux milieux naturels, aux sols et aux espèces naturels sont pour l’heure illégaux et pourront faire l’objet de procédures judiciaire et d’interdiction par les maires des communes concernées au titre de leur pouvoir de police.Tout comme les fouilles qui abîment les champs, une intervention policière, nécessitant force véhicules, usage de gaz lacrymogène et poivre, de grenades de désencerclement, d’engins de travaux pour démolir les cabanes et les barricades et causant un piétinement accru de surfaces somme tout réduites et en zone humide ne manquerait pas de dégrader les milieux naturels et de causer la mort d’espèces protégées. De quoi provoquer les foudres de l’Europe et de nouveaux recours judiciaires, sur des fondements juridiques qui ne peuvent être sujets au doute ou à l’interprétation en fonction du pouvoir politique. Si le droit a été largement foulé aux pieds par le pouvoir, la perspective – en ces temps de disette budgétaire – d’une condamnation pécuniaire européenne infamante et importante pourrait refroidir les ardeurs d’un Premier Ministre qui se sait sur un siège éjectable.
A reblogué ceci sur collectif Rhône de soutien à la ZAD de Nantes.